Danser au rythme Des mensonges.

I

Le rendez-vous

Il dévisageait la femme assise en face de lui comme si elle était un revenant, elle lui faisait peut-être peur ! K.M, qui jadis le pourchassait jusqu’au tréfonds de ses rêves, lui causait un malaise. Devant la tasse de café qu’il n’osait pas saisir, il ne put relever la tête pour la regarder… Car ces yeux l’interrogeaient, lui crachaient mille questions auxquelles les réponses étaient rares, voir même inexistantes.
K.M, bouleversé par ce silence qui pesait lourd sur la table, jouait avec son téléphone portable; soudain, elle eut une idée à laquelle elle réagissait aussitôt : Elle lui écrivit un sms.
Une seconde s’écoula son GSM sifflota, le silence de nouveau… Il lu le message de K.M et y répondit presque machinalement : » Ce n’était qu’un mensonge, je ne t’avais jamais aimé. »

II

La défaite

KM ne dit rien, elle se dirigeait calmement vers la sortie, prit un taxi et rentra chez elle pour crier sous l’oreiller et pleurer toutes ses larmes.
Lui, il ne pouvait pas faire mieux… Il s’engouffra dans un minable bar où il arrosa sa défaite jusqu’au petit matin.
Une fois chez lui vers six heures et demi, il se jeta sur le lit fixant les yeux au plafond où dansaient les formes étranges dessinées par les premières lueurs du jour; et puis la sonnerie de son GSM le sortit de sa mi-léthargie… Il prit son téléphone, une petite enveloppe clignotait à l’écran… Il ouvrit le message et lu la phrase qui l’anéantit « Votre message n’a pu être remis à son destinataire, veuillez réessayer plus tard »
Il se rendit compte alors que sa gloire sur KM n’était que mensonge.

III

La blouse blanche


KM était une blouse blanche, un ange qui erre dans les sombres couloirs de l’hôpital presque désert …les mains enfoncées dans les poches elle se déhanchait lentement allant de chambre en chambre comme si elle cherchait quelqu’un ou quelque chose, puis elle regagna son poste de permanence … ralluma son ordinateur et ouvrit son Msn en se disant « j’espère qu’il n’y aura pas trop de boulot ce soir ! ».
Elle parcourait de temps à autre la liste des contacts, elle attend sans doute quelqu’un, un être qui semble occuper ses pensées depuis un certain temps…. Qui est-il ? Est-ce un début d’amour ? Ou simplement une amitié sincère ?
– Allez ! Envois le taxi. Murmurait-elle
– Tu m’avais promis cette escapade …
Avant même qu’elle eut le temps d’achever ses propos la sirène de l’ambulance retentit annonçant une rude nuit sans sommeil.

IV

L’urgence

Quand les ambulanciers furent éruption dans la salle des urgences de l’hôpital, KM était déjà aux aguets, elle enfilait les gants pour pouvoir aussitôt s’occuper de l’arrivant.

Elle fourmillait seule dans la salle, allait et venait d’un bout à l’autre du lit… méticuleusement, elle le sauva de la mort. Poignardé, le couteau s’était arrêté à quelques millimètres près du cœur… Puis un silence, un profond silence brisé à rythme régulier par les bips du stabilisateur cardiaque.

Retournant enfin dans sa chambre, jeta un dernier regard furtif sur l’écran de son ordinateur, rien…rien

Pas de taxi jaune, pas de voyage, pas d’escapade !

Avait-t-il oublié ? Avait-il un empêchement ? Ou simplement il avait menti ? S’interrogeait-elle avant de se laisser sombrer dans un profond sommeil.

V
Au jardin

Au lendemain d’une nuit tumultueuse, KM sentait un insistant besoin de se détendre et pour ce elle avait l’habitude de passer de longues heures de rêverie dans un petit et beau jardin publique. Cet après-midi, elle avait pris place devant une vieille fontaine aride où jouaient quelques mômes heureux et imperturbables par la présence de cette créature adulte et inconnue. KM fixait des yeux ces enfants sans pour autant les voir; tout son être était pris par l’événement de la veille: Elle se rendit à l’évidence massacrante qu’elle ne s’était pas donné la peine de jeter un coup d’œil sur la figure de l’homme hospitalisé en urgence pendant sa nuit de garde !
Qu’importe ! L’essentiel il est sauvé…se disait-elle. Puis elle se mit à balancer les pieds comme une petite fille de douze ans.
Elle avait mis les écouteurs dans les oreilles, peut être elle tentait d’échapper à sa voix intérieur qui lui rappelait sa miséreuse vie démeublée et solitaire. Une vie où le mot maître est « mensonge ».

VI

La blessure.

Des semaines durant, KM manifestait un dégoût et une lourdeur incroyable. En croisant un collègue, elle daignait le saluer sinon d’un clin d’œil dénudé de la moindre émotion…Elle entra dans la chambre de garde pour se changer et se regarda longuement dans la glace, faisait des grimaces qui ne rendait son air que plus fantomatique. Elle fondit en larmes…de chaudes larmes qui creusaient de minuscules fossés dans la fine couche de crème appliquée sur le visage…le souvenir d’un échec, un rendez-vous raté, la hantait et d’impossibles questions fusèrent dans tout les sens.
KM était maladivement amoureuse d’un homme qui n’avait d’estime que pour son corps; elle le savait mais elle ne pouvait rien contre cet amour!
Des pas pressés se faisaient entendre dans le couloir, KM s’essuya la figure, enfourcha une chaise alluma son ordinateur et commença à naviguer sur le net à la recherche d’une consolation ou d’un nouveau mensonge.

VII

L’amour tue

K.M, depuis qu’elle avait eu la chienne Iris, avait complètement changé… chez elle, elle fourmillait dans tout les sens. Prise d’une fièvre de joie, elle lavait la chienne, la peignait, lui rajoutait toutes les vitamines possibles dans la nourriture pour qu’elle grossisse un peu… Et comme par miracle, K.M avait tout oublie, le taxi nocturne, les rendez-vous ratés et son amour impossible. Elle était tellement heureuse !
Iris l’était aussi car après des mois passés dans une étroite cage de la fourrière, elle avait enfin retrouvé une chaleur humaine et croyez-moi, elle n’en pouvait pas trouver mieux !
Iris passait beaucoup de temps dans la cuisine, elle adorait jouer; et comme K.M ne lui avait pas prévu quelque chose avec quoi jouer, elle s’amusait avec tout ce qui lui tombait sous les canines, même le tuyau à gaz n’était pas épargné.
la petite chienne l’avait perforé de ses canines à plusieurs endroit et le gaz se propageait doucement dans la cuisine … Au petit matin quand K.M se réveilla, La jeune femme ne se doutait pas de la surprise qui l’attendait.
Déjà à sa descente de la chambre à coucher, elle avait l’odeur du gaz au bout du nez, elle se précipita alors vers la cuisine… Elle craignait qu’il arrive du mal à sa petite chérie. Elle ouvrit la porte, et comme il faisait encore sombre, elle tâtonnait de la main sur le mur pour trouver l’interrupteur….elle le trouva. Enfin elle pouvait voir sa chienne et se rassurer … une main sur le nez et la bouche et le bout de doigt sur le bouton de l’interrupteur… elle appuya…! Au lieu de la lumière elle eut une boule de feu sur tout son corps légèrement vêtu…K.M succomba quelques jours plus tard.
Vous l’avez sans doute compris K.M fût assassinée par son amour et Iris avait commis un homicide involontaire mais ne serait jamais châtiée c’est juste une chienne.


Fin.

Boujemaa El Krik 21 Juillet 2013