BEIJING 2008 : SPORT, UNE QUÊTE IDENTITAIRE CHEZ LES ATHLÈTES SINO-CANADIENS
A la veille de son départ pour les Jeux de Beijing, Emilie Heymans, championne du monde et double médaillée olympique au tremplin se sent confiante après ses bons résultats lors de précédentes compétitions cette année »je me sens vraiment prête, j’ai eu une très bonne année, de bons résultats. Aujourd’hui je travaille plus sur les finitions du plongeon je dois avoir beaucoup plus de muscles et de puissance pour me démarquer ». Un défi pour une femme de son gabarit face aux athlètes chinoises plus légères aux formes effilées. »Je dois maintenir les bras plus alignés. Un degré plus avant ou plus en arrière fait la différence entre un 9 et un 9.5 » précise la Canadienne en espérant pouvoir garder sa concentration tout au long des épreuves.
(photos: Émilie Heymans)
Émilie a une relation disons privilégiée avec la Chine – hormis les nombreuses compétitions auxquelles elle a participé – ou plutôt avec une Chinoise. En effet, Emilie Heymans a pour entraineur Yihua LI du club de plongeon Pointe Claire à Montréal.
À titre de plongeuse olympique au sein de l’équipe nationale de Chine, Yihua a gagné de nombreuses compétitions dont celle au tremplin aux IXes Jeux asiatiques en 1982 ainsi qu’à la troisième Coupe du Monde en 1983. Installée au Canada depuis 1990, Yihua reçoit dix ans plus tard le Prix d’excellence de Petro-Canada des entraîneurs. Elle fut l’entraîneur de Anne Montminy, double médaillée des Jeux olympiques de 2000 à Sydney, et de la finaliste des Jeux olympiques de 2004, Myriam Boileau. Un parcours sans faute de Yihua LI qui semble prédire pour Émilie Heymans une place assurée au podium.
De plus en plus d’athlètes nés et formés en Chine représentent le Canada aux Jeux. Parmi eux, Jujie LUAN au fleuret ou les pongistes Mo ZHANG et Judy LONG se sont qualifiées pour Beijing. Ces athlètes excèlent le plus souvent dans leur discipline et sont en général très fiers de porter les couleurs canadiennes comme nous l’explique Madame France BRUNET, physiothérapeute en chef de la clinique du Sport à l’université de Montréal. »De performer en Chine risque d être très bizarre voire éprouvant pour beaucoup de ces athlètes sino-canadiennes. Nous pourrions comparer cela à l’enfant adopté qui visite son pays d’origine » rajoute l’ancienne athlète.
(photos: Mo ZHANG et Jujie LUAN)
»Nous les appelons les »travailleurs migrants » précisait au New York Times le 17 juillet dernier, Kevin B. Wamsley, co-directeur du Centre international pour les études olympiques établi au Canada. Les nations accordent assurément une grande valeur aux médailles et elles s’en donnent les moyens ». Leur nombre d’athlètes migrants au sein des équipes nord-américaines demeure faible mais croissant. Il remettrait en cause les limites nationales de la compétition selon l’article du quotidien américain. Quant à elle, Madame Brunet pense que tout cela a bien changé depuis les événements de 2001. L’octroi de citoyenneté canadienne est plus contrôlé et difficilement accordé ce qui découragerait un bon nombre d’athlètes. »C’était le cas il y a 25 ans, mais aujourd’hui, si un athlète rêve de concourir les Jeux olympiques il lui faudra attendre des années pour obtenir le droit d’y participer. J’ai côtoyé longtemps une athlète yougoslave qui a attendu plus de cinq ans ce qui équivaut à deux sessions olympiques. C’est un risque considérable pour une athlète. » précise la physiothérapeute.
La Fédération internationale de tennis de table a institué désormais de nouvelles règles qui visent à réduire le nombre de pongistes chinois autorisés à concourir pour d’autres nations. Elle interdit à ceux âgés de 21 ans ou plus de participer à des championnats du monde mais n’a pas modifié son réglement pour les Jeux olympiques. Parmi ces athlètes migrants, certains choisissent de changer de nationalité pour réaliser le rêve olympique. D’après Madame Brunet, le sport serait un vecteur inconditionnel de reconstruction identitaire chez ces athlètes. Qu’en est il des fans d’origine chinoise qui vivent à l’étranger? C’est le cas de Fan (Olina) RUYA et de ses amis tous nés à Shanghai aujourd’hui installés à Montréal. Un sentiment partagé se perçoit chez ces jeunes dans la vingtaine qui vivent sous le même toit. »Mon pays (en parlant de la Chine) bâtit des athlètes qui deviennent célèbres comme la championne Guo Jingjing. C’est dur pour nous de suivre leur performance d’ici alors nous applaudissons tant ses exploits que ceux d’Emilie Heymans » précise Fan devant ses amis.
»De nombreux et illustres Canadiens d’origine asiatique ont contribué à la société canadienne, dont des artistes, des écrivains, des journalistes, des gens d’affaires, des scientifiques, des environnementalistes, des politiciens et des athlètes. » précisait Jason Kenney, Secrétaire d’Etat au multiculturalisme et à l’identité canadienne lors des célébrations du Mois du patrimoine asiatique en mai 2008.
Aujourd’hui à l’ére de la mondialisation, les personnes de diverses origines sont de plus en plus mobiles, se construisent ici et ailleurs en quête d’un monde meilleur ou d’un rêve qu’elles tentent de réaliser comme devenir olympiens/olympiennes. Des contraintes sociales et économiques les obligent parfois à choisir. Une reconstruction identitaire est amorcée pour chacun d’eux à travers le sport.