Ma vie, de l’homme à la transsexuelle

Cela commence à faire assez longtemps à présent que j’hésitais à me lancer dans la rédaction d’un « compte-rendu » personnel de mon évolution vers, puis dans, le transsexualisme.

Il est vrai qu’après plusieurs années d’hésitations fort justifiables, j’avais beaucoup de mal à formuler de façon cohérente le maelström d’informations confuses qui se présentaient au quotidien à l’entrée de mon petit cerveau.

Une multitude de contradictions de tous ordres venaient peser sur ma décision et, esprit d’analyse oblige, je me voyais mal livrer à brûle-pourpoint des idées qui allaient être balayées le lendemain par une autre forme de pensée.

« Elle ne sait vraiment pas ce qu’elle veut ou où elle en est cette pauvre Roxanne… » auriez vous pensé à juste titre.

C’est à peu près d’ailleurs ce que je pensais moi-même…

Entre les lectures sur le sujet, les avis formulés par mes ami(e)s et ma propre opinion… pffff! Excusez-moi du terme, mais c’était un vrai bordel!

Il est vrai aussi que je ne fais pas partie des exemples classiques de cas de figure menant au transsexualisme…

Je suis née homme et c’est cette vie que j’ai assumée pendant presque 40 ans…

Oh bien sûr, tout au long de cette existence masculine, de fréquents doutes sur ma vraie nature venaient me perturber l’équilibre.

Une forme de perception différente des femmes faisait de moi le camarade idéal de beaucoup de filles à différents âges.

Bon gré mal gré, je refusais d’y voir autre chose qu’un « talent » un peu spécial, et ne me privais pas de l’utiliser à l’occasion pour me rapprocher d’éventuelles conquêtes…

La capacité d’écoute, le mimétisme de pensée dans certaines circonstances, une certaine forme de raffinement auquel je les savais sensibles, alliés à une apparence physique au demeurant plutôt séduisante, faisaient de moi un séducteur hors pair.

Cela peut paraître, je sais, un peu prétentieux, mais je vous assure que c’était le cas…

D’ailleurs, s’il est une chose irréfutable, c’est bien que la gloire reste une des sensations les plus euphorisantes qui soient.

Cela contribuait d’autant plus à fausser mon jugement sur moi-même, ainsi que sur les sonnettes d’alarmes que mon subconscient tirait à intervalles réguliers.

Ayant de surcroît exercé certains métiers propres à un succès facile (barman de nuit, DJ, etc) ainsi que d’autres à même de galvaniser la confiance en soi (commercial), je me complaisais dans une masculinité aisée, en laquelle mon entourage n’aurait pu soupçonner ne serais ce qu’une seconde, qu’une dualité homme/femme grondait au fond de mon être.

Loin de moi donc le « syndrome de Benjamin », caractérisé par la sensation, voire la certitude, depuis la tendre enfance, d’être né dans le mauvais corps.

Pourtant, parfois, lorsque mon esprit fatigué ou rêveur se laissait aller à contempler, assis à la terrasse d’un café, quelque jolie demoiselle au pas félin, d’étranges pensées m’assaillaient…

Mes yeux habituellement aptes à se porter sur l’ensemble de sa silhouette et transmettant à mon cerveau la vision d’une image plus déshabillée, et par conséquent l’envie qui s’ensuivait, se comportaient différemment et se mettaient à admirer sa démarche, sa tenue, le mouvement de ses longs cheveux ondulant dans le vent, pour ne me renvoyer au final qu’une jolie image d’une féminité absolue.

Pas d’envie graveleuse, pas de désir incontrôlé. Juste une profonde admiration pour cette grâce naturelle, ces mouvements souples et précis à la fois, l’extrême sophistication de cette tenue et de ses nombreux accessoires…

Je me disais: « Quelle chance a cette fille d’être aussi délicate, quelle chance elle a de pouvoir varier à l’infini son apparence au vu des milliers d’articles qui font le choix des femmes comparativement à celui des hommes. »

et puis encore « A quoi pense t’elle en ce moment? Est elle heureuse? Amoureuse? Elle qui ne semble pas conditionnée comme nous la plupart du temps par sa libido et son désir de plaire au plus grand nombre… »

Ces interrogations, de plus en plus nombreuses à mesure que le temps faisait de moi un homme beaucoup plus banal que je le croyais, certes rompu à la séduction, mais bien intégré à la masse, ces interrogations donc, trouvèrent tout leur sens lors de la rencontre décisive qui bouleversa ma vie sentimentale et scella mon futur en contradiction du bon sens le plus élémentaire.

