COURS D’ERGONOMIE APPLIQUEE AUX SOINS
Rouis Hammouda
Le bien-être au travail
Le système dynamique de gestion des risques repose sur les principes généraux de prévention et portes sur les domaines suivants :
· la sécurité au travail
· la protection de la santé du travailleur au travail
· la charge psychosociale occasionnée par le travail
· l’ergonomie
· l’hygiène au travail
· l’embellissement des lieux de travail
· les mesures prises par l’entreprise en matière d’environnement,
Pour ce qui concerne leur influence sur les points précités.
L’analyse des risques s’opère au niveau de l’organisation dans son ensemble, au niveau de chaque groupe de postes de travail ou de fonctions et au niveau individuel. Elle se compose successivement de :
· l’identification des dangers pour le bien-être des travailleurs lors l’exécution de leur travail ;
· l’évaluation des risques pour le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.
Bref aperçu
Le mot ergonomie n’est apparu qu’en 1949. Cependant, l’intérêt marqué, surtout chez les physiologistes, les médecins hygiénistes et les organisateurs du travail tel que Taylor, pour l’adaptation du travail est beaucoup plus ancien. Ce terme est aujourd’hui utilisé dans différents domaines :
· dans le domaine commercial, il s’agit surtout d’un argument de vente qui met en évidence l’accroissement du confort d’utilisation et de la performance ;
· dans le domaine technique, la notion de norme est mise en évidence avec comme objectifs l’amélioration de l’efficience et la sécurité du poste de travail.
Le but de l’ergonomie est d’adapter le poste ou la situation de travail a l’homme. Elle essaie de combiner à la fois les exigences des entreprises (qualité, souplesse, diminution des coûts), les contraintes de la situation de travail (température, bruit,…) et les besoins des travailleurs (diminution de charge de travail, sécurité et confort accrus,…) en n’oubliant pas que ces derniers ne sont pas seulement des moyens de production mais aussi des sujets.
Définitions
Ergonomie
Discipline ayant pour objet d’étude l’environnement et les processus physiques et mentaux du travail pour en améliorer les conditions d’exécution (Grand dictionnaire de la psychologie, Larousse).
Remarques :
Elle englobe à la fois l’étude des conditions physiques du travail et des aménagements techniques ainsi que l’analyse des processus d’échanges tant physiologiques, psychologiques que sociaux.
Il existe deux grands types d’ergonomie :
· l’ergonomie de conception permet de mettre en place des systèmes de travail complexes, et éventuellement d’accompagner les opérateurs dans leur adaptation à la nouvelle tâche, au nouveau type de communication qu’entraîne le changement de technologie.
· l’ergonomie de correction s’attache à résoudre les problèmes apparus, suite à une évolution du poste de travail, au cours de la période de jeunesse du système qui a été mis en place. Pour cela, elle fournit de nouvelles informations à l’opérateur et elle donne des indications au niveau des transformations à effectuer sur les machines, pour en faciliter la maintenance par exemple.
A retenir
L’ergonomie est la discipline ayant pour but l’adaptation du Travail à l’Homme.
Acteurs et enjeux
En schématisant, nous pouvons dire que nous sommes en présence de deux acteurs : le travailleur et l’entreprise. Ces deux acteurs n’ont pas les mêmes intérêts et ne suivent pas les mêmes logiques.
Deux logiques :
· l’entreprise suit une logique centrée sur l’économique qui vise à atteindre un certain nombre d’objectifs en termes de production et de qualité.
· le travailleur suit une logique plutôt axée sur le social qui a entre autres comme but de garantir un minimum de bien-être au travail (sécurité, confort) et la valorisation de ses acquis (compétences, expériences, …).
Notion de contrat
L’entreprise et le travailleur établissent les termes de la réalisation du travail au travers du contrat qu’ils négocient.
Prescrit, réel, observé
Constat
Il existe des différences notables entre la situation de travail qui a été prescrite par l’entreprise et la situation de travail réelle qui est issue d’une négociation entre l’opérateur et l’entreprise. Cette dernière diffère encore de la situation de travail qui est effectivement observée sur le terrain.
Lors de l’analyse du travail, il est important de faire la distinction entre :
· la tâche, prescrite ou réelle, qui est la description formelle de ce que le travailleur est censé faire en théorie.
· l’activité qui est l’ensemble de conduites que produit réellement le travailleur en réponse à ses conditions de travail.
Variabilité
La situation de travail n’est pas stable et figée, elle est dynamique et variable tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau de l’individu.
L’entreprise subit :
· une variabilité normale liée à la variation du volume de travail en fonction de la demande ;
· une variabilité incidentelle due à des ruptures de stocks, des incidents de process ou des diminutions d’effectif.
Remarques :
La variabilité normale peut être contrôlée en fonction :
· des variations relevant de la nature de la production ;
· des divers produits, des types de produits ou des services se succédant en production suivant la demande des clients ;
· de l’approvisionnement en matières premières.
Toutefois, il existe également des variations aléatoires comme les variations instantanées de la demande, les variations dues à des incidents sur le dispositif technique, les variations imprévisibles de la qualité et quantité du matériau.
Variabilité au niveau de l’individu
Il faut distinguer :
· les variations interindividuelles sont nombreuses (poids, taille, capacités cognitives, …) et font de chaque individu un être unique.
· les variations intra individuelles qui sont notamment liées à l’âge de l’individu qui voit certaines de ses capacités se dégrader progressivement.
Comme nous le voyons, l’homme moyen n’existe pas et un individu donné n’est pas nécessairement le même à chaque instant. Il faut dès lors être très prudent lorsqu’on met en place une série de normes.
Pour faire face à cette variabilité, il est intéressant de développer une approche qui permet la mise en place de systèmes adaptatifs.
A retenir
L’ergonomie est en grande partie basée sur l’observation en direct de la situation de travail car il y a généralement un écart important entre la manière dont cette situation est décrite par les différents acteurs et celle dont elle se déroule effectivement. De plus, son aspect dynamique et sa variabilité sont des éléments qui ne peuvent être négligés.
Charge de travail
La charge de travail est une mesure quantitative et qualitative du niveau d’activité (mentale, sensori-motrice, physique, …) de l’opérateur nécessaire à l’accomplissement d’un travail donné. La charge de travail varie en fonction :
· des contraintes des tâches ;
· des caractéristiques de l’opérateur ;
· du mode opératoire mis en œuvre.
Un point important à considérer à ce niveau est que le travailleur a une capacité de travail limitée, qui lorsqu’elle est dépassée entraîne une dégradation de la qualité du travail.
Toutefois, la notion de limite est variable car elle dépend entre autre du niveau d’apprentissage de l’individu ou des aides dont il bénéficie ou non dans l’exécution de son travail.
Charge de travail
charge physique
Constat
Toute activité entraîne nécessairement un travail musculaire.
L’évaluation de la charge musculaire peut s’effectuer au travers les variables de l’activité musculaire :
· structure du muscle, contractilité,
· force musculaire,
· phénomènes chimiques et production d’énergie,
· importance de l’irrigation sanguine.
