Tellement facile de dire « moi, à sa place, j’aurais fait ceci ou cela » et tellement tentant de juger les actions de l’un ou de l’autre dans des situations extrêmes. Prenez le temps de réfléchir et demandez-vous ceci : qu’auriez-vous fait à la place de Will Smith entendant le présentateur plaisanter à propos du problème de santé (alopécie) touchant votre épouse ? Et si vous êtes une femme, comment auriez-vous souhaité que votre conjoint réagisse, dans cette même situation ?
Pour rappel, pendant la cérémonie des Oscars 2022, Will Smith est monté sur scène pour gifler Chris Rock qui s’est moqué du problème de santé auquel est confrontée son épouse. La situation est tellement surprenante que le public pense qu’il s’agit d’une blague (ah, les acteurs !) pour réaliser finalement que la gifle est bien réelle et la colère de Will Smith aussi. Le présentateur ne s’arrête pas à tel point que l’acteur retourne s’asseoir et ordonne à Chris Rock de ne plus prononcer le nom de sa femme. Une polémique s’en suit : qui est du côté de Wil Smith et qui est du côté de Chris Rock ?
La colère n’est jamais bonne conseillère, encore faut-il la maîtriser. Certains peuvent avoir la gâchette rapide en permanence quand d’autres auront peu de colères, mais violentes. Ce style de réaction incontrôlée repose sur le fait que l’on vient de piétiner vos valeurs ou encore de rouvrir une ou plusieurs blessures et la réponse peut être très violente. Pendant votre carrière académique, peut-être avez-vous servi d’objet de plaisanterie parce que vous présentiez une différence physique ou qu’un autre avait décidé de vous affubler d’un sobriquet. Les plaisanteries touchant à votre aspect ou votre soi-disant manque d’intelligence vous auront humilié une partie de votre vie et rendu très sensible sur le sujet.
Adulte, à vif, devenu violent, le premier qui rira aura une tapette : vous dégainez rapidement ayant vécu trop d’impuissance et d’injustice par le passé. Bien sûr, je vous parle d’un monde de déséquilibre où l’enfant intérieur prend sa revanche, « locataire » d’un corps devenu suffisant grand et fort pour river son clou au premier qui se moquera. La colère peut également surgir quand on piétine vos valeurs et, déséquilibré et blessé, vous risquez bien de riposter par la violence verbale, voire physique. Alors que la personne équilibrée sentira l’inconfort intérieurement et manifestera calmement son désaccord. Plus facile à dire qu’à faire, me répondrez-vous et vous aurez raison.
Ce sont des réactions qui ne passent pas par la réflexion, quand une personne appuie exactement là où ça fait mal. C’est une évidence quand il s’agit d’une souffrance physique : si on vous heurte à un endroit blessé, un juron pourrait bien fuser ou une réaction très vive pourrait également l’accompagner. Idem quand les bleus sont à l’âme et qu’un événement vient frapper dans le mille de cette souffrance : la violence est souvent la réponse, car elle est un réflexe. Et des réflexes violents, j’en ai eu très souvent par le passé, ne comprenant pas dans quelles turbulences la vie m’avait jetée, essayant de faire entendre mes souffrances à coups de poing. Dans le cas qui nous intéresse, Will Smith pouvait rire des blagues le concernant parce que confiant, mais les flèches atteignant sa conjointe et faisant rire la salle l’ont poussé à réagir autrement.
Et je vois déjà mes clients lisant cette chronique et attendant que je compare l’acteur américain au capitaine de l’équipe de France, Zinedine Zidane, frappant le joueur italien lors de la finale de la coupe du monde de football, en 2012. D’ailleurs pour lever le voile sur ce qui a provoqué cette réaction, le joueur italien, Marco Materazzi aurait récemment dévoilé la courte conversation qui a provoqué « le coup de boule », d’après « Le Point » : « je te donnerai mon maillot plus tard », a lancé Zinédine Zidane à l’Italien qui aurait répondu : « Je préfèrerais ta sœur ».
Certes, la violence porte émotivement les spectateurs à la critique et il faut savoir que le public prend, en grande majorité, fait et cause pour la victime à laquelle il s’identifie souvent. Celui qui est frappé étant considéré comme le plus faible et on s’attache peu à la raison qui a provoqué le geste. Personnellement, comme Will Smith, j’aurais réagi à l’humiliation à laquelle se livrait Chris Rock sur une personne qui m’est chère et qui (on le voit sur la vidéo) vient d’être affectée par la mauvaise blague qui est rediffusée dans le monde entier. Le public, complice en ayant ri, est comme une meute qui attaque celui ou celle que le présentateur pointe du doigt ou de la parole.
Il n’était pas question pour Will Smith de laisser passer ça. Qu’auriez-vous fait, à sa place ? Personnellement, je me serais levée, moi aussi, serais montée sur scène, moi aussi, j’aurais pris le micro des mains du présentateur et je lui aurais expliqué calmement que sa blague n’était pas drôle et venait de blesser ma femme inutilement. Puis, je lui aurais demandé courtoisement de lui présenter ses excuses. Et le plus navrant, bien que Will Smith ait fait amende honorable sur tous les tons, c’est que je n’ai rien vu sur le fait que Chris Rock ait fait de même envers Madame Smith. C’est une réalité chez les êtres humains : qui sème le vent récolte la tempête et, surtout, on ne peut pas rire de tout…