J’avais 30 ans lorsque je la rencontrais. Elle était l’incarnation vivante de tout ce que je pouvais à la fois désirer et admirer chez une femme. Sublime, diaphane, cultivée, extrêmement intelligente, raffinée avec une grande touche de sophistication mais aussi pouvant être outrageusement sexy, avec cette capacité rare de le rendre naturel, presque ingénue.

Je suis tombé éperdument amoureux, pour la première fois de ma vie. Mes principes bien rodés, mes expériences multiples et glorifiantes ont littéralement volés en éclats et je suis redevenu le petit garçon admiratif des belles dames de son enfance, celui pour qui encore la testostérone ne gouvernait pas le cœur et l’âme.

Elle était le TOUT, et bien qu’embrasant mon corps dans la logique d’un rapport adulte, je l’aimais pour mille autres raisons.

Un enfant est né de cet amour, mon fils, aujourd’hui agé de presque 7 ans.

Si, au jour d’aujourd’hui, c’est à lui que je distille l’intégralité de mon sentiment d’amour, il n’en est pas moins le résultat d’une superbe et dramatique union.

Je ne détaillerais pas les raisons précises de notre séparation, cela est du domaine privé et je ne compte aucunement utiliser ce texte pour exorciser mes fautes ou proférer des critiques.

Ce que trouve important de citer par contre, c’est qu’en corrélation avec ce que je citais auparavant concernant mes pensées confuses envers certaines visions féminines, j’avais à travers elle une notion encore plus précise de ce que pouvais susciter la femme comme admiration chez moi. Une garde-robe monumentale, des gestes tellement délicats, un naturel si envoutant…

et surtout…

vivre au quotidien avec elle presque 10 années pour trouver le temps de la comprendre, de me

mettre à sa place, d’analyser ses raisonnements sans jugement hâtif.

Une expérience unique et inoubliable pour moi qui aujourd’hui en suis où j’en suis…

Oh bien sûr je ne comprenais pas tout, ou bien parfois ne cherchais pas à comprendre. Je n’en restais pas moins un homme, peut-être un peu différent de la moyenne mais fonctionnement sous un système hormonal masculin.

D’un autre côté, c’est un peu aussi ce qu’elle attendait de moi.

Mes pendants « féminins », émotivité et hypersensibilité, manières parfois un peu déroutantes et j’en passe, avaient souvent pour effet de l’agacer.

Elle était une femme dans tous les sens du terme.

Elle voulait un homme.

Pas un bourrin bien sûr, mais un homme.

Et puis divers facteurs (je ne cite que les miens: libido évoluant avec le temps et les habitudes, avenir professionnel incertain, léger décalage dans « l’horloge biologique » concernant le désir de procréation) vinrent entacher sporadiquement nos images respectives et notre vie affective.

L’image pour ma part si longuement défendue de l’homme plénipotentiaire de ses capacités à en être un dans les grandes lignes s’effritait inexorablement.

Le fait est qu’elle a intégralement cautionné mes doutes naissants, accélérant de façon

fulgurante la dégradation de cette image.

Le sentiment d’infériorité allait croissant, et tout ce qui me faisait jadis tirer une fierté de moi-même, y compris les « performances », fondait comme neige au soleil.

Ce terrible constat, ce sentiment d’échec, empiré par le reproche, était en train de faire de moi un sous-homme et de me diriger à grands pas vers une existence égale au néant.

Bien qu’affaibli, l’amour m’enchainait à cette situation.

Mais à l’époque, mon métier de commercial itinérant m’octroyait les moments de solitude nécessaires à la réflexion.

Je réalisais alors une profonde introspection, une auto-analyse et un long flashback sur ce qu’avait été ma vie.

Logiquement, les moments de doutes de mon passé ressurgirent afin, à la base, d’y trouver des réponses sur le doute du moment.