Travail statique versus Travail dynamique :
On distingue généralement deux formes de travail :
• Le travail statique est caractérisé par le maintien de la contraction qui s’accompagne d’une diminution de l’irrigation sanguine. Cela entraîne une accumulation de déchets dans le muscle, source de crampes. Il est donc difficile de maintenir pendant longtemps une activité statique.
• Le travail dynamique est caractérisé par une succession de phases de relâchement et de contraction qui implique une augmentation de l’irrigation sanguine. Celle-ci permet une alimentation régulière des muscles en oxygène et une évacuation des déchets. Le travail dynamique peut être maintenu durant de longues périodes.
Posture
La posture est l’organisation dans l’espace des segments corporels. Il n’y a pas en soi de bonnes ou mauvaises postures. Il faut toutefois privilégier les postures qui respectent le plus possible les positions d’équilibre des segments corporels, qui n’entraînent pas de surcharges circulatoires et qui puissent être changées fréquemment.
Risques
Une charge physique trop importante peut entraîner le développement de troubles chroniques comme des maux de dos ou des troubles digestifs, des lésions définitives ou encore l’apparition de maladies professionnelles.
Charge de travail
charge mentale
Constat
Tout travail nécessite de sélectionner les informations issues de l’environnement, de les traiter, de prendre une décision et d’agir. La mesure de la charge mentale s’effectue de manière indirecte. Elle implique de prendre en compte trois facteurs :
• la complexité de l’activité mentale pour aboutir au résultat attendu ;
• la contrainte de temps dans laquelle elle doit être réalisée ;
•les caractéristiques de celui qui l’exécute (ex. : niveau d’apprentissage).
Problème de la médiatisation du travail : L’automatisation prend une part de plus en plus large dans les situations de travail
Le travailleur agit sur le processus au travers d’intermédiaires techniques abstraits (commandes numériques, contrôle de process,…).
Le travail est médiatisé et nécessite de la part du travailleur une mobilisation plus importante de ses ressources cognitives.
Risques
Si l’opérateur n’a plus les moyens de gérer la charge mentale à laquelle il est soumis, il peut être amené à commettre des erreurs plus facilement ou à voir son temps de réaction augmenter. Les risques d’accidents s’en trouvent accrus.
Une surcharge mentale persistante ou récurrente peut entraîner des troubles psychiques et physiques, des troubles du sommeil, des troubles du caractère
(Ex. : agressivité) ou bien encore des troubles de la personnalité (Ex. : isolement).
Charge de travail : charge émotionnelle
Constat
Dans le cadre de certaines activités, le travailleur se retrouve confronté à la souffrance humaine (milieux hospitaliers, pompiers, …) ou à des situations désespérées (violence, mort, …). Le travailleur doit à la fois gérer son propre vécu émotif et celui des autres.
Risques
En l’absence d’un support, ses capacités de réponse peuvent rapidement être submergées et ce processus peut déboucher sur des pathologies comme le bun-out.
Charge de travail : charge psychosociale
Constat
Le travailleur est constamment stimulé dans son travail par une série de choses positives et négatives que se soit au niveau du contenu même du travail, qu’au niveau de l’environnement de travail.
Evaluation :
Au moins trois variables peuvent être prise en compte :
· l’autonomie dont dispose l’opérateur pour gérer son activité ;
· l’intérêt du travail qu’effectue l’opérateur (ex. : répétitif ou non)
· le contrôle que l’opérateur à sur son activité (ex. : organisation de ses horaires, accès aux ressources, …)
Aspect relationnel :
Même si l’opérateur est seul à son poste de travail, il est généralement en contact avec d’autres collègues. Les aspects relationnels (ex. : qualité des contacts, ambiance de travail, …) ne sont pas à négliger.
Risques
Si l’aspect négatif de la charge psycho sociale prend vraiment trop d’importance, le risque est grand de voir se développer des troubles dépressifs chez certaines personnes.
Facteurs d’ambiance
L’ensemble éléments de l’environnement du poste étudié qui peuvent affecter les conditions de travail de l’opérateur.
Facteurs d’ambiance : ambiance sonore
Le bruit correspond à « tout phénomène acoustique produisant une sensation généralement considérée comme désagréable ou gênante.
Caractéristique
Le bruit est caractérisé par :
· sa fréquence, qui correspond au nombre de vibration de l’air par seconde, exprimée en hertz ;« son intensité exprimée en décibel (sonomètre).
Bruit et oreille humaine :
Les sons perceptibles par l’oreille humaine se situent entre 20 Hz et 20.000 Hz avec une sensibilité maximale entre 3000 et 6000 Hz. Au-delà de la courbe de la limite des intensités perceptibles (70 à 130 dB), qui sont variables en fonction de la fréquence du son, on observe la douleur et/ou destruction cellulaire dans l’oreille. La zone conversationnelle définit les sons utilisés pour la communication par la voix humaine. Lorsque cette zone est affectée, le handicap auditif apparaît vraiment. La surdité professionnelle est un processus pernicieux car elle s’installe progressivement et provoque des dégâts dans l’oreille avant que des effets se fassent sentir au niveau de
» l ‘ audition conversationnelle,
Sur le plan physique, nous avons :
· les lésions de l’appareil auditif allant jusqu’à la surdité ;
· l’augmentation de la fréquence cardiaque et du rythme respiratoire ;
· la diminution de l’activité des organes de la digestion ;
· la vaso-constriction des vaisseaux cutanés entraînant une mauvaise irrigation de l’épiderme ;
« La réduction de l’activité cérébrale entraînant divers désordres psychologiques et affectant également la qualité du sommeil.
Au niveau psychologique :
· le bruit oblige le travailleur à faire un effort supplémentaire pour effectuer son travail, ce qui se traduit en termes de dépense nerveuse et de fatigue accrue ;
· tout cela peut être source de réaction d’anxiété et/ou d’agressivité ;
· on observe également que le bruit augmente les risques d’accidents en empêchant les travailleurs de détecter les signaux utiles (bruits caractéristiques du fonctionnement de la machine, signal d’alarme
Facteurs d’ambiance : ambiance lumineuse
La lumière est la partie des rayonnements électromagnétiques auxquelles l’œil humain est sensible.
Caractéristique
La lumière peut être caractérisée par :
· l’éclairement qui est la quantité de lumière reçue par une surface et qui se mesure en lux ;
· la luminance qui est la quantité de lumière qu’une source éclairée réfléchie et qui se mesure en candela par mètre carré.
Eclairage :
Pour évaluer la qualité d’un éclairage, trois facteurs sont à prendre en compte :
· le niveau d’éclairement qui sera fonction des détails à percevoir ;
· le contraste entre zone « éclairée » et zone « sombre » qui ne devra pas être trop marqué ;
· le rendu des couleurs et les reliefs.
Sollicitations de appareil visuel
Deux exemples de sollicitations possibles :
.l’accommodation consiste en une modification de la courbure du cristallin en vue d’assurer la netteté de l’image sur la rétine.
· l’éblouissement est dû à l’arrivée trop importante de lumière sur la rétine due à l’incapacité de la pupille de réguler les variations brusques d’intensité lumineuse.
