Paul, durant toute son enfance, aimait regarder travailler son grand-père qui était menuisier. Le travail du bois lui semblait être une belle chose. Son grand-père prenait entre ses mains ce matériau rude et le travaillait pour en faire un objet de toute beauté. Il confectionnait des meubles, simples et rustiques, mais de belle qualité. Il les concevait à l’ancienne. C’est-à-dire qu’aucune visse n’était utilisée : seulement des chevilles et de la colle. Dès l’âge de huit ans, Paul savait qu’il voulait être menuisier comme son grand-père, travailler le bois et confectionner des objets avec ce noble matériau.
Ses parents, qui considéraient que l’artisanat était une voie non dépourvue de débouchés, le laissèrent se diriger dans cette direction. Ils prirent soin de plus d’aider Paul à cultiver d’autres de ses intérêts, notamment l’histoire, que ce soit histoire de l’art ou histoire du meuble. Paul apprenait son métier dans une école technique et, à la maison, il se régalait de livres d’histoire et de design industriel. L’art français du mobilier au XVIIIe l’intéressait particulièrement, tout comme des mouvements comme le Arts and Craft de William Morris et le Bauhaus plus tard, qui visaient la synergie des différentes formes d’art, notamment du mobilier. Il rêvait de travailler les bois précieux, et au son de palissandre, bois de rose, acajou, teck ou ébène, il soupirait d’espoir.
En même temps, Paul poursuivait une passion pour la musique. Dès l’âge de six ans en effet, il avait commencé à prendre des leçons de piano. Il n’était pas particulièrement doué mais plein de bonne volonté. Il étudia la musique et devint un pianiste compétent. Ce qui l’intéressait aussi, c’était la confection du piano. Il l’ouvrait pour voir cet agencement de petits marteaux mobiles.
Soudain, la vocation de Paul se manifesta. Il deviendrait facteur. Il apprendrait à concevoir ces beaux instruments. Que choisir ? Le piano ? Le clavecin, où il lui faudrait allier restauration et reconstitution, travail du bois et ornementation luxueuse, rocaille et chinoiserie ? L’orgue, là encore, surtout du travail de restauration et de réparation ?
Il décida donc de partir pour l’Europe et de devenir apprenti chez l’un des maîtres facteurs. Il y passa dix ans et apprit tout ce qu’il pouvait savoir sur cet artisanat. Puis il revint. Il établit son atelier à Saint-Jean-sur-Richelieu et se mit à produire certains des plus beaux instruments, réputés pour leur sonorité. Sa réputation crût et devint rapidement internationale. Très vite, si l’on voulait un certain type d’instrument, on savait que c’était à lui qu’il fallait s’adresser.
Il se mit à exporter ses instruments. Il aimait s’occuper des moindres détails. Il faisait lui-même affaire avec l’agence de location conteneur. Il aimait inspecter le location conteneur, en vérifier les flancs, l’intégrité. Il avait bien-sûr des assurances mais chaque instrument était son enfant. Ne voudrait-on pas s’assurer du bien-être de son enfant si celui-ci partait pour une expédition transatlantique ? Bien-sûr que si… Il supervisait la disposition de la caisse protectrice contenant l’instrument dans le location conteneur, vérifiait l’étanchéité de chacun des deux. Puis, il aimait voir le location conteneur être placé, empilé sur le cargo et voir celui-ci quitter le port pour l’Europe.
La traversée de l’Atlantique était toujours un moment de stress pour Paul. Il attendait qu’on lui confirme l’arrivée à bon port du navire, le déchargement du location conteneur, l’extraction de la caisse contenant l’instrument et la livraison de l’instrument à son destinataire, généralement un grand musicien. Là, on devait laisser reposer l’instrument, le laisser se remettre du voyage. Puis il faudrait l’accorder. Et enfin, on pourrait en jouer. Le moment du premier concert d’un de ses instruments, c’était pour Paul la consécration.