Me serais je leurré pendant toute ma vie? N’ai je pas été à l’écoute des voix qui me murmuraient à l’occasion que ma vie de fantoche n’était que de la poudre aux yeux?

Séduire toutes ces femmes n’était il pas en fait un moyen de me prouver qu’elles n’étaient pas différentes de moi?

Ce que je croyais être « un talent de séduction » n’était il pas tout simplement lié à une sensibilité symétrique ayant pour résultante une simple facilité stratégique?

Mon admiration pour les femmes, révélée si souvent être liée à leur être, plus qu’au désir qu’elles suscitaient, n’était il pas le signe d’une partie de moi largement occultée depuis toutes ces années?

Alors, au fur et à mesure que la castration la plus totale vampirisait mon être masculin, voyait le jour, tout d’abord dans une aura diffuse, l’apparition d’une personne timide, aux traits encore flous mais à l’existence indéniable.

De l’état latent d’œuf non fécondé, l’embryon de Roxanne commençait dès lors à se développer.

La dégradation de mon ancienne personne ayant rapidement atteint son apogée, c’est cet être encore très approximatif qui décida de me sauver la vie.

Cela peut paraitre exagéré, mais croyez-moi, des morts-vivants malheureux dans leur être de base éteint, j’en ai rencontré des centaines depuis lors.

Je me suis séparée parce que je ne pouvais plus être pour elle celui qu’elle souhaitait et j’ai décidé de remonter par paliers (c’est la plongeuse qui parle) vers une surface où je ne savais quel paysage m’attendait, mais bien décidée à respirer de nouveau.

Certes, mon passé ne pouvait pas être du jour au lendemain complètement enterré.

Ma famille, mes obligations paternelles, la nécessité de continuer à travailler pour vivre, voilà autant de raisons faisant que je freinais l’évolution de cet embryon salvateur.

Clarisse, de mon nom d’emprunt à l’époque, se cherchait à travers mon ancien moi.

Elle n’avait pas d’existence propre.

Elle était friande de découverte et cela a commencé en toute logique par la découverte d’une nouvelle sexualité.

Bien qu’ayant eu auparavant expérience bissexuelle, c’était dans un sens nouveau que se profilaient les rapports désirés.

Conditionnée par une libido encore totalement masculine et par un désir un peu basique de mimétisme à la femme, je m’orientais vers la découverte quasi symptomatique d’une sexualité avec des hommes où je souhaitais me sentir femme.

Cela a duré presque 4 ans avant que je ne réalise qu’une fois de plus tout ceci revêtait quand même l’aspect d’une mascarade.

Une ou deux tentatives vers des femmes acceptant ma condition m’avaient permis aussi de comprendre que cette sexualité là m’était à présent interdite.

Au-delà de l’aspect sexuel, Clarisse, puis Roxanne (j’avais eu besoin de me baptiser moi-même ce qui n’étais pas le cas pour Clarisse), évoluait de façon exponentielle dans son aspect.

Je faisais mon possible pour apprendre à mieux me transformer, étudiait mes consœurs travesties mais aussi et surtout les femmes biologiques à chaque occasion qui se présentait.

Un succès grandissant en découlait…

Mais encore une fois, le schéma pourtant déjà vécu se reproduisait.

L’homme avait été un séducteur, il faisait de nombreuses conquêtes.

La femme que je croyait être en faisait tout autant!

Je n’étais ni plus ni moins la même personne qui relançait la machine à l’époque grippée.

Seulement cette fois ci, la différence était notoire. Tout comme l’être humain apprend en général de ses erreurs, j’étais beaucoup plus à l’écoute des doutes qui m’assaillaient.

La « poudre aux yeux » n’était pas que du fard à paupières…

Même s’il me fallu plusieurs années pour le réaliser, je ne faisais que vivre entre deux vies.

Il était plus que temps, après 4 ans de gestation, d’accoucher enfin de cet être qui souhaitait vivre de par lui-même.

A vrai dire d’ailleurs cette décision était un sacré challenge. Parce que cet être je ne le connaissais absolument pas!