Conséquences sur la santé
Plus les sollicitations de l’appareil visuel seront intenses et/ou répétées, plus
grand est le risque de voir une fatigue visuelle s’installer. Cette fatigue visuelle est caractérisée par :
· des symptômes oculaires (yeux rouges, paupières qui clignent, picotements, …),
· des troubles visuels (vision trouble ou double),
· des maux de tête.
Facteurs d’ambiance : ambiance thermique
L’ambiance thermique reprend l’ensemble des éléments (chaleur, humidité,…) qui caractérisent l’environnement thermique dans lequel les travailleurs doivent évoluer.
Caractéristique
L’ambiance thermique peut être caractérisée sur base de
· la température sèche (thermomètre classique) ;
· la température humide (hygromètre) ;
· la vitesse de l’air (anémomètre) ;
· la température de rayonnement ;
Notion de thermo- régulation
L’organisme maintient sa température interne constante lorsque les conditions d’ambiance thermique varient grâce à divers mécanismes (ex. : vasoconstriction/dilatation des vaisseaux sanguins périphériques, contractions musculaires,…).
Certains travailleurs sont exposés à de très hautes températures (sidérurgie, par exemple) ou à des températures très basses (entrepôts frigorifiques, par exemple). Il faudra veiller à leurs fournir les moyens de protection adéquats et adapter leur rythme de travail.
Conséquences pour la santé :
Dans ces situations, le système cardio-vasculaire des travailleurs est souvent la très sollicité.
Facteurs d’ambiance : vibrations
Les vibrations de basses fréquences sont celles qui présentent le plus de danger pour l’opérateur.
Leurs sources sont diverses : engin de transport,engin de manutention, outils vibrants, machines, ….
Caractéristique :
Les vibrations peuvent être caractérisées sur base de :
· leur amplitude ;
· leur fréquence.
Conséquences :
Elles peuvent entraîner des problèmes structurels ou fonctionnels au niveau pour la santé de la colonne vertébrale ou du système digestif.
Remarques :
Les vibrations sont tout aussi dangereuses pour le matériel car elles peuvent entraîner son vieillissement prématuré.
Facteurs d’ambiance : produits toxiques et poussières
Pour de plus amples détails, les élèves se référeront aux cours relatifs à cette matière. (Cours d’hygiène)
Organisation du travail
L’organisation du travail est l’ensemble des éléments qui affectent l’intégration de l’opérateur et de son poste de travail au sein du processus d’activité de l’entreprise.
Organisation du travail : planification
La planification reprend tout ce qui concerne l’organisation du travail de L’opérateur dans le temps.
Caractéristique :
Parmi les aspects à prendre en compte, nous avons :
· la durée du travail journalier ;
· les horaires de travail ;
· le rythme de travail.
Conséquences :
Certains horaires (ex. : travail par pause) perturbent le rythme veille-sommeil pour la santé et entraînent des troubles du sommeil et des troubles de l’attention.
Remarques :
Les conséquences sur le plan psychosocial doivent également être prises en compte.
Organisation du travail : coordination
La coordination La coordination reprend tout ce qui touche aux interactions de l’opérateur et de son poste de travail avec les autres acteurs de l’entreprise.
Caractéristique Parmi les aspects à considérer, nous avons :
• La position du poste de travail (début, milieu, fin) dans le processus de production ;
• Le nombre d’acteurs avec qui l’opérateur est en interaction.
Conséquences pour la santé
Des problèmes au niveau de la coordination des activités au sein de l’entreprise peuvent favoriser l’augmentation du stress chez les travailleurs.
Activité, travail et démarche ergonomique
Postures et travail musculaire
Les postures sont constituées par l’organisation dans l’espace des différents segments corporels qui permettent à un individu de se situer et d’agir. Plusieurs variables entrent en jeu lorsque vient le temps d’analyser une posture prise dans l’activité de travail. Les caractéristiques personnelles (l’expérience de travail, la condition physique, l’âge, le sexe, les mensurations anthropométriques), les conditions de travail (le type d’effort, l’activité de travail, les outils utilisés) les contraintes environnementales et les exigences de production jouent un rôle déterminant sur les postures adoptées par les travailleurs (figure 10.1). La posture ainsi prise constitue souvent un compromis entre ces différentes variables.
Effort musculaire statique ou dynamique
Effort musculaire statique
L’effort statique est caractérisé par un état prolongé de contraction des muscles qui s’appliquent habituellement au maintien d’une posture. Dans la vie quotidienne, nos muscles effectuent constamment des efforts statiques. Ainsi, dans la position debout, toute une série de groupe de muscles des jambes, des hanches, du dos et du cou restent contractés de longs moments. C’est grâce à ces efforts statiques que nous pouvons maintenir certaines parties de notre corps dans la posture voulue. Dans la posture assise, l’effort statique des jambes est soulagé et la tension musculaire totale du corps est réduite, cependant cette position assise augmente la pression discale de 40% par rapport à la position debout. L’effort statique étant beaucoup plus pénible que l’effort dynamique, la composante statique exige un effort musculaire plus important.
Nous nous devons d’éliminer, de nos jours, les positions statiques maintenues trop longtemps. L’effort musculaire statique entraîne une sensation de fatigue pénible dans les muscles sollicités. Si les positions statiques sont répétées quotidiennement sur une longue période, une détérioration des articulations, des ligaments et des tendons peuvent se manifester chez l’« homo sedens ». D’après de nombreuses observations ergonomiques, une charge de travail statique accrue entraîne une recrudescence de :
- l’inflammation des articulations,
- l’inflammation des gaines des tendons,
- l’inflammation des points d’attache des tendons,
- des symptômes de dégénérescence chronique des articulations sous forme d’arthrite,
- des troubles au niveau du disque.
Tableau 10.1 Douleurs corporelles au dos causées par des efforts statiques
Posture de travail |
Parties du corps affectées |
Cartes de la douleur |
Buste penché en avant en position assise |
Région lombaire: détérioration des disques intervertébraux |
Musculaire, discale |
Assis, le buste droit (90°), sans dossier ou avec dossier mais sans l’utiliser |
Muscles extenseurs du dos |
Musculaire |
Assis, les genoux plus bas que les hanches |
Pressions discales lombaires dû à un dos en cyphose |
Discale |
Position debout, genoux droits, dos fléchi |
Augmentation remarquable de la pression sur les disques intervertébraux |
Discale |
Effort musculaire dynamique
L’effort dynamique caractérisé par une alternance rythmique de contractions et d’extensions, de tension et de relâchement, est sans contredit, l’effort musculaire le plus adéquat pour l’humain. Dans une situation dynamique, l’effort s’exprime par le raccourcissement du muscle et par la puissance visible développée. Le muscle, dans un effort dynamique, se comporte comme une pompe dans le système sanguin. L’alimentation sanguine devient rapidement supérieure à la normale. Le muscle peut ainsi retenir le sucre et l’oxygène fournisseurs d’énergie. L’activité physique modérée devient donc un facteur important de protection dans notre mode de vie sédentaire.
