Avoir une relation sexuelle après s’être abondamment insultés voire frappés vous paraît-il un comportement normal ? Nombreux sont ceux qui pensent que oui. En faites-vous partie ? C’est comme le fou qui se tape la tête contre le mur à plusieurs reprises et qui dit, au moment où il cesse : « Ça fait du bien quand ça s’arrête ». La violence de la dispute augmente l’intensité de la relation intime frénétique qui s’en suivra : et vous trouvez ça cohérent ?
On vous a fait croire que la dispute est saine dans un couple. Ah bon ?! Donc, si l’on étend cette théorie à toutes les relations, affronter son patron et ses collègues de travail, avoir des conflits avec ses enfants, entrer en controverse avec ses amis, être en désaccord permanent avec votre entourage serait sain pour les liens que vous entretenez ? Votre partenaire de vie doit être la personne en laquelle vous avez le plus confiance au monde : meilleur(e) ami(e), amoureux/se, confident(e), amant(e), conjoint(e). Et vous vous disputez violemment ? Vous oubliez certainement comment vous vous sentez après une altercation, quelle que soit la personne que vous avez en face de vous : vous avez horreur de ça ! Enfin, si vous respectez de belles valeurs, car certains sont les champions de la confrontation pour simplement dominer. Dites-moi donc en quoi hausser le ton et employer des mots qui peuvent dépasser votre pensée serait stimulant pour une relation sexuelle ? Personnellement, à part dans une relation sadomasochiste, je ne vois pas…
Une dispute ne parle ni d’amour, ni d’amitié, ni de confiance ou de respect : ça parle de bras de fer pour savoir qui a raison et d’incapacité à écouter l’autre ou à se mettre dans ses chaussures pour comprendre ce qu’il essaie d’expliquer. Autant vous donner des gants de boxe à chacun et vous faire monter sur un ring pour voir qui va gagner, à grands coups de poings dans les blessures d’enfant. Rappelez-vous que les mots portent plus que les coups : les paroles blessantes continuent à résonner dans votre tête, surtout celles de l’enfance, rouvrant les plaies tant que vous ne les aurez pas déprogrammées. Alors, dans votre vie d’adulte, quand les méchancetés fusent encore, vous ne repassant une couche, voyez-vous les répercussions sur votre cerveau ? Des coups, j’en ai donnés et reçus (violence conjugale : c’est moi qui attaquais), mais je ne m’en souviens pas. En revanche, je me souviens des mots violents, même s’ils n’ont plus aucune charge émotive négative dans mon cerveau. Ces phrases cruelles qui m’ont enragée à l’époque, aujourd’hui me font rire.
Donc, si nous nous remettons en situation, au niveau du couple : vous venez de vous abreuver d’insultes, voire assener des coups, dans une rage et une haine qui sont à la hauteur de la douleur que vous ressentez et que vous essayez d’infliger aussi à l’autre. Avoir une relation sexuelle vous parait-il vraiment pertinent, juste après vous être affrontés violemment ? Où sont la confiance, le respect, l’admiration et la complicité (CRAC : définition de l’amour) ? Partis en fumée ! Et vous voulez fêter ça avec une partie de jambes en l’air ? Non, ce n’est pas pertinent, ni cohérent : c’est une attitude de dépendant affectif et émotif. Ouch ! Vous ne saviez que vous étiez dépendant affectif ? Vous pensiez vraiment que la réconciliation sur l’oreiller possédait des vertus ? Comment serait-il possible, quand on est équilibré, de poser les gestes les plus intimes et d’accepter une relation sexuelle avec la personne qui vient de vous maltraiter ? Masochisme ? Non ! Même si ça y ressemble. Dépendance affective ! Je l’ai fait, moi aussi, dans une ancienne vie de déséquilibre, et avec le recul, j’en comprends le ridicule et la nécessité quand vous êtes dans le besoin de l’autre. Vos blessures se sont affrontées, vous vous êtes écorchés, mais la peur de la solitude reprend le dessus et la violence du désaccord fait place au besoin d’être rassuré, cette preuve que seul le corps de votre partenaire peut vous donner : démontrer à travers l’acte sexuel que la personne veut toujours de vous. Et plus vous avez eu peur de la perdre, plus la violence de la jouissance est grande, comme le fou qui apprécie grandement de ne plus se taper la tête contre le mur. Et vous pensez que ce plaisir incroyable reposant sur la dose de drogue que vous venez de recevoir fait partie de la vie de couple ? C’est le principe des montagnes russes : « je t’aime, je te hais » pour se disputer avec la même violence que vous copulez. La violence a-t-elle sa place quand il s’agit d’amour ?
Comment pouvez-vous toucher ou vous laisser toucher, accepter une étreinte intime, alors que la personne vient de vous insulter et peut-être même de vous frapper ?