Roxanne oui d’accord. Il y a un prénom. Un physique aussi. Un mode de vie qui a su s’adapter à certaines exigences. Mais au fond… Mentalement… toujours un homme? une femme? un compromis?

Devenir transsexuelle… Une lourde décision lorsque les interrogations sur son devenir et celui de ses proches vous tarabustent au quotidien.

Bien sûr que l’image peut-être nuancée.

On peut parfaitement vivre une double vie en étant transsexuelle dans la mesure où évidemment on ne modifie pas son corps de façon trop évidente.

Mais autant je savais que j’allais, essentiellement pour protéger mon fils, recourir à une méthode bien plus lente et moins radicale que la chirurgie, à savoir l’hormonothérapie, autant j’émettais de sérieux doutes sur l’évolution qu’allait suivre mon mental.

N’étais ce pas un énième mensonge que de modifier son physique si rien ne changeait au niveau cérébral?.

Serais-je plus avancée avec de la poitrine?

Étais-ce vraiment le but de mon existence actuelle?

Bref de toute façon, je ne pouvais plus vivre ainsi, j’avais besoin de réponses.

J’en avais assez d’entendre des « fais-le, fais-le pas… » de la part de gens qui soit l’avaient vécu mais n’étaient pas moi, soit ne l’avaient même pas vécu et n’était pas plus avancées que moi pour en juger.

Un jour, en plongée, j’ai failli me noyer. Je n’en étais qu’à ma 5e ou 6e plongée et lorsque le moniteur m’a rejoint essoufflée et apeurée en surface, il m’a simplement dit: « tu redescends de suite ou on appelle le bateau ».

Je suis redescendue… Si je ne l’avais pas fait je n’aurais jamais replongé et j’en souffrirais comme un échec pour le restant de mes jours…

Parfois, dans la vie, il faut surmonter ses peurs et ses craintes et se lancer dans l’aventure.

Alors j’ai pris rendez-vous avec l’endocrinologue.

Après un bilan j’ai eu mon traitement.

J’ai contacté un psychiatre spécialiste, démarche imposée de part le protocole français de transsexualisme.

Ce dernier m’a conforté largement dans mon équilibre et ma stabilité à avoir fait ce choix.

J’ai commencé mon traitement le 4 octobre 2011, lendemain de mon anniversaire.

Date on ne peut plus symbolique pour une future renaissance…

Je suis à ce jour, soit un peu plus de trois mois après, on ne peut plus heureuse d’avoir fait ce choix.

Mais cela n’a pas été sans difficultés… et ne l’est toujours pas…

Au tout début, et bien que prévenue par les médecins du peu de chances qu’une manifestation proprement physique ait lieu avant au moins trois mois, on reste toujours dans l’attente d’un petit signe, que l’on peut d’ailleurs aisément se créer à l’esprit, telle qu’être persuadée que ses poils poussent d’un quart de millimètre en moins au bout d’un mois…

Ce à quoi je n’étais, mais alors vraiment pas du tout préparée, parce que personne, médecins, gens ayant témoigné de leur propre expérience, etc, ne disent, c’est que dans certains cas peut être, dont le mien, c’est le psychisme qui très rapidement se voit gravement altéré.

A peine ai-je entendu que des sautes d’humeur pouvaient avoir lieu, qu’une certaine tendance dépressive pouvait s’installer à plus ou moins moyenne échéance.

Peut-être ne veut on pas alerter la personne qui fait la démarche en noircissant un tableau qui n’est pas forcément le lot de tous… Et peut-être que l’on se dit: « de toute façon elle sera suivie par un psy… »

Foutaises…

A ma seconde visite chez le psy j’ai doucement abordé le sujet du tempérament excessif qui se profilait en moi.

Il s’en fout…

Je suis équilibrée et motivée dans mon choix c’est tout ce qui compte…

Eh bien…

Si ce texte doit être lu par des personnes qui sont, comme je l’ai été -même, dans le souhait d’entreprendre cette démarche, mieux vaut à mon avis être au courant des dommages collatéraux éventuels.

En clair je ne le conseillerais JAMAIS à une personne en état de faiblesse psychologique, de diminution physique, ou dont la certitude de faire le bon choix n’est pas profondément ancrée en elle.