Dans la position statique, les déchets ne sont pas évacués, ils s’accumulent et provoquent douleur et fatigue, d’où la nécessité de varier ses postures ou positions pendant la journée. Nous ne sommes vraiment pas fait pour rester assis de longues heures à rentrer des données informatiques.
Manutention et maux de dos
Une activité consistant à lever, manipuler ou traîner des charges, implique de gros efforts dynamiques et peut être classée dans les travaux pénibles. Le problème essentiel ne vient pas des efforts importants imposés aux muscles, mais d’un phénomène beaucoup plus grave : l’usure et la détérioration des disques intervertébraux, s’accompagnant de risques accrus de troubles fonctionnels du dos.
Dans le cas du soulevé d’une charge, si le dos est courbé, il se produit une augmentation brutale de la pression à l’intérieur des disques, ce qui amène vite une surcharge pour l’anneau fibreux situé entre les vertèbres. De plus, lorsque le dos est courbé et que la colonne vertébrale s’arrondit au niveau des vertèbres lombaires, les charges imposées aux disques sont très importantes et asymétriques, c’est-à-dire beaucoup plus importante sur l’avant du disque que sur l’arrière. Les charges résultantes sont alors très nuisibles et constituent un élément important dans la détérioration du disque. Le dos rond entraîne une pression plus élevée sur le bord avant des disques, ce qui peut engendrer une augmentation du risque de rupture. Tandis que le dos droit, permet une bonne répartition de la pression sur la totalité du disque, réduisant par le fait même les risques d’usure et de dégradation de l’anneau (Grandjean, 1988; Pheasant, 1990)
Répartition de la pression sur les disques intervertébraux pendant la levée d’une charge. Dos courbé à gauche et dos droit à dÿÿite.
Soulever des charges
Dÿÿ règles bien précises sont fondées sur certaines connaissances scientifiques et pratiques. L’école interactionnelle du dos préconise huit commandements pour soulever des charges tout en évitant un risque de surcharge.
Identifications des huit commandements pour éviter la surcharge
- Le corps doit se trouver le plus près possible de la charge (bon encadrement)
- Corps droit avec une base solide (largeur des pieds plus grande que largeur des épaules)
- Empoigner la charge de telle façon que l’on puisse la déplacer en laissant le dos droit.
- Bassin verrouillé (contracter les muscles stabilisateurs du bassin, abdominaux et dorsaux)
- Les genoux légèrement fléchis
- Bras tendus
- Le dos droit, disques bien placés
- Bonne respiration, oxygénation des muscles fournissant l’effort.
Analyse des contraintes
Postures assises
Il existe certains avantages d’être assis lors d’un travail. Les jambes supportent moins le poids du corps, les mauvaises postures semblent plus rares, la consommation d’énergie est réduite et le système sanguin est moins sollicité. La position statique assise permet d’être moins fatigué que la position debout statique (effort musculaire moins grand pour maintenir l’individu assis statique que debout statique).
Cependant, la position assise prolongée entraîne des inconvénients. Le relâchement des muscles abdominaux protecteurs et indispensables dans le verrouillage du bassin en sont un exemple. Une déviation de la colonne vertébrale (dos rond) altère le fonctionnement des systèmes digestif et respiratoire. De plus, dans un grand nombre de postures assises, les muscles du dos semblent trop souvent contractés (voir carte musculaire).
Les travailleurs assis placent souvent leurs dos en position arrondie La posture ainsi adoptée implique souvent une cyphose dorsale pour 36% des gens assis ou une cyphose dorsale et lombaire pour 54% de ceux-ci. Suite à l’analyse de comportements posturaux de certains travailleurs assis (Grandjean, 1988 ; McCormick et Sanders, 1993 ; Côté, 1997), la tendance favorise une posture en cyphose due au glissement de leur corps vers l’avant. Cette posture ainsi prise sur de longue période peut contribuer à de sérieux malaises au bas du dos de l’individu. La cyphose lombaire est donc à éviter. Elle augmente, par un effet de barre à clou, la pression à l’intérieur des disques. Cette posture crée également des désordres anatomiques importants pour celui ou celle qui conduit ou est assis à écrire ou à dactylographier. La cyphose lombaire semble davantage relié à ceux qui ont mal dans le bas du dos. Elle crée aussi une contrainte musculo-squelettique sur le tronc du travailleur. Cette posture entraîne une fatigue des muscles lombaires et paraspinaux. De plus, cette mauvaise posture implique un mode de chargement asymétrique des disques intervertébraux
Bascule du bassin lors du passage de la position debout à la position assise
S’asseoir implique un basculement du bassin (indiqué par une flèche), le sacrum se redresse, la colonne vertébrale n’est plus en position de lordose mais en cyphose
Sept principes de base pour favoriser une bonne posture (Corlett, 1978; Pheasant 1986).
- Évitez le plus possible, l’inclinaison de la tête et du cou.
- Évitez le plus possible l’inclinaison du tronc.
- Évitez l’utilisation des membres supérieurs dans certaines actions où les membres inférieurs peuvent être utilisés. Ex. soulever un malade pour l’asseoir.
- Évitez les positions asymétriques et les positions de torsion (twisted positions).
- Lors d’efforts musculaires, placez les articulations au tiers ou à la moitié de leur mouvement de flexion.
- Prendre des mesures pour garder le dos le plus au repos possible
Respectez les forces musculaires de chaque individu.
– Se pencher vers l’avant
– Lever les bras au-dessus des épaules
– Atteindre un objet qui se trouve derrière soi
Mouvement de rotation des bras
Flexion du poignet
Empaquetage de bouteilles
Soulèvement par une prise en pincement
Soulèvement par une prise en crochet
La manutention des malades
Un peu d’histoire des mots, le saviez vous ? : « manutention est un emprunt de la langue juridique (1478) au latin médiéval manutentio « protection, appui, aide », du latin populaire manutenere , « tenir avec les mains ».
Il signifie en ancien français protéger, défendre, avoir sous sa garde. (Le Robert historique de la langue française, Alain Roy, tome 2 p 2099 et 2128 et le Robert 1998).
Il est extraordinaire de voir comme ce sens s’accorde avec le métier de soignant, prendre soin.
Le souci de ne pas réduire la manutention à un acte de plus, sans d’autre signification que le déplacement plus facile du malade, nous a conduit à développer la manutention relationnelle, ou la manutention est prise dans le sens primitif d’accueillir avec les mains.
Nous, les soignants, sommes des manuels, c’est à dire, que notre production, le soin, est « fabriqué » par la main. Comme Picasso ou le sculpteur César.
Etre manuel ne signifie pas ne pas avoir de cervelle, mais que la pensée est au service des nos mains.
Les règles de base du comportement soignant
Tout ce que patient peut faire lui-même va dans le sens de la conservation et de l’amélioration de sa santé.
- 1er principe d’action:
Nous n’avons pas le droit de faire un geste à la place d’un patient, sauf bien sur pour des raisons psychologiques, médicales ou humaines prioritaires. Tout simplement parce que le mouvement, c’est la vie.
Tout ce qui vit bouge.
Le mouvement est indispensable à la création et la conservation de la santé. La pénibilité des manutentions dépend directement de la qualité et de l’importance des mobilisations.
