Turquie/Iran : diplomatie 0, business 3

Si les relations entre la Turquie et l’Iran ont toujours été complexes, depuis la guerre en Syrie, les tensions se sont exacerbées jusqu’à devenir exécrables. En revanche, les relations économiques sont de plus en plus florissantes et le business des intermédiaires se porte à merveille.

En 2010, les rivalités ancestrales entre les deux pays, qui souhaitent tous deux exercer le leadership régional, semblaient s’estomper. Le réchauffement a été de courte durée. La guerre en Syrie, avec le soutien des djihadistes de la part de la Turquie et de l’Iran à Bachar El Assad, a glacé à nouveau les relations diplomatiques entre les deux Etats.
Pour autant, les transactions commerciales, légales ou illégales, n’ont pas diminuées, bien au contraire.

Selon le journal Turc Zaman, les échanges commerciaux entre l’Iran et la Turquie ont atteint environ 100 milliards d’euros en deux ans et demi. Le volume de ces échanges a été multiplié par dix en dix ans. De plus, le nombre d’entreprises iraniennes établies en Turquie est en forte croissance. En 2012, alors que la guerre en Syrie battait son plein et que les deux parties se combattaient, selon le quotidien le Monde : « les exportations d’or vers Téhéran avaient augmenté de plus de 800 %, dépassant les 10 milliards d’euros sur les onze premiers mois de 2012 ! ».

En effet, afin de contourner l’embargo commercial sur le pétrole et sur les transactions bancaires imposé à la République Islamique, Ankara acquitte ses factures en lingots d’or, ce moyen de paiement n’étant pas concerné par les sanctions. Au centre de tous ces échanges se trouve la plus grande banque Turque : Halkbank. L’économiste Murat Yülek rapporte que : « ce réseau de relations était déjà connu de tous, l’Etat turc avait demandé à cette banque d’effectuer les transactions. » Dans le cadre des multiples affaires de corruption qui ont été mises à jour en décembre 2013, une perquisition effectuée par la police, au domicile de Süleyman Aslan, PDG de la Halkbank, la police a retrouvé 4,5 millions de dollars en liquide dissimulé dans des boîtes à chaussures.

Le clan turco-iranien : Erdogan, Zarrab, Afrashtehpour

L’épisode de la boite à chaussures, concomitant avec les scandales financiers touchant le Premier ministre Recep Erdogan et ses proches, a contribué à enflammer un peu plus la rue et les médias d’Ankara. Car il est de notoriété publique que, malgré les relations diplomatiques plus que tendues entre l’Iran et la Turquie, tous ces échanges commerciaux donnent lieu à des amabilités sonnantes et trébuchantes entre « ennemis ». En février dernier, juste un mois avant les élections municipales en Turquie, cinq enregistrements d’appels téléphoniques, révélant la corruption du clan Erdogan ont fuité sur Youtube. Le journal Courrier International retranscrivait en français le contenu de ces appels ahurissants.

Le Premier ministre turc parlant à son fils :

-« Ils viennent de lancer ce matin une opération contre Ali Agaoglu, Reza Zarrab, le fils d’Erdogan [un autre Erdogan], le fils de Zafer, le fils de Muammer, ils sont en train de perquisitionner chez eux. Maintenant écoute-moi, quoi que tu puisses avoir chez toi, tu me le fais disparaître ! D’accord ?
-Le fils : Qu’est-ce que je peux avoir, père ? Il y a votre argent dans le coffre.
-Le père : C’est de cela que je te parle ! Je t’envoie ta sœur tout de suite, d’accord ? »

Photo de gauche : Recep Erdogan, photo de droite :Reza Zarrab lors de son arrestation le 17décembre 2013
Le nom de Reza Zarrab, figurant dans la liste de noms évoqués par Recep Erdogan est bien connu des Turcs. Ce trentenaire iranien, installé en Turquie a souvent fait la Une des journeaux people pour son amour des belles femmes et des voitures de luxe. Il est au cœur de ce scandale. D’après les documents de la police, Zarrab, a utilisé ses connections entre la Turquie et l’Iran pour envoyer quasiment une tonne d’or par jour à Téhéran depuis un an et demi, cela représente la rondelette somme de 28 milliards de dollars.

La révélation de cette contrebande d’or a entrainé la démission de trois ministres du gouvernement Erdogan et l’arrestation d’une centaine de personnes. En effet, Zarrab était en contact étroit avec les plus hautes personnalités du Gouvernement et obtenait la bénédiction, l’appui et le silence des autorités contre des millions de dollars versés en liquide. Hassan Afrashtