RDC : Le service de Conseil Agricole Rurale de Gestion tarde à décoller

La RDC dispose de 80 millions d’hectares de terre arables, dont à peine 10% sont mises en valeur. Bien plus, pays de la planète en termes de terres arables cultivables disponibles après le Brésil, grâce à sa diversité des climats et la densité du réseau hydrographique, la RDC, complètement aménagée, serait capable de nourrir près de 2 milliards de personnes.

La majeure partie des populations de la RDC qui dépendent des activités agricoles, vit en deçà du seuil de pauvreté et ne mange pas à sa faim. Les statistiques montrent que la RDC a beaucoup régressé du point de vue de ses performances agricoles jusqu’à ne plus être capable de satisfaire à la demande alimentaire.

Selon les experts, l’agriculture représente près de 50% du PIB de la RDC alors que la valeur ajoutée annuelle par travailleur agricole atteint à peine 200 USD. Ce potentiel de croissance démontre que l’agriculture sera le moteur de l’économie du pays et l’outil pour éradiquer la pauvreté, soit le 1er objectif du millénaire pour le développement. D’autres opportunités sont : Les terres agricoles peu exploitées, donc avec des très grandes marges pour accroitre les étendues consacrées aux productions agricoles et animales, la diversité climatique, le pays se trouvant à cheval sur l’Equateur avec une abondance d’eau faisant bénéficier une saison culturale de +/- huit mois dans l’année et permettant de pratiquer deux récoltes par an pour une certaine gamme de cultures vivrières, l’arboriculture, les cultures de rente et l’élevage, une forêt équatoriale d’une richesse inégalée et faiblement exploitée, Un marché potentiellement important: la RDC et ses 9 voisins, c’est un marché de + 100 millions d’habitants et la présence des grandes ONGD bien structurées, bien équipées, dotées d’un personnel compétent…

C’est dans cette optique que le gouvernement congolais à travers le ministère de l’agriculture, pêche et élevage va mettre sur pieds depuis 2010 le CARG (Conseil Agricole Rurale de Gestion). Les objectifs poursuivis sont : La défiscalisation de l’agriculture par l’instauration d’un cadre institutionnel, l’orientation des investissements vers les infrastructures en milieu rural, la promulgation du Code agricole qui protège le paysannat ; susciter la mise en œuvre des plans de développement pour la relance du secteur agricole et l’établissement par chaque province des stratégies de ses principales filières de production (manioc, riz, etc.).

Dans la pratique, le secteur agricole tarde à décoller face aux différents obstacles dont notamment ; Une allocation budgétaire insuffisante (moins de 2% du Budget national) : la désintégration des services d’encadrement, de vulgarisation, de recherche et de financement, ce qui cantonne les producteurs dans des stratégies de subsistance, ralentissant l’éclosion d’une agriculture moderne et productive susceptible de lutter efficacement et durablement contre la pauvreté généralisée en milieu rural, en procurant des revenus monétaires aux six millions de ménages agricoles en RDC ; l’inaccessibilité du crédit agricole: Absence des structures formelles des crédits dans les zones de production agricole, difficultés aux petits exploitants à accéder aux services financiers du secteur structuré et la rareté des institutions de microfinances, elles- mêmes disposant de très peu des ressources. Les quelques rares Coopératives d’Epargne et de Crédit (COOPEC) présentes dans quelques provinces, montrent des signes d’essoufflement. Des infrastructures de base nécessaires au développement économique insuffisantes, en mauvais état ou non fonctionnelles: routes, pistes de desserte agricole, centres de collecte, entrepôts, marchés publics, réseau électrique d’où accès aux marchés compromis, mauvaise distribution (quantité et qualité) et recours aux importations de façon croissante.

Durant la guerre, les populations rurales et les opérateurs économiques ont été victimes d’abus de pouvoir, d’exactions et de nombreux pillages.

– Durant de longues années, il n’y a pas eu de planification et d’encadrement des producteurs et de la population, ni de plans de développement local des filières prioritaires.