Les services où le soin est axé sur la verticalistion et l’aide à la marche peuvent voir leur taux de grabataires baisser dans des proportions considérables.
- 2e principe d’action:
Si un patient ne peut faire un mouvement lui-même, le deuxième principe est alors fondamental: nous n’avons pas le droit de toucher quelqu’un sans lui dire avant, et nous devons accompagner tous nos gestes d’une description
- Il faut développer une philosophie des soins :
Le patient est un client, le patient est une personne.
La manutention relève d’une démarche et doit être intégrée à tout les actes de soins manuels (pour éviter le morcellement du malade dans une suite d’actes sans signification réelle, ou la manutention peut aggraver son état au lieu de participer à l’amélioration de sa santé).
Les principes de base de la manutention:
Evaluer la situation :
La situation dans laquelle se trouve le patient doit toujours être évaluée avant de commencer une manutention: Le lit est-il bloqué, est-il à hauteur variable, le patient est-il sondé ? …
Pendant le déplacement du malade, la surveillance continue: La perfusion suit-elle, la sonde n’est-elle pas restée accrochée au lit ?…
Une fois la manutention achevée, l’évaluation de la situation continue: le patient ne risque-t-il pas de glisser, peut-il atteindre la sonnette?…
· Evaluer le patient : Avant toute action de mobilisation de la personne malade, le soignant doit procéder à une évaluation, 3 temps:
- Le dossier de soin nous indique le parcours du patient, les contre-indications médicales (par exemple le droit à l’appui ou non), et nous fixe le cadre général dans lequel la manutention doit se dérouler.
- Les transmissions nous indiquent les éléments nouveaux qui peuvent modifier la manutention (par exemple le patient est tombé, et crie depuis…)
- L’observation en situation de soin (teint inhabituel, angoisses, plaintes…)
· Après évaluation, en tenant compte des éléments nécessaire à la manutention, nous retrouverons 3 catégories de patients, donc de manutentions, et ce tous service confondu:
· Les patients autonomes.
· Les patients valides.
· Les patients invalides.
Certains services n’accueillent que des patients invalides et d’autres que des valides ou des autonomes.
Patients autonomes:
Ils se déplacent seuls debout
La « Manutention » n’est qu’une Aide Psychologique pour les déplacements.
Elle ne nécessite aucune aide manuelle du soignant, mais doit parfois être encouragée, stimulée.
La relative facilité de prise en charge physique de ce genre de patients ne doit pas faire oublier le risque d’une grabatisation d’appel, seul moyen parfois dont dispose la personne âgée pour bénéficier de l’attention et de la présence des soignants !
L‘aide psychologique fait principalement appel à l’empathie et à la chaleur humaine.
Le toucher est le langage le plus « vrai ».
- Patients verticalisables, dits « valides »:
Ils sont mobilisés debout, mais aidés.
Dans notre classification, la personne est valide si elle est capable de porter son poids. Elle en a la force mais la vericalisation nécessite la présence des soignants. Leurs interventions seront orientées et limitées : En effet, seuls deux facteurs séparent une personne autonome d’une personne simplement valide:
· le patient à des problèmes de déséquilibre:
Cela nécessite un placement judicieux des soignants (par rapport au malade et entre eux) selon les techniques choisies ;
· le patient à des problèmes d’ordre mental, qui peuvent être de deux types:
La peur (voire la panique), ou la peur de la douleur; (la douleur, elle, est un facteur que l’on doit objectivement considérer comme pouvant rendre un patient invalide);
Une incompréhension des demandes des soignants.
La démarche demande donc une communication appropriée qui va être surtout une communication non verbale: qualité des saisies et des prises. (encourager verbalement, n’est qu’un complément au ressenti corporel).
A ces patients nous pourrons proposer plusieurs types de déplacements:
- le pivot pour les déplacements des malades n’ayant qu’un appui: amputation, hémiplégie flasque, période de consolidation d’un membre opéré,… La proposition de déplacement en longueur pour ce type de patients est l’affaire de spécialistes (rééducateur, kinésithérapeute) qui proposeront des aides à l’handicap.
- La marche pour tous ceux ayant un appui bipodal.
Patients invalides
Ils sont incapables de porter leur poids.
Les soignants assurent les manutentions, ce sont les seuls patients qui représentent une « charge » au sens légal
- Il faut donc évaluer:le poids: Lourd ou léger, qui va déterminer la forme de la technique
- l’état (pathologie + état présent): Attrapable ou non qui détermine la qualité des saisies.
Patients Légers :
o Les portés (moins de 25 kg pour une soignante seule, 50 pour 2 soignantes, 75 pour 3).
· Patients Lourds:
o Les glissés
o Ces 2 types de techniques sont réalisés :
o « à Mains », pour des patients « Attrapables ».
o avec des draps ou des alaises pour des patients « Non Attrapables »,
Un patient est « non attrapable » à cause de la douleur, de l’hygiène, de fracture, de sa fragilité etc.
- Cas particuliers:
Lorsque des patients lourds ne peuvent être glissés, il faut les porter. On utilisera alors des aides mécaniques (lèves malades), ou l’on augmentera le nombre des soignants en proportion du poids du patient.
Se rapprocher du malade
Un patient de 50 kilos collé contre vous pèse en réalité 150 kilos sur vos vertèbres. Si l’on ne peut pas faire mieux, on peut faire beaucoup plus mal, en s’éloignant du patient : il peut alors peser jusqu’à 5 fois plus soit 750 kilo.
Le Mouvement, l’Exercice et le Patient
Il est important, tant pour l’aide soignant que pour le patient, de connaître les principes du mouvement corporel et de savoir les appliquer. L’exercice et les mouvements corporels sont souvent prescrits comme adjuvants. Quand ils ne le sont pas, c’est à l’infirmière qu’incombe la responsabilité de prévoir un plan journalier d’activités pour satisfaire le besoin de mouvement et d’exercice du patient.
Il est également important que l’aide soignant utilise son corps de manière à éviter toute fatigue musculaire, et à employer efficacement son énergie.
La kinésiologie est la science du mouvement humain; son étude remonte à Aristote, considéré le père de la kinésiologie. Pour comprendre le mouvement, l’aide soignant a besoin de notions d’anatomie, de physiologie, de physique et doit connaître les principes qui régissent le mouvement corporel.
Physiologie et anatomie du mouvement corporel
La position est «la relation des différentes parties du corps au repos ou dans une phase d’activité quelconque» (1). On considère que la position est bonne quand elle favorise le fonctionnement adéquat des systèmes corporels; mauvaise, quand elle impose, pour garder l’équilibre, un effort exagéré aux muscles, ligaments et articulations.
Les mouvements corporels sont principalement effectués au moyen du squelette, des muscles et du système nerveux. Le squelette est composé par les os, qui fournissent des points d’attache aux muscles et aux ligaments et agissent comme leviers. L’extrémité proximale d’un muscle est rattachée à l’os le moins mobile; ce point d’attache s’appelle l’origine du muscle. L’extrémité distale du muscle est rattachée à un os mobile; c’est l’insertion du muscle.
