— Il est encore là, en train de m’observer. C’est une manie ! Ce vieil idiot n’a donc rien d’autre à faire de ses journées ?
À ces mots, Albert se détourna de la fenêtre qui le narguait jour et nuit. Octogénaire, en bonne santé, il paraissait cependant fatigué par les longues insomnies dues à son perpétuel tracas. Il n’en pouvait plus, se sentait harcelé, épié… presque vampirisé par ce voisin, dont l’attention restait focalisée sur lui.
— Que peut-il bien y avoir de si intéressant chez moi pour obnubiler cet individu à ce point ? Je n’ai rien de particulier, je n’ai aucune fortune cachée, ni de secret bien gardé, ni de vices honteux à révéler. Alors quoi ? Quel casse-pieds !
La sonnette de l’appartement fit entendre un abominable bruit de crécelle, faisant sursauter Albert qui en oublia un instant ses tourments. La première surprise passée, il alla ouvrir la porte et laissa entrer deux individus, après une brève hésitation.
Le plus jeune des deux, d’une trentaine d’années, dynamique et charismatique se présenta.
— Bonjour, je suis l’assistant social envoyé par la commune. Jean Dombert. Je vous avais prévenu par téléphone de ma visite.
— Oui, oui, je me souviens. Je suis content de vous voir pour régler mon problème de voisinage. Vous savez, je me suis plaint plusieurs fois à la police, mais ils ne donnent pas suite à mes appels et la seule fois où ils se sont déplacés jusqu’ici, ils se sont contentés de me conseiller la patience. J’ai bien vu à leurs sourires et aux clins d’oeil échangés qu’ils ne me prenaient pas au sérieux.
— Monsieur Albert, je ne pense pas que le plus urgent soit un problème de voisinage.
— Comment ça, “pas le plus urgent” ? Vous voulez rire ? Ce type est une véritable teigne. Il est continuellement à sa fenêtre à épier mes moindres faits et gestes.
— Voyons, de quel voisin parlez-vous ?
— L’autre, là, dans la maison d’à côté. Il n’y a plus moyen d’aller pisser sans qu’il soit au courant. Vous trouvez çà drôle, vous ? On voit sa maison de la fenêtre du salon, là.
Albert entraîna les deux visiteurs vers la baie dont il parlait et les laissa juger par eux-mêmes. L’assistant social se tourna vers son compère et ils se regardèrent sans dire un mot…
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Texte publié en février 2002 sur Babelweb.