Est-ce normal d’avoir BESOIN d’amour ? Ou l’amour doit-il plutôt être un plaisir ? Le caméléon a la particularité de se fondre dans le paysage en prenant les couleurs de son environnement immédiat. Il n’est pas le seul : de nombreux humains ont également cette capacité. Dans quel objectif ? La survie ! Ce saurien aux couleurs multiples serait très surpris d’apprendre que sa stratégie sert aux bipèdes qui, à défaut de se colorer, ont plutôt tendance à se décolorer. En société, en famille, en couple, vous avez peut-être la mauvaise habitude de vous fondre dans la masse pour ne pas être repéré ou encore pour être aimé. Qu’est-ce qui vous pousse à ne pas être vous-même et à prendre la couleur de ceux que vous croyez plus importants que vous ? Pourquoi le couple peut-il être un « décolorant » ? Ne défendant pas vos propres couleurs vous préférez vous perdre dans celles des autres : est-ce que l’art du camouflage cache le besoin d’amour ?
Dans votre enfance, vous avez peut-être payé cher le fait d’être différent ou vous avez cru que vous l’étiez à cause de cette incapacité à attirer l’attention de vos parents. Vous évertuant à faire « comme tout le monde » pour ne pas détonner, vous avez vite appris à adopter la couleur de ceux auxquels vous vouliez ressembler ou/et vous associer, pour faire partie d’un clan ou d’un couple. A force d’essayer de deviner comment les autres voudraient que vous soyez, vous les avez laissés déteindre sur vous. Pour être aimé de votre entourage, vous avez appris à faire ce qu’on attend de vous, toujours aux aguets pour satisfaire votre prochain jusqu’à en être esclave. Foutu besoin d’amour ! Peu importe ce qui vous plaît ou vous tente, mieux vaut suivre la majorité jusque dans ses travers, pour ne pas vous faire remarquer. Vous y perdez tranquillement votre identité, si toutefois, vous avez eu la chance de la construire à un moment donné. Le vide que vous ressentez vous pousse à changer de couleurs selon les personnes que vous croisez et avec lesquelles vous êtes d’accord sans résister. Impossible pour vous de dire « non », c’est du « oui » à toutes les sauces. Votre besoin de reconnaissance est fort et votre dépendance émotive se construit autour de votre quête d’affection : confiance et estime manquant à l’appel, vous devenez l’ombre de ceux qui croient en avoir une. « L’ombre de ta main, l’ombre de ton chien », comme le chantait Jacques Brel (« Ne me quitte pas »). Plaire à tout le monde ? Impossible ! C’est bien plus facile de se plaire à soi-même pour faire l’unanimité.
Pourquoi penser que tout le monde est plus important que vous ? Parce qu’on vous l’a fait croire par le passé. Toujours ce besoin d’amour qui vous tenaille les entrailles. Du coup, vous voilà en « positon basse » face à n’importe qui et votre côté caméléon remonte à la surface pour vous faire aimer. Croyez-vous vraiment qu’une personne équilibrée pense être en « position haute », acceptant que vous vous trainiez à ses pieds ? Vous ne tomberez que sur des dominateurs qui vous mépriseront pour votre propre manque de respect envers vous-même : ils vous utiliseront parce que c’est ainsi que vous vous positionnez. En famille, vous deviendrez le bâton de vieillesse sur lequel on s’appuiera, mais également sur lequel on crachera. Au niveau de votre vie sociale et professionnelle, vous serez la bonne poire toujours présente pour parer à toutes éventualités et qu’on ne remerciera jamais ou si peu. On vous attribuera les tâches ingrates puisque vous semblez les aimer. Et en amour, ça va se corser… D’autant que quand j’écris « amour », vous serez loin de la vérité, car c’est la névrose que vous réveillerez. Comment choisir la personne qui vous convient quand vous ne savez même pas qui vous êtes ? Persuadé qu’en prenant les couleurs de celui ou celle qui s’intéresse à vous, n’existant qu’à travers l’autre, dépersonnalisé comme un torchon passé à la javel trop souvent, peut-être même troué à force d’avoir servi, vous n’avez plus d’avis, plus de caractère, plus aucun plaisir si ce n’est celui d’être la copie de votre partenaire. Tout cela parce que vous pensez avoir besoin d’amour… La névrose décolore celui qui veut la servir et qui n’obtiendra que du mépris, alors que l’amour apprécie les tons vifs et affirmés. Une personne équilibrée aimera un alter ego qui affichera ses propres couleurs et qui ne sera pas une esquisse de personnalité, mais plutôt une œuvre mature et achevée. Le couple respecte et entretient les tempéraments, quand il est composé de deux adultes fiers de s’être construits chacun de leur côté et qui apprécient ce que l’autre est dans son intégralité.
L’amour ne doit pas être un besoin, mais un plaisir. Dans le besoin, vous devenez dépendant, donc soumis. Alors que dans le plaisir, vous vous respectez et si vous n’êtes plus dans une situation agréable, vous partez. Le plus important, c’est l’amour de soi. Paradoxalement, si le caméléon se fond dans son environnement pour échapper à ses prédateurs en prenant les couleurs des autres, vous attirez les vôtres : pour être aimé de tous, vous vous dépersonnalisez et vous n’avez d’intérêt que pour les dominateurs qui ne feront de vous qu’une bouchée !
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