– Les infrastructures de communication se sont dégradées. Aucun système routier ferroviaire ou fluvial n’a été organisé pour évacuer les surplus agricoles.

– Les institutions de formation agricole sont défaillantes.

– Le secteur agricole n’est pas suffisamment financé (décapitalisation et absence de financement).

– Il y a absence de transparence dans l’utilisation des ressources.

Les problèmes ou obstacles observés dans le secteur agricole en générale ont un impact direct sur le service de conseil en particulier mise en place par le gouvernement congolais. Selon la coordinatrice du CARG Sud-Kivu, Madame MIMI KITUMAINI MUKUBA «  les cadres de partenariat entre l’Etat et les acteurs non étatiques dans le fonctionnement et l’évaluation des prestations de service de la structure ne sont pas bien définis. Les techniques permettant de mieux définir l’organisation structurelle de l’institution aux différents échelons du pays, ainsi que les ressources financières et matérielles requises pour le fonctionnement de ces conseils agricoles sont quasi inexistants dans la majeur partie du pays ». Dans toutes les provinces de la RDC, le CARG est implanté mais manque les ressources humaines pour accompagner l’administration au démarrage ; le CARG existe de nom. Sur le terrain dans les territoires, les administrateurs se sont approprié tous les matériels destinés aux petits agriculteurs qui vivent à leur triste sort.

Les productions locales du secteur agricole ne couvrent pas les besoins de la population et ne permettent pas la réalisation de la sécurité alimentaire, objectif de développement adopté par le Gouvernement ; la RDC est comptée parmi les 23 pays les plus concernés par des problèmes d’urgence alimentaire ; d’une situation équilibrée entre les importations alimentaires et les exportations des produits agricoles dans les années 80, la RDC de nos jours est encore grandement dépendante des importations alimentaires.

Nonobstant, quelques changements positifs récents ont été observés dans le pays. C’est notamment les élections, les institutions démocratiques, la nouvelle Constitution qui précise les responsabilités de mise en valeur du territoire, ainsi que les responsabilités de celui-ci, Un gouvernement provincial qui s’occupe de la politique agricole et la mise en place progressive des CARG pour pallier à l’absence de l’encadrement des populations par l’Etat ; la planification centralisée de ces 30 dernières années n’a jamais tenu compte des besoins réels de la base, les projets des bailleurs de fonds et des ONGD se succèdent dans les territoires les plus accessibles (Kivu, Bas-Congo, Kinshasa, Katanga), la production des plusieurs documents essentiels dont: le projet de Loi portant principes fondamentaux relatifs au secteur agricole, le projet de Loi semencière, le Plan de restructuration du Ministère de l’Agriculture, la production des documents sur la Note de Politique agricole, la Stratégie sectorielle de l’Agriculture et du Développement rural, les Plans de développement des provinces et la mise en route de plusieurs projets de développement avec l’appui du FIDA, de la BAD, de la Banque mondiale, du Royaume de Belgique, d’autres partenaires via la FAO.

Enfin la question centrale suivante continue à se poser au vu de l’option libérale du code agricole proposé : les agriculteurs congolais ont-ils la capacité à faire face aux contraintes d’un marché libres sur lequel les fluctuations importantes risquent d’affecter le revenu ?

Le gouvernement congolais a encore du pain sur la planche pour redynamiser non seulement le service de conseil agricole mais tout le secteur de l’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire d’une population toujours croissante, augmenter durablement les revenus et les moyens d’existence des populations rurales ayant pour principale activité l’agriculture; et servir de levier au développement (moteur) et assurer la croissance économique du pays. Car, la RDC dispose d’énormes potentialités dans son secteur agricole. Face à ces potentialités se dressent aussi d’énormes défis à relever. C’est par l’organisation, la méthode et la discipline que ces défis seront relevés pour transformer la faiblesse actuelle en opportunités.

JOHN ZYOMBO

Journaliste RDC