La durée de protection d’une œuvre est passé de 14 ans avec le Statute of Anne de 1710 (la première loi sur le droit d’auteur dans le monde) à 50 ans après la mort du créateur avec la convention de Berne en 1886 (en Europe, c’est 70 ans post-mortem).
Cela occasionne la perte pour le domaine public de pans entiers de répertoire et va à l’encontre de l’intérêt supérieur de la collectivité. En voulant exclure aussi longuement le public de la jouissance d’une l’œuvre, sauf à en monnayer une autorisation, n’est-ce pas contraire à ce qu’il faudrait faire pour promouvoir le progrès des sciences et des arts?
De toute évidence, cette législation ne s’accorde pas toujours très bien avec un objectif louable qui serait de favoriser la création :
1- Un auteur qui dispose d’une rente à vie sur une œuvre à succès n’est pas encouragé financièrement à créer une nouvelle œuvre pour le bien de la société.
De plus, mathématiquement, il semble clair que l’enrichissement de quelques uns peut faire obstacle à la juste rémunération de quelques autres.
2- La création d’un monopole sur l’exploitation des œuvres après la mort de l’auteur, et l’extension de ce monopole, n’est pas en soi de nature à favoriser la création.
En effet, sur une partie du chiffre d’affaire engendré par le secteur, n’est-il pas déraisonnable de continuer à payer des montants pharamineux aux descendants d’un auteur au détriment des nouveaux venus dans le domaine de la création qui pourraient être rétribués davantage.
Aujourd’hui, les gardiens du temple du libéralisme révèle une volonté de canaliser et de contrôler toute forme d’expression artistique diffusée sur les réseaux. Leur but est d’imposer sur internet la même rareté des copies d’œuvres qui règne dans le monde des supports physiques.
Ainsi, au détriment de l’intérêt général qui voudrait que l’on crée un vaste domaine public, librement accessible à tous à des fins d’usage personnel, des lobbies militent pour imposer au public des restrictions drastiques sur l’accès à des contenus numériques protégés pendant de très longues périodes.
Tout cela représente une entrave à un modèle de diffusion des œuvres qui assurerait à la fois un accès pour tous à une culture diverse et un financement équitable pour les artistes/créateurs. Dans une économie numérique où les œuvres sont de plus en plus dissociées de leur support, il serait nécessaire d’établir une régulation de leur diffusion ou de leur accès, qui ne doivent pas obligatoirement être maîtrisés par qui détient la propriété.
Le droit actuel de la propriété intellectuelle emprunte beaucoup de sa philosophie au droit de la propriété matérielle. Mais transmettre une œuvre numérique, ce n’est pas en perdre l’usufruit. Voltaire avait déjà entrevu le problème à son époque : Il en est des livres comme du feu de nos foyers, on va prendre le feu chez son voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. C’est en ce sens que l’âge numérique est aujourd’hui un véritable casse-tête pour la propriété intellectuelle.