Les muscles, composés de fibres, se contractent pour produire un mouvement.
Les muscles striés sont constamment dans un état de contraction légère ou tonus. Un bon état général, une alimentation saine et des périodes de repos et d’activité alternées aident à maintenir l’extensibilité des muscles et influencent donc favorablement le tonus musculaire.
Les os du corps agissent, nous l’avons vu, comme leviers et, en mécanique corporelle, le principe du bras de levier intervient fréquemment. Un levier est «un corps solide, mobile autour d’un point fixe, le point d’appui». Le bras de résistance est la distance entre la résistance ou poids et le point d’appui. Le bras d’effort est la distance entre le point où est appliquée l’énergie et le point d’appui. Les leviers du corps se distinguent par leur forme et même par leur rigidité. Les principes de ce système sont appliqués dans des méthodes décrites ultérieurement dans ce chapitre.
Les nerfs rachidiens interviennent directement dans les mouvements du tronc et des membres. Chaque nerf rachidien a une racine antérieure et une racine postérieure. La racine antérieure conduit les impulsions en provenance du système nerveux central vers les muscles; la racine postérieure conduit les impulsions des récepteurs sensoriels au système nerveux central.
Trois types de leviers
Les mouvements du corps sont également influencés par la gravité, force qui entraîne les corps vers le centre de la terre. La plupart des mouvements donc, supposent une certaine résistance à cette force. Pour décrire les mouvements des parties du corps, on utilise des termes comme abduction, adduction, flexion et extension. L’adduction se rapproche latéralement de l’axe central du corps. La flexion est l’acte de fléchir ; l’extension peut être décrite comme l’acte d’étendre. Des exemples en sont donnés plus loin dans ce chapitre.
Les mouvements corporels peuvent également être décrits en fonction de trois plans: sagittal, frontal et transversal. Quand le corps se trouve dans la position anatomique, le plan sagittal le partage en une partie droite et une partie gauche, le plan frontal en une partie dorsale et ventrale et le plan transversal en une partie supérieure et inférieure.
Plan sagittal, frontal et transversal du corps
Principes régissant la mécanique corporelle
Certains principes qui gouvernent les mouvements du corps peuvent servir de guides pour le patient et l’aide soignant.
Les muscles tendent à agir par groupes plutôt qu’individuellement. Par exemple, la respiration requiert l’activité coordonnée d’un certain nombre de muscles: les intercostaux, le diaphragme et les sterno-cléido-mastoïdien, les muscles scalènes, les thoraco-huméraux et thoracaux-scapulaires. Le simple fait de bouger la cuisse exige l’intervention de tous les muscles fessiers et adducteurs.
Les grands muscles se fatiguent moins vite que les petits muscles. L’utilisation d’un groupe de muscles importants impose un effort moins grand au corps que l’utilisation d’un groupe de muscles moins importants ou d’un seul muscle. Par exemple, il est moins fatiguant de soulever un objet lourd en fléchissant les genoux qu’en se courbant. Dans le premier mouvement, on utilise les grands fessiers; dans le second, des muscles moins Importants, comme la masse commune des muscles du dos.
Les mouvements actifs résultent d’une contraction des muscles. Des exercices actifs et passifs sont souvent prescrits aux patients. Les premiers supposent une contraction musculaire et l’énergie en est donc fournie par le patient. Les seconds n’exigent pas de contraction musculaire; l’énergie est essentiellement apportée par une autre personne. L’aide soignant aidera le malade à effectuer ces deux types d’exercice, partie importante des soins du nursing.
Les muscles sont toujours en état de légère contraction. Cet état s’appelle le tonus musculaire. En préparant ses muscles à l’action avant de les employer, l’aide soignant évitera tout accident musculaire. Par exemple, il sera mieux préparé à soulever un objet lourd, s’il contracte d’abord les muscles de l’abdomen, du bassin et les grands fessiers.
La stabilité d’un objet est plus grande quand il y a une large base d’appui, un centre de gravité peu élevé, et quand une ligne verticale abaissée du centre de gravité tombe à l’intérieur de la base d’appui. Dans ses mouvements, l’aide soignant peut écarter les pieds et fléchir les genoux au lieu de se courber. De cette façon, la ligne verticale abaissée de son centre de gravité reste à l’intérieur de sa base d’appui, ce qui lui assure une plus grande stabilité. Par exemple, lorsque l’aide soignant aide le patient à se déplacer, sa position est plus stable et il pourra donc mieux garder son équilibre, s’il écarte les pieds et fléchit les genoux plutôt que de se courber.
L’importance de l’effort requis pour déplacer un corps dépend de la résistance du corps et de la gravitation. En utilisant la gravitation au lieu d’y résister, l’aide soignant peut réduire l’importance de l’effort requis par le mouvement. Par exemple, il est plus facile de soulever un patient dans son lit en le laissant dans la position couchée et en déplaçant son centre de gravité en direction du pied du lit, qu’en le mettant en position assise, la résistance du corps au mouvement étant alors beaucoup plus grande.
La force requise pour déplacer un corps est la plus grande quand la ligne de gravité est la plus éloignée du centre de la base d’appui. C’est pourquoi porter un poids en le serrant contre soi demande moins d’effort que de le porter à bout de bras. Par exemple, il est plus facile de changer de lit un patient si on le tient bien serré contre soi.
Changer d’activité et de position aide à maintenir le tonus musculaire et à éviter la fatigue. En changeant, même légèrement, de position pendant qu’on effectue un travail, et en changeant d’activité de temps à autre, on maintiendra un meilleur tonus musculaire et on évitera toute fatigue inutile.
La friction entre un objet et la surface sur laquelle il est déplacé influence la quantité d’effort nécessaire pour déplacer l’objet. La friction est une force qui s’oppose, au mouvement. Les surfaces lisses engendrent le moins de friction ; il faut donc moins d’énergie pour déplacer des objets sur ces surfaces. L’aide soignant peut appliquer ce principe au changement de position du patient alité en veillant à ce qu’il repose sur une surface bien lisse.
Pour tirer ou glisser un objet, il faut moins de force que pour le soulever, car le soulever va à l’encontre de la force de gravité. Par exemple, si a l’aide soignant abaisse la tête du lit du patient avant de l’aider à glisser vers le haut du lit, il devra fournir un effort moins important que si la tête du lit est relevée.
Les procédés mécaniques peuvent diminuer la quantité d’effort requis pour un mouvement. Si, pour soulever des objets lourds, l’aide soignant utilise son bras comme un levier chaque fois qu’il en voit la possibilité, il dépensera moins d’énergie que s’il soulève directement l’objet en question.
En utilisant son propre poids pour contrebalancer le poids du patient, moins d’énergie est nécessaire au mouvement. Si l’aide soignant emploie son propre poids pour tirer ou pousser le patient, son poids augmente la force appliquée au mouvement.
