LES JEUNES (ET MOINS JEUNES !) ET LA PORNOGRAPHIE
Une jeune cliente en coaching, flirtant avec la trentaine, se tient devant moi, deux grands points d’interrogation dans les yeux, après que j’aie prononcé le mot « préliminaires ». Je répète, pensant qu’elle n’a pas bien entendu : elle n’a tout simplement pas compris, ce mot ne faisant partie ni de son vocabulaire, ni de ses habitudes sexuelles. Me voilà en train de lui expliquer, plongeant dans le vif du sujet, la propulsant dans un autre monde : une planète où la femme ne sert pas uniquement d’objet essayant de jouir avant que l’autre ait fini de jouer, mais qui a droit à son plaisir aussi, alternativement ou en même temps que son partenaire. Comme dirait ma fille Cassandre : « Mais où va le monde ?! ». Où en est la vision du sexe ainsi que les comportements de cette génération formée à la pornographie ? Que se passe-t-il chez les hommes plus âgés qui prennent par ce biais un raccourci ? Que devient la femme dans cette mêlée ?
Je reçois également le témoignage d’hommes dans la trentaine et moins qui avouent avoir eu leurs premiers frissons dans le pantalon, âgés d’une dizaine d’années, en ayant accès à la pornographie. Nous voilà en plein réflexe de Pavlov : une femme à quatre pattes, un homme qui lui tape les fesses, lui tire le chignon et la prend par derrière en grognant (je schématise… quoi que !) et voilà notre jeune pinson en érection ! Donc, pour retrouver la sensation, que fera-t-il, à votre avis ? Dans un premier temps, il revisualisera la scène dans son lit ou sous la douche (les mamans préfèrent sous la douche, moins de kleenex partout !) pour provoquer la même réaction et les mêmes sensations. Il voudra, non pas en savoir plus, mais en voir plus : retourner sur des sites « cochons » multipliera les images qui le stimuleront, sans réaliser que la femme n’est qu’un objet, s’identifiant uniquement à celui qui pousse des grognements. Devinez donc ce qu’il va se passer, le jour où une fille se prêtera au jeu, probablement éduquée à la porno aussi ? D’elle-même, elle prendra la position qui a l’air de faire jouir les cochons (car c’est ainsi qu’elle verra les hommes, mais ne pourra pas s’en passer), oubliant son propre plaisir, trop occupée à reproduire les images dont ils sont tous les deux imprégnés. Vous avez dit « préliminaires » ? Et ça mange quoi, ça, en hiver ?
On dit souvent qu’il vaut mieux enseigner à pêcher à un village plutôt que lui donner du poisson. Il fut un temps où le sexe était un secret que nous devions découvrir par nous-mêmes et y aller, si je puis m’exprimer ainsi, à tâtons… Personnellement, pour éduquer ma propre fille, en plus de répondre à ses questions, je lui ai fait lire de la littérature érotique. Pas de grognements de bestiaux, ni de comportements dégradants : l’érotisme respecte une danse qui n’impose aucun rôle, chacun pouvant mener tour à tour. La sensualité étant fertilisée par l’imagination que provoquent les mots et les situations, l’érotisme conduit à l’orgasme. Et vous noterez, si vous êtes amateur de ce style de lecture, que les préliminaires nourrissent la libido. Tiens ! Parlons-en de cette dernière qui déserte le lit et l’esprit d’une majorité qui croient que continuer le même scénario décidé par l’acteur principal de la série (l’homme) va l’entretenir. Point du tout ! Vous finissez par faire la même chose qui ne produit plus rien et vous en attendez un résultat différent… Alors, vous retournez sur la porno pour y retrouver votre libido boostée par des images plus ou moins appétissantes et, progressivement, vous tombez dans les bas-fonds de la bestialité, jamais rassasiés…
Le sexe-fast-food ne nourrit pas son homme, ni sa femme : il a ses limites que vous réussissez à repousser en tombant dans le sadomasochisme et autres extrêmes, car ce n’est plus jamais assez et les déviations prennent le pas sur la relation sexuelle épanouie. Vous courez après l’orgasme à tout prix et le plus vite possible ! Savez-vous pourquoi vous êtes si pressés de jouir, monsieur seul devant sa pornographie et madame isolée dans son lit avec des jouets de plus en plus sophistiqués ? Pour vous rassurer ! Eh oui, l’orgasme est un anxiolytique très puissant qui vous fait également croire que vous existez quand vous « baisez » à deux (chacun essayant de jouir de son côté en utilisant le partenaire : le premier qui jouit a gagné ! L’autre perd…). Pourquoi se lancer dans des préliminaires à n’en plus finir pour préparer une femme à jouir, alors que la porno, à travers ses images et ses sons, vous conduit à l’orgasme en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ? Rien à faire de plus que regarder et vous tirer sur l’antenne télescopique. Vite fait, bien fait ! Bien sûr, certaines femmes regardent aussi la pornographie et c’est également un raccourci que leur font prendre leur partenaire : ce n’est pas lui qui l’excite, mais ce qui se passe à l’écran, pas besoin de préparation, la soupe est chaude, on peut la consommer rapidement.
