1989, ce mardi 6 septembre à 5h35′

Me voilà dans la routine, je me suis fait piéger, l’appartement était trop petit, je suis en attente d’un nouveau. Évidemment, je suis seule à faire toutes les formalités, il n’a pas le temps, encore moins depuis qu’il travaille, entre ses prières qu’il doit rattraper, ses devoirs (chapelet, méditation) pendant que moi je cours partout, les enfants, le repas du soir, le bain des enfants, le ménage. Mais qu’est-ce que je fais, pourquoi cette vie de merde, toute ma vie j’aurais été la bonne de quelqu’un, je ne la voyais pas comme ça, ma vie.

Mais j’ai mes enfants, alors je m’en foutais. Jusqu’au jour, ou j’ai commencé à comprendre ma situation financière, catastrophe, je commençais à faire des crédits, vous allez pas le croire, mais si, c’est vrai, il partait en pèlerinage en Égypte, au Soudan, oui, nous faisions partis d’une confrérie Soufis, tous les ans, à la même époque, on n’avait pas le sous mais il partait, et moi pendant ce temps je travaillais, m’occupais des enfants, des courses… Et oui, j’étais devenu rien, personne.

Le pire c’est que sa famille n’en savait rien, il ne fallait surtout pas qu’ils le sachent. Tout était caché, mensonge. J’avais une bonne situation, les enfants ne manquaient de rien, je les gâtais trop, comme j’avais gâté mes sœurs, ma mère. Et doucement, j’ai été mis à l’écart de ma famille, je n’avais plus temps de les voir, mais si je n’allais pas les voir, personne ne prenait de mes nouvelles, surtout mes sœurs. Comme j’étais triste de me rendre compte que je ne comptais plus à leurs yeux. Petit à petit, je n’ai plus eu de relation avec ma famille, pourquoi ? Jamais je ne le saurais. J’étais la peste de la famille.

Alors je m’occupais de mes enfants, tout l’amour que j’avais envers mes sœurs et frères, je le donnais aux enfants. On cohabitait avec le père des enfants, même pas un cadeau lors de son retour ni pour les enfants, ni pour moi, encore moins pour moi, il ne savait pas faire des cadeaux, il ne trouvait pas cela utile, sauf pour les autres, parce que, quand il partait je lui remplissais une valise pleine de cadeaux pour avoir la baraka, que Dieu nous protège de ce monde incrédule, nous étions les Élus, c’est grave d’écrire ce mot, je sais, mais nous vivions comme cela le monde était rempli d’incrédules, seul notre groupe comptait, la bonne parole s’était nous. Mes pauvres enfants, je n’ai pas su vous protéger, que de galère dans notre vie. Les seules sorties étaient le samedi soir, chants, prières…., ou les sorties organisées avec eux. Enfin, je ne dirais aucun mal de ce groupe, ils me manquent, C’est nous, qui n’avons pas su faire la part des choses, nous avions confondus le moment de vivre notre vie, de pratiquer une religion. J’ai laissé faire, je m’en veux. Alors que les autres s’enrichissaient, nous on devenait pauvre. Notre vie était ce groupe. Excepté, certains dimanches ou nous allions chez ses parents. Quelle souffrance, seule sans qui compter, pas de famille, pas d’amis. Si des Frères et des Sœurs de Foi. Comment pourrais je leurs raconter mes problèmes, tous pensent que nous sommes heureux, que nous sommes un couple soudé, si vous saviez, rien de de tout cela, je ne suis pas sincères avec eux, je suis une menteuse, tricheuse, je suis fausse, et pourtant au fond de moi, je cherche ma voie, je crois que je me suis fait du tort, je me suis fait piéger. Je me suis forcée à croire que j’étais musulmane, enfin on m’a fait croire que ma religion était celle-ci, de part mes origines. Mais de quelle origine suis-je ?  Qui suis-je vraiment !