Soulever et déplacer le patient
Souvent le patient appelle l’aide soignant afin de l’aider à bouger ou à changer de position. La douceur et l’assurance de son intervention, basées sur sa connaissance de la mécanique corporelle, contribuent non seulement à aider le patient à se déplacer sans difficulté, mais également à augmenter sa confiance. Certains patients, incapables de se mouvoir eux-mêmes, se trouvent dans un état de dépendance complète en ce qui concerne leurs changements de position et leur besoin d’exercice. Le patient appelle souvent l’aide soignant pour l’aider à faire les mouvements décrits dans cette partie du chapitre. Il faut attirer l’attention sur le fait qu’il existe plusieurs techniques pour effectuer chaque mouvement. Les méthodes et illustrations utilisées ici ne sont données qu’à titre d’exemple.
Aider le patient à se glisser vers le bord du lit
L’aide soignant doit souvent aider le patient qui est couché sur le dos (décubitus dorsal) à se déplacer vers le bord du lit; par exemple, lorsqu’il veut changer le pansement du patient. Soulever le patient exigerait un effort trop grand de la part de l’aide soignant et serait pénible pour le patient. Cependant, il peut aider le patient à bouger plus facilement en utilisant son propre poids comme force pour contrebalancer le poids du patient et en se servant de ses bras pour serrer le patient contre elle de façon à unir leurs mouvements.
1. L’aide soignant se trouve face au patient du côté du lit où elle veut que le patient se déplace.
2. IL se met bien d’aplomb en avançant un pied devant l’autre et en fléchissant les genoux et les hanches de façon à amener ses bras à hauteur du lit.
3. L’aide soignant glisse un bras sous les épaules et la nuque du patient et l’autre dans le creux du dos du patient.
4. Il déplace le poids de son corps du pied avant au pied arrière en basculant en arrière dans une position accroupie tout en tirant le patient vers lui sur le bord du lit. L’aide soignant abaisse les hanches en basculant en arrière.
5. Ensuite, il déplace le milieu du corps du patient de la même façon en plaçant un bras dans le creux du dos du patient et l’autre sous les cuisses. Puis les pieds et les jambes du patient sont déplacés au moyen du même mouvement.
Il faut prendre garde de ne pas tirer le patient hors du lit. Si le patient est incapable de bouger le bras qui se trouve du côté de l’aide soignant, il faut le replier sur sa poitrine pour qu’il ne gêne pas les mouvements et pour ne pas risquer de le blesser. En déplaçant le patient de cette manière, l’aide soignant ne devrait sentir aucune douleur dans les épaules; c’est son propre poids qui entraîne le patient.
Soulever les épaules d’un patient impotent
Certains patients sont incapables de redresser les épaules, même pendant un court moment. Quand l’aide soignant se voit obligée de soulever ces patients, par exemple, pour changer les oreillers, il procédera comme suit:
1. L’aide soignant se place au bord du lit, face à la tête du patient. IL se met bien d’aplomb en plaçant le pied qui se trouve près du lit derrière l’autre.
2. Il passe son bras le plus éloigné du patient, au-dessus de l’épaule du patient qui se trouve de son côté, et repose la main entre les omoplates du patient.
3. Pour soulever le patient, l’aide soignant bascule en arrière en déplaçant son poids du pied avant au pied arrière; en même temps ses hanches s’abaissent.
Avec son bras libre, il peut soit guider le patient, soit s’en servir comme contre- poids. Ici également, c’est le poids de l’aide soignant qui contrebalance le poids du patient.
Soulever les épaules du patient semi Impotent
Le patient arrive à se mouvoir jusqu’à un certain point, mais a besoin d’un soutien important dans la plupart de ses mouvements. Pour aider le patient semi impotent à redresser les épaules, l’aide soignant utilise son propre bras comme levier et son coude comme point d’appui.
1. L’aide soignant se place d’un côté du lit, face à la tête du lit du patient. Il place le pied le plus près du lit en arrière et l’autre en avant. Cette position lui donne un bon aplomb.
2. Il fléchit les genoux pour amener le bras le plus près du lit au même niveau que la surface du lit.
3. Le coude appuyé sur le lit du patient, l’aide soignant saisit l’arrière du bras du patient au-dessus du coude et le patient s’accroche au bras de l’aide soignant de la même façon
4. Puis, l’aide soignant bascule en arrière en déplaçant son poids du pied avant au pied arrière et en abaissant les hanches. Son coude reste sur le lit et agit comme point d’appui du levier.
Remonter le patient Impotent dans son lit
Pour aider le patient impotent à remonter dans son lit, il faut être deux. Cependant, un aide soignant peut le faire seule, en dé- plaçant le patient diagonalement vers le bord du lit. En le bougeant graduellement et en utilisant son propre poids pour contre- balancer celui du patient, l’aide soignant peut sans danger l’aider à remonter dans son lit. Ce sera plus facile en abaissant la tête du lit, l’aide soignant ne devant pas lutter contre la force de gravité.
1. L’aide soignant se place à côté du lit, le corps tourné vers le pied du lit. il place un pied derrière l’autre pour se mettre bien d’aplomb.
2. Il fléchit les genoux pour amener ses bras au même niveau que le lit et les glisse en dessous du patient. Un bras est placé en dessous de la tête et des épaules du patient, l’autre dans le creux de son dos.
3. L’aide soignant bascule en avant, puis déplace son poids du pied avant au pied arrière en abaissant les hanches. Le patient glissera diagonalement en travers du lit en direction de la tête et du bord du lit.
4. L’aide soignant procède de la même façon pour le torse et les jambes du patient (voir la méthode pour glisser le patient au bord du lit).
5. Puis l’aide soignant se place de l’autre côté du lit et reprend les points 1,2 et 3. IL continue à procéder de la sorte jusqu’à ce que le patient soit confortablement installé.
Remonter le patient semi- Impotent dans son lit
Ce mouvement sera plus facile si le patient peut aider l’aide soignant en fléchissant les genoux et en poussant avec les jambes. En aidant le patient à faire ce mouvement, l’aide soignant doit veiller à ce que la tête du patient ne bute pas contre la partie arrière du lit. Pour l’éviter, il abaissera la tête du lit et placera l’oreiller du patient contre la partie arrière du lit, où il servira de tampon. Pour aider le patient à remonter dans le lit, il faut un ou deux aides soignants. Dans le dernier cas, un aide soignant se placera de chaque côté du lit. Quand il n’y en a qu’un, il procédera comme suit:
1. Le patient fléchit les genoux en ramenant les talons vers les fesses.
2. L’aide soignant se place à côté du lit en se tournant légèrement en direction de la tête du patient. Il avance un pied d’un pas devant l’autre, le pied le plus près du lit étant en arrière; ses pieds sont dirigés vers la tête du lit.
3. L’aide soignant place un bras en dessous des épaules du patient et l’autre en dessous de ses cuisses. Il fléchit les genoux pour amener ses bras à hauteur de la surface du lit.
4. Le patient place le menton contre la poitrine et pousse avec les pieds pendant que l’aide soignant déplace son poids du pied arrière au pied avant. En agrippant les barreaux du lit, le patient peut aider à tirer son propre poids.
Aider le patient à se tourner sur le côté
Quand un patient a besoin d’aide pour se tourner sur le côté, l’aide soignant doit faire très attention qu’il ne tombe pas du lit. il peut prévenir une chute éventuelle en plaçant ses coudes sur le lit pour arrêter le patient dans son mouvement.
