On pourrait résumer l’historique des agents de recherche privé, appelé plus communément détective privé, à une espèce d’ironie du sort, ou autres maladresses de réglementation ; et laisser ainsi pour énigme (la définition du) le rôle des agents de recherche privé dans la société.
Mais à l’étude de cette même histoire on se rend compte, que certains « coupables » apparaissent, et dénoncent ainsi l’unique témoin « in-condamnable ».
Dès la création des premières agences de détectives privés, au début du XIXème siècle, dénommées à l’époque « police privée », la loi commença à « frémir » face à l’apparition de ce nouveau pouvoir publique. Elle fit interdire le terme de « police privée » soucieuse de l’ambiguïté dont ce dernier relevait. Pourtant et ce de façon objective, ce terme traduisait au mieux ce programme de surveillance et de régulation, parfois même de répression, au profit des intérêts particuliers.
Les débuts de l’activité des agences ne sont pas limités aux affaires familiales bien qu’en 1851 la loi prévoyait les prestations d’enquête dans l’assistance judiciaire ouvrant ainsi le marché aux plus modestes. Très vite les affaires commerciales et industrielles alimentèrent l’activité des plus prestigieuses officines et ce dès 1830.
Paul FEVAL lui-même décrivit dans « Les Habits Noirs » en 1865 :
« Par agences de renseignement, j’entends non-pas celles qui exerçant une sorte de police privée, fournissent spécialement pour un divorce ou une séparation de corps des indications sur les allures, la conduite, la vie intime, mais bien celles qui font métier de procurer à un commerçant des renseignements sur la surface, la solvabilité d’un autre commerçant. »
Ces mêmes années la loi autorise la création de guildes, corporations, syndicats chargés de définir la déontologie de la profession, moralisant cette dernière et permettant ainsi la recherche de notoriété et de légitimité. On voit dès lors apparaître l’inscription au fichier du greffe des tribunaux rendue obligatoire, c’est le début d’un processus de professionnalisation.
Ce processus sera violemment interrompu en 1966 par l’Etat, alors que ce dernier comprenait la création de formation et diplômes dûment reconnus et certifiant des aptitudes d’agent de recherche privée.
Une fois encore la loi « a frémi » et « frémit » encore en interdisant le système des abonnements mis en place par certaines agences, éditrice de bulletin, agence peu soucieuses de la réalité du problème de ses mandants. De larges abus ayant été constatés en ce domaine : véracité des renseignements, pertinence des informations, etc…,
Les prestigieuses agences, elles, inventent les toutes premières techniques du renseignement économique : étude des cours internationaux des denrées, observation de l’état visible des stocks, évaluation des échanges sur les grandes places commerciales, etc…
Devant l’absence de professionnalisation, les agences réputées se distinguent par leur célérité et leur discrétion dans les affaires menées
On s’aperçoit ainsi que l’acceptation de l’Etat et du monde judiciaire vis-à-vis des détectives privés fait obstacle à une réglementation leur permettant toutefois de contribuer à la défense des intérêts des préjudiciables. Ce refus se caractérisant essentiellement sur la reconnaissance officielle d’un pouvoir publique.
Il faudra attendre 1995 et 2005 pour que ces notions soit naturellement intégrées à la loi. Et que le processus naturel de professionnalisation, inhérent à toutes activités, ne soit plus interrompu par l’Etat. Soit presque cent cinq ans après que la demande en ait été faite. On trouve de nombreuses explications à ce retard sur lequel il est inutile de s’attarder.
Retard une nouvelle fois par rapport à certains pays européens, eux, en sont à la reconnaissance judiciaire (Italie, Allemagne, Angleterre), à l’image de nombreux autres pays dans le monde.
Aujourd’hui, dans le cadre du projet de loi LOPPSI 2, le parlement est saisi d’importantes modifications afin de renforcer la législation des enquêteurs privés.
Il étudie la création d’une autorité de contrôle et de régulation dotée d’une mission de police administrative. On relèvera toutefois que cette « autorité » sera autant administrative au sens de l’article 33-2 de la loi du 12 juillet 1983 que disciplinaire au sens de l’article 33-5 de la future loi.
Il préconise la création d’une carte professionnelle, d’une assurance responsabilité civile professionnelle, déjà rendue obligatoire par les syndicats, des visites des cabinets sur autorisation judiciaire, la création d’un code de déontologie, incluant les sanctions disciplinaires, ainsi que le maintien de la surveillance des commissaires de police et officiers de la gendarmerie sur les agences en complément de l’autorité de contrôle.
Ces dispositions ne représentent pas une loi définitive et restent sensibles à des aménagements parlementaires.
Cependant, on observe l’agrandissement d’un pouvoir de régulation mais n’offrant pas une véritable reconnaissance judiciaire, ou du moins comparable à celle des enquêteurs anglais, véritables « officiers de police judiciaire ».
Une fois de plus, l’histoire nous renvoie à nos éternels démons, les anglais symbolisant l’action des détectives privés par les romans de Conan Doyle, tandis que la France souhaiterait continuer à punir « les charançons du commerce » et autres « barbouzes » qui inondent un héritage judiciaire sans aucune valeur. Valeur rendue obsolète par le progrès et nécessitant une profonde remise en question par ces acteurs. Le fait est que la société actuelle a besoin, de plus en plus du travail des détectives privés, tant dans le domaine privé, que dans le domaine commercial.
Seul l’avenir saura nous répondre, mais l’objectif absolu des détectives privés serait d’être reconnu, à juste titre, comme étant des « auxiliaires de justice ».