Lorsqu’un marin débutant décide de franchir le Cap Horn, plusieurs choix se présentent:

soit il s’entoure de l’équipage le plus aguerri, soit il prie pour que le passage se fasse un jour de calme, soit il est téméraire et connait sa capacité à s’adapter au pire.

Dans notre cas présent l’équipage c’est l’entourage. Equipe médicale compétente, amis et épaules solides.

La prière pourquoi pas, Mais le Cap Horn ne prévient pas, tout comme dans ce traitement on ne connais jamais d’avance sa réaction.

Reste le courage… encore faut il vraiment bien se connaitre et être sûr d’être vraiment prêt à tout.

Pour ma part l’équipage est là.

Mais une équipe de marins même expérimentés n’a jamais vaincu Poséidon, n’en déplaise à

Homère…

Durant le premier mois, les sautes d’humeur vaguement mentionnées se sont précisées comme étant galopantes.

De petits énervements pour rien, menant à des colères démesurées par rapport à l’évènement.

Une grande violence intérieure somme toute.

Et puis une hypersensibilité accrue… moi qui l’était déjà… Aie…

Le moindre film triste, la moindre évocation rappelant un passé douloureux, la moindre crainte pour un proche, une musique émouvante et c’est parti pour un torrent de larmes pouvant durer plusieurs heures.

Totalement incontrôlable.

Deux mois après, l’hyperémotivité atteint un seuil inégalé. Les colères se font plus rares mais la sensibilité ne demande presque plus de facteurs extérieurs pour se manifester.

On prend du temps pour s’analyser, penser à ses choix, à sa vie du moment.

Mon anecdote personnelle à ce sujet est la suivante:

J’ai reçu un couple d’amis étrangers chez moi durant un week-end.

Ce sont des gens adorables et qui s’aiment énormément.

Leur naturel expansif leur faisant distiller de l’amour et de la tendresse à celles et ceux qu’ils ont choisis pour amis, j’ai reçu une dose inhabituelle de sentiments et de douceur.

Ce qui devait arriver arriva…

A leur départ, ce que j’avais inconsciemment occulté durant 5 ans m’est revenu de plein fouet.

Je vivais seule et me targuais d’en tirer le meilleur profit.

Je n’avais personne, hormis mon fils, avec qui échanger des sentiments d’amour et leur bonheur m’a éclaboussée.

L’affreuse solitude, le manque de tendresse parce ce que les les hommes nous proposent c’est uniquement du désir pour la plupart, tout ceci m’a littéralement sauté aux yeux.

Et j’ai pleuré pendant 3 jours… une « mini-dépression » absolument terrifiante, destructrice sur le moment.

Mais j’ai su y faire face, j’ai creusé le noir qui m’entourait et m’étouffait pour trouver une porte de sortie.

Je me suis battue pour surmonter ce mal déchirant.

Et, à force d’efforts, j’ai réussi à entrevoir un aspect positif dans tout cela.

Oui, cette épreuve me faisait avancer.

L’être que j’étais à présent ne souhaitais plus mettre la tête dans le sable et se cacher derrière le masque d’un personnage de Bande-Dessinée, la fameuse « femme-requin » de son profil.

Bien sûr que je suis combattive et un peu « justicière »,

Bien sûr qu’il faudra m’arracher les dents si on veut qu’un jour j’arrête de mordre les personnes nuisibles qui croisent ma route…

Mais l’expérience m’a servi de leçon.

Lorsque j’ai exprimé ma douleur à certaines personnes, la réaction a été presque unanime:

« Toi? tu pleures? Impossible! Tu es le prédateur le plus impitoyable que j’ai jamais rencontré! Cà va aller c’est juste un mauvais trip… »

Alors c’est çà? Non contente de me leurrer sur autant de raisons que précédemment citées, je me forgeais une image à des kilomètres de la réalité, celle d’une personne en marbre, sans cœur, incapable de souffrir.

Non je ne suis pas cette personne là.

Cette souffrance supplémentaire m’a ouvert les yeux.

Certes, ma décision de suivre ce traitement tiens en partie du fait qu’il y a des modifications physiques à la clé, dont la souffrance morale est l’épreuve du feu incontournable.

