Par Christian Cyr,
S’ils sont d’indéniables antidotes à la solitude et au stress, les animaux de compagnie sont aussi de véritables donneurs de leçons… de vie. A condition de les observer attentivement et de les aimer pour ce qu’ils sont.
L’indéfectible loyauté du chien, la fière sensualité du chat, l’hypersensibilité du cheval, l’inaltérable impassibilité du poisson rouge… La surenchère dans le choix des épithètes est la règle dans le monde des animaux de compagnie. Un univers dans lequel projections narcissiques, amour de la nature et connaissances empiriques cohabitent avec plus ou moins d’excès
Amour des animaux ou amour de soi ?
Contrairement à l’idée reçue qui associe animal familier et personne seule, ce sont les foyers d’au moins trois personnes qui accueillent chiens et chats (1). La principale motivation ? L’amour des animaux, déclarent d’une seule voix 60 % des propriétaires interrogés. Mais aussi le plaisir d’avoir de la compagnie et de s’en occuper. Le développement de l’enfant est également un argument non négligeable, mis en avant par 70 % des familles « adoptantes ». Les trois quarts des personnes interrogées insistent sur le « rôle social » de l’animal de compagnie, créateur de lien, agent actif contre la solitude et anti-stress unanimement reconnu.
« La relation à l’animal de compagnie est en pleine évolution depuis vingt-cinq ans, constate Jean-Luc Vuillemenot, secrétaire général de l’Association française d’information et de recherche sur l’animal de compagnie (Afirac). Autrefois utilitaires dans le milieu rural, peluches vivantes pour les enfants ou petits compagnons des personnes âgées, le chien et le chat ont totalement investi la famille. La dimension affective dans cette relation ne cesse de se renforcer. Ce qui est nouveau, c’est la notion de responsabilité, d’engagement. On veut connaître son animal, son fonctionnement, à la fois physique et affectif, pour mieux s’en occuper. » Une connaissance que nombre de propriétaires acquièrent par l’observation de leur animal et sur laquelle ils sont la plupart du temps intarissables. Car parler de son chien ou de son chat engage l’affect de manière parfois incontrôlable.
« On ne peut nier qu’il existe un investissement narcissique important dans la relation avec l’animal de compagnie, remarque Isabelle Bianchi, psychologue. Le propriétaire évoque souvent la particularité de son animal, sa capacité à réagir à telle ou telle situation, à devancer certaines demandes. Le discours tourne la plupart du temps autour de la spécificité de son chien ou de son chat, et cela est fréquent chez les personnes qui ont du mal à parler d’elles. »
L’école de la différence
L’animal de compagnie, un thérapeute qui s’ignore ? Si l’animal a le don de délier les langues et de générer des démonstrations affectives particulières, sa spécificité est justement de ne pas être un thérapeute, selon Nadine Centena, psychologue et membre de l’Afirac. « A une époque où tout doit être thérapeutique, l’animal de compagnie offre, lui, un espace relationnel, qui a certes des effets bénéfiques, mais qui repose sur l’absence de norme et d’attentes particulières. Entre un chien ou un chat et son propriétaire, il se passe des choses d’ordre émotionnel, mais est-ce pour autant thérapeutique ? »
Pour la psychologue, la plus grande vertu de cette relation réside dans sa dimension créative. « Le fait que la communication avec l’animal soit non verbale oblige à affûter son sens de l’observation, pour le comprendre et être compris de lui. En cela, elle est une école de l’altérité. »
Pour l’éthologue américain Aaron Katcher, cité par l’ACPS (2), « notre relation avec l’animal de compagnie n’est ni un substitut ni une singerie des relations humaines, mais un supplément qui les enrichit ».
« Le besoin qu’a l’homme de s’approprier la nature est inscrit en lui depuis les origines, affirme l’anthropologue Jean-Pierre Digard (3). Le phénomène “animal de compagnie” est allé croissant avec la perte progressive du contact avec la nature. En prenant un animal sous son toit, l’homme a, d’une certaine façon, l’impression de la recréer. » Selon l’anthropologue, outre le besoin de la proximité et la fascination, l’homme serait en quête de rédemption. « Dans toutes les sociétés de chasseurs, les hommes rapportent chez eux les petits des animaux qu’ils ont tués à la chasse, et ces animaux sont élevés comme des enfants. D’une certaine façon, ils équilibrent l’acte de tuer et l’acte de nourrir et d’élever. Dans nos sociétés de grand abattage animalier, il se pourrait que les animaux de compagnie soient inconsciemment associés à des animaux rédempteurs, c’est ce que j’appelle la quête d’innocence. »
(2) In les dossiers de l’Animal de compagnie presse service (ACPS) n° 3, bulletin de l’Afirac.
(3) Directeur de recherche au CNRS et auteur des Français et leurs animaux (Hachette, 2005).
LE CHIEN
Son maître mot : la sociabilité. A la fois affectueux et respectueux de la hiérarchie, il sait observer son entourage avant d’établir des relations personnalisées avec chacun des occupants de son territoire.
L’esprit du maître
Propriétaire de teckel ou de labrador, même combat. Malgré la diversité de leurs motivations, les propriétaires canins partagent une même attirance pour la hiérarchie (pour le chien, le maître est son chef de meute) et les relations loyales (malgré d’éventuels mauvais traitements, le chien peut demeurer soumis à son maître). Si les hommes entretiennent un rapport de domination avec leur chien, et le choisissent souvent de grande taille, les femmes préfèrent un animal que l’on peut prendre sous le bras, et ont tendance à le materner. Les propriétaires de chien apprécient particulièrement son adaptabilité émotionnelle, ainsi que sa capacité à manifester une affection inconditionnelle.
La leçon du chien
Observer avant d’entrer en relation. Ses qualités sont essentiellement relationnelles. Observateur, empathique, il ressent fortement la peur et le plaisir des humains. Placé dans un environnement nouveau, le chien reste en position d’observation pendant une quinzaine de jours, le temps d’intégrer le fonctionnement hiérarchique et territorial de son entourage : qui est le chef, qui nourrit, qui joue. Ces informations digérées, le chien développe une relation personnalisée avec chacun des occupants de son territoire. Sa spécificité : aller vers tous mais en tenant compte de la hiérarchie. A l’exception des moments de jeu, où il se permet de la bousculer avant de reprendre sa place. Un modèle de sociabilité
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