1. L’aide soignant se place du côté du lit vers lequel le patient est tourné. Le patient replie le bras le plus éloigné de l’aide soignant sur sa poitrine et place sa jambe la plus éloignée sur l’autre. L’infirmière vérifie si le bras du patient qui se trouve de son côté est placé latéralement à une certaine distance du corps du patient pour qu’il ne l’écrase pas en se tournant.
2. L’aide soignant se trouve face au buste du patient et avance un pied d’un pas devant l’autre.
3. Il place une main sur l’épaule la plus éloignée du patient et l’autre sur sa hanche la plus éloignée.
4. En déplaçant son poids de la jambe avant à la jambe arrière, l’aide soignant tourne le patient vers elle. Pendant ce mouvement, les hanches de l’aide soignant s’abaissent.
5. Le patient est arrêté par les coudes de l’aide soignant qui reposent sur le matelas au bord du lit.
Aider le patient semi impotent à «faire le pont»
Dans ce mouvement, le bras de l’aide soignant sert de levier, le coude de point d’appui.
1. Le patient fléchit les genoux et ramène les talons vers les fesses.
2. L’aide soignant fait face au bord du lit et se trouve devant la région fessière du patient. Il écarte bien les pieds.
3. Avec les genoux fléchis pour amener ses bras à hauteur du lit, l’aide soignant place une main en dessous de la région sacrée du patient, le coude bien appuyé sur la surface du lit.
4. Pendant que le patient soulève les hanches, l’aide soignant s’accroupit en se servant du bras comme levier pour aider à soutenir la région fessière du patient. Pendant ce mouvement, les hanches de l’aide soignant s’abaissent. En soutenant le patient dans cette position, l’aide soignant peut utiliser sa main libre pour glisser un bassin de lit sous le patient ou pour lui masser la région sacrée.
Aider le patient à s’asseoir au bord du lit
1. Le patient se retourne sur le côté en direction du côté du lit où il désire s’asseoir (voir méthode pour aider le patient à se tourner sur le côté).
2. Après s’être assurée que le patient ne risque pas de tomber du lit, l’aide soignant relève la tête du lit.
3. En faisant face au coin le plus éloigné du pied du lit, l’aide soignant soutient les épaules du patient d’un bras et, de l’autre, l’aide à étendre les jambes au-dessus du rebord du lit. Il écarte bien les pieds en plaçant le pied dirigé vers l’extrémité inférieure du lit derrière l’autre.
4. Le patient est amené dans une position assise naturelle sur le rebord du lit quand l’aide soignant, en soutenant toujours le épaules et les jambes du patient, pivote sur lui-même de telle façon que les jambes du patient glissent en bas du lit.
Aider le patient à sortir du lit et à s’asseoir sur une chaise
Pour ce faire, le lit devrait se trouver à une hauteur qui permette au patient de mettre pied à terre naturellement. S’il est impossible d’abaisser suffisamment le lit, l’aide soignant doit prévoir un tabouret pour le patient.
Le tabouret doit être bien stable et avoir une surface sur laquelle le patient ne risque pas de glisser. En outre, il est souhaitable que le patient porte des chaussures à talons bas plutôt que des pantoufles. Les souliers peuvent être tout aussi confortables, tout en soutenant mieux le pied et ne glissant pas.
1. Le patient s’assied au bord du lit et met des chaussures et un peignoir.
2. Une chaise est placée à côté du lit le dossier tourné vers le pied du lit.
3. L’aide soignant fait face au patient, le pied le plus près de la chaise un pas devant l’autre pour lui donner un bon aplomb.
4. Le patient dépose les mains sur les épaules de l’aide soignant et celui-ci prend le patient fermement par la taille.
5. Le patient dépose les pieds sur le sol et l’aide soignant fléchit les genoux de façon à ce que son genou avant se trouve contre le genou du patient. Ceci sert à éviter que les genoux du patient se plient involontairement.
6. L’aide soignant pivote en même temps que le patient en gardant les pieds bien écartés. Il fléchit les genoux quand le patient s’assied sur la chaise.
Transporter le patient d’un lit sur un brancard
Pour transporter un patient qui doit rester en position horizontale d’un endroit à un autre, par exemple d’un lit à une civière, 11 faut généralement trois personnes. La plus grande, qui a probablement les bras les plus longs et donc plus de facilité à soutenir la tête et les épaules d’un individu devrait porter le tiers supérieur du patient. La seconde personne soutient le tiers médian du patient, partie la plus lourde. La charge sera moins lourde à porter si la première et la troisième personne placent leurs bras à côté des siens. La personne la plus petite peut soutenir les jambes du patient.
Avant de déplacer le patient, une civière est déposée perpendiculairement au lit, la tête de la civière touchant pour ainsi dire le pied du lit. Les roues de la civière doivent être verrouillées. Pour coordonner leurs mouvements, les trois personnes doivent travailler en comptant à haute voix; c’est la personne qui porte la tête du patient qui s’en charge.
1. Les trois personnes qui doivent déplacer le patient se tiennent devant le côté du lit du patient. Chacune se met bien d’aplomb, le pied le plus près de la civière en avant.
2. À «un», elles fléchissent toutes les trois les genoux et glissent les bras sous le patient. La première personne place un bras en dessous de la nuque et des épaules et l’autre dans le creux du dos du patient. Celle du milieu place un bras sous le creux du dos et l’autre sous les hanches du patient. La troisième place un bras sous les hanches et l’autre sous les jambes du patient.
3. À «deux» le patient est tourné vers ses porteurs. Les bras du patient ne doivent pas être ballants. Les porteurs le serrent contre eux pour éviter de se forcer le dos.
4. À «trois», ils se redressent, font un pas en arrière (du pied avant) et se dirigent avec ensemble vers la civière.
5. À «quatre», ils fléchissent les genoux et reposent les coudes sur la civière.
6. À «cinq», chaque porteur étend les bras de sorte que le patient roule sur le dos au milieu de la civière.
7. À «six», chaque porteur retire les bras.
En soulevant le patient, les porteurs doivent tenir le patient étroitement serré contre eux. Il est également important de le soulever et de l’abaisser sans à-coups pour ne pas le heurter ou l’effrayer.
Moyens utilisés pour bouger un patient
L’alèze
Une alèze placée sous un patient impotent pour l’aider à bouger est toujours utile. L’alèze va des bras du patient jusqu’à la partie inférieure des fesses.
Il faut au moins deux aides soignants pour déplacer le patient par ce moyen. Chacun se place d’un côté du lit, saisit fermement l’alèze près du patient et déplace le patient et l’alèze dans la position voulue plus haut dans le lit ou vers le côté, par exemple.
Pour tourner un patient sur le côté, on commence par bien lui placer les bras et les jambes (voir plus haut). Ensuite l’aide soignant se penche sur le patient, saisit le bord le plus éloigné de l’alèze et le tire vers elle de façon à faire rouler le patient sur le côté dans la direction de l’aide soignant. Ici également, il faut prendre garde que le patient ne tombe du lit.