Je ne m’étendrai pas sur l’aspect dégradant de la pornographie qui montre la femme comme un accessoire, un objet de soumission qui réveille le soumis dans la vie qui croit avoir un pouvoir au lit : les jeux vidéo créent des avatars auxquels les jeunes s’identifient, devinez donc ce qui arrive à l’homme qui consomme ce style de films ? Je sais que certains sont sevrés, pour ne pas dire castrés, par des femmes dominatrices qui les écrasent à longueur de journée et leur refusent la moindre effusion. La porno palliera à ce style de carence, mais qui le mari se voit-il dominer quand il se compare aux images ? Madame peut également faire appel à ses « assistants » à piles, quand monsieur est défaillant et la met sur les dents, mais l’humain n’est-il pas plus attractif que l’électrique ? Cette course à l’orgasme, cette volonté de jouir le plus vite possible, des deux côtés (je parle des deux sexes, bien entendu) est motivée par le vide : vous restez souvent accroché à l’idée du couple, alors que vous avez dévié vers la colocation, le sexe n’étant plus qu’un vague souvenir, et vous essayez de trouver du confort dans l’inconfort en jouissant l’un sans l’autre pour vous rassurer. Certains iront « voir ailleurs » pour éprouver de nouvelles sensations, quand d’autres favoriseront les plaisirs solitaires avec pour objectif de jouir le plus vite possible.
Si vous avez été éduqué à la pornographie, vous êtes parti dans la mauvaise direction : faire l’amour n’est pas résumé à « rentrer papa dans maman » et gigoter jusqu’à l’orgasme, pas plus qu’à soumettre l’autre. Je suis effrayée de constater qu’un livre que je ne nommerai pas et qui est sans « nuances » a créé une génération de femmes amoureuses du personnage masculin. Mais peut-être est-ce aussi la manifestation de leur frustration vis-à-vis des hommes qui les « sautent à la cromagnon ». Entre le rustique et le sadomasochisme, elles penchent pour la deuxième option, car, pour torturer quelqu’un, il faut au moins admettre qu’il existe. Personnellement, je préfère faire l’amour, laisser parler mon imagination et celle de l’homme qui partage ma vie, le tout dans le respect et la confiance, avec un soupçon d’humour et beaucoup de plaisir. Si votre formation est la pornographie, dirigez-vous faire la littérature érotique pour réapprendre les principes de base d’une relation sexuelle épanouie et favorisez donc l’humain plutôt que le bestial. Cela n’exclut pas les ébats passionnés et inclut la jouissance des deux partenaires : faire l’amour, c’est donner et recevoir de façon équivalente et l’orgasme n’est que le poteau d’arrivée. Profitez donc de tout le chemin qui y mène, même si le sexe se fait sans sentiment. Et pour les puristes, souvenez-vous que le meilleur moment, c’est quand vous montez les marches qui mènent à la chambre…