Ces modifications, à l’évolution lente et incertaine, sont néanmoins nécessaires à l’obtention d’une certaine forme d’épanouissement personnel.

Mais à vrai dire, et avec à présent un peu de recul, je considère que les bouleversements mentaux,si difficiles à supporter, font eux aussi partie intégrante de mon épanouissement futur.

Il me parait à présent inconcevable de désirer « être » une femme et de ne pas ressentir au plus profond de moi ce que c’est vraiment d’en être une.

L’enveloppe c’est bien beau, la chirurgie fait des miracles, les hormones transforment aussi le corps…

Mais rester en dedans un homme si vous n’en êtes plus un… quel intérêt?

Pas de réel ressenti, des priorités toujours masculines, des attitudes qui ne trompent pas…

Une comédie au bout du compte…

Un joli déguisement permanent…

Et la réalité qui vous rattrape un jour…

Ces gens là sont promus d’office à la Seine…

Car oui il en existe. Beaucoup même.

Tout le monde ne supporte pas l’atroce brûlure cérébrale du traitement et puis il y a

celles qui font un métier d’être « trans »…

Il faut donc garder ses fonctions masculines en état puisque les hommes ne recherchent souvent que çà chez elles pour se donner meilleure conscience.

On connait les résultats… des vies brisées, des suicides en masse…

C’est pour çelà que je ne me permettrais jamais de porter jugement sur ces transsexuelles que la plupart désirent et que presque tout le monde condamnent.

Je sais lire la détresse dans les yeux de la plus délurée.

Je sais que pour elle le temps est souvent compté et que son exubérance n’est que le désir de vivre encore un peu plus en ayant l’impression d’exister.

Et si certaines n’en ont pas toujours conscience, celle ci ne tardera pas un jour prochain à frapper à leur porte…

Pour ma part j’ai senti rapidement ma raison basculer depuis 3 mois.

Non, ne vous y trompez pas.

Je ne parle aucunement de sombrer dans la folie.

C’est simplement mes anciens raisonnements, mes anciennes priorités, mon regard sur les autres et

sur moi-même qui s’effacent pour faire place à une nouvelle conception, une nouvelle vision du monde.

Regarder la vie avec les yeux d’une femme c’est vraiment différent….

Et, pour tout vous dire, çà me convient parfaitement!

Alors oui, je subis la pression d’innombrables tempêtes intérieures, passant de colères furieuses à de dramatiques dépressions sur des océans de larmes…

Mais comment simplement imaginer que tant d’années de raisonnement à sens unique, d’émotions conditionnées par mon sexe pourraient du jour au lendemain et sans heurts être anéantis pour céder la place à une vision neuve?

Je le voulais, je le veux… je l’aurais voulu!

Tout cela va se stabiliser un jour.

Une fois que deux réactifs chimiques sont entrés en contact et après l’explosion, la

magie des éléments fait que chaque chose trouve enfin sa place dans un nouveau décor.

C’est en quelque sorte une nouvelle genèse, une renaissance profonde et, au-delà de la forme complexe et douloureuse qu’elle revêt (d’ailleurs on le sait très bien, une naissance est un moment d’une violence inouïe pour un bébé), c’est une chose merveilleuse que d’accéder à la vie ou à une nouvelle vie.

A ce jour, mes priorités changent, je ne me disperse plus en recherches et rencontres futiles,

J’œuvre pour faire de moi une personne autonome et libre de ses choix.

Je crois à nouveau en de vraie valeurs comme l’amour, parce que j’ai parfaitement senti que ce que je dégageais à présent n’étais plus la même chose.

Il n’y a pas à dire, mais on est souvent responsable de ce qui nous arrive.

Si on y crois vraiment, le message passera sans avoir besoin d’en faire des tonnes…

Voilà, mes ami(e)s, lectrices et lecteurs perdus par hasard sur cet article, ce dont je voulais témoigner.

Parce que pour moi, écrire, c’est aussi partager, des sentiments, des réflexions. J’écris avant tout pour moi car cela m’aide grandement à recadrer ma pensée, mais aussi dans l’espoir, je le souhaite du fond du coeur, d’apporter une mince contribution à la réflexion d’autrui.

Bien à vous.

Roxanne