Jacques Dutronc… « Et moi, et moi, et moi… »

Jacques Dutronc… Et moi, et moi, et moi !

1966, mon année de naissance, elle a le goût du piment Dutronc, ça pique, comme les cactus, mais ça répand tout doucement de la chaleur au creux du ventre… Je suis sortie de celui de ma mère en réclamant le sein maternel à grands coups de « Et moi, et moi, et moi »…

Retour en 2010, avec la Tournée Jacques Dutronc ! Avoine Zone Blues Festival, le 4 juillet, 17h50, l’icône du gentleman charmeur, va monter sur scène porté sans aucun doute par la ferveur de son public, ça va être show ! Il fait une chaleur torride sous le chapiteau, ça trépigne devant, derrière, sur les côtés, du monde partout et de tous les âges, ça se remplit, invasif avec la langueur d’une coulée humaine aimante à cœur. Les roadies tournent dans le noir des planches et du décor, on accorde les guitares, on branche les jacks, le fauteuil noir, dans le coin attend de prendre en charge l’auguste séant de Monsieur Jacques.

La fébrilité, voilà ce qui me vient à l’esprit, scotchée, plaquée devant la scène avec ma bouteille d’eau… Je me retourne vers cette masse populaire et prends pleine face une émotion géante qui dort dans l’attente… L’envie impérieuse de le voir prendre les otages du chapiteau sous les ailes de son talent.

Des sifflements, nous sommes aux aguets, ça bouge dehors, les rideaux extérieurs se ferment, s’ouvrent, se referment… les personnes du premier rang reconnaissent Jannick Top, son bassiste qui vient de passer à l’extérieur derrière les pans du chapiteau entrouverts… ça monte dans les rangs supérieurs… il va arriver.

Je ne sais pas ce qui me procure le plus de plaisir à cet instant, scruter la foule qui est là pour lui, pleine de tendresse et de reconnaissance, où regarder dehors pour surprendre son arrivée. Je vois dans la seconde qui suit, Fred Chapellier son guitariste, je ne dois pas être la seule, le public se chauffe de plus en plus. Et là, je le vois passer sur ma droite, avec son costard noir, ses bottes et ses lunettes, l’allure qui colle à son âme de rockeur. C’est magique, la légende va être à ma portée dans moins d’une minute…

18h00 précises, il n’a pas le temps d’arriver sur scène qu’il est déjà acclamé. Coquin et taquin, il arrive dans la pénombre, de la grandeur de son âme et de son attachement au public qu’il avait laissé quelque part en route depuis 17 ans. Une toute petite fille que je prends à côté de moi se retourne et demande à son père intimidée « papa, c’est ce Monsieur là Dutronc » ?

Il reste pour moi un personnage énigmatique, et bien loin de moi l’envie de résoudre le problème. C’est Jacques, rien n’est perdu, tout est là. Je ne sais pas si je dois rire, pleurer ou chanter… Les premières notes de ce pari improbable sont Rock’n Roll, et le pari a été non seulement gagné mais plus qu’honoré, sa voix a pris en rondeur et en chaleur, elle est claire, il est là, nous aussi, on l’aime, il le sait et nous le rend très bien.

Subjuguée les premières minutes, je m’ouvre au reste de la scène. C’est purement magistral. Un line-up qui cloue sur place par le talent, la présence et l’implication autour de Dutronc. Cela mérite d’être sur ce papier ; Jacques est entouré d’Erdal Kizilçay, un génial musicien instrumentiste (Bowie, Iggy Pop, Roger waters…), de l’excellent Jannick Top, bass héro français, il a été notamment le bassiste de Magma, respecté dans le monde entier, à l’instar de Jaco Pastorius, Marcus Miller ou Stanley Clarke. Il a croisé les cordes avec des bombes telles Ray Charles, Herbie Hancock.

Fred Chapellier, mon Ami, mon Pote, son guitariste, The guitariste Blues Rock, honoré des deux côtés de l’Atlantique, hissé en 1er aux Blues Charts Américains avec son hommage à Roy Buchanan, trophée du Meilleur Guitariste Blues, c’est Billy Price, Tom Principato, Don Ray Johnson, Otis Clay… Bernard Arcadio le clavier ! Un compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Français qui touche à toutes les musiques, du Jazz au Rock’n roll, c’est entre autres Didier Lockwood, Dee Dee Bridge Water, Tina Turner. Yves Sanna, éminent batteur de Mylène Farmer et Hallyday qui met ce soir là sa pulse au service de Jacques.

Sophie Braconnier, l’ange blond, 23 ans, à la flûte traversière, qui mérite une révérence en remerciement de son talent et Franck Nello, sans aucun doute un redoutable showman ! Le « claqueur » et sa petite Betty Boop qui vont le temps du Show… faire le Show !

Presque tous les standards sont revisités, des notes bluesy, des riffs de guitare taillés dans le rock, des chorus qui s’arrachent sous les doigts véloces de Fred. L’opportuniste reste brut de décoffrage, Paris s’éveille dans Le Petit Jardin, sous les envolées de la flûte de Sophie… Tout le monde à sa place sur scène, Monsieur Dutronc est un père pour ses protégés…

Pendant 100 minutes de pur bonheur, le show a monté en gamme de seconde en seconde, tous les morceaux sont chantés de son timbre feutré et puissant… et son prénom scandé. Il taquine, il traque la blague à balancer, il coquine avec le public, aucun morceau ne s’enchaine sans qu’il ne prenne le temps de se rapprocher un peu plus de nous avant de nous quitter de nouveau. Il n’oublie pas de brandir tel un étendard, la tête de Maure de sa mère patrie, La Corse. Cela sonne comme un retour aux racines, ses attaches.

Plantée devant le tumulte de la joie débordante, j’essaie comme je peux de prendre des photos témoins de ce que je pense être un moment inoubliable. Je maudis Apple et son Iphone sans zoom et à la qualité de prise de vue au raz des pâquerettes ! Heureusement moi j’ai le nez au raz de la scène et je shoote, on verra bien, malheureusement mon superbe appareil autofocus est resté dans les loges… Interdiction de photo de la production.

19h30, on le sent, c’est bientôt la tombée de rideau, on s’agglutine tous, il enchaine La Compapadé ahurissante et met le feu sur scène avec tout son staff pendant près de 10 minutes, clin d’œil en cascade avec son sifflet, il fait régner le joyeux bordel sur la scène. Il reviendra le temps d’un dernier morceau pour un au revoir collectif et affectif dont je suis certaine, chacun à pris pour lui un morceau.

Il est sorti comme il est entré, en Grand Monsieur. La suite de la soirée, je le garde pour moi, lovée au fond du cœur dans mon tiroir « sweet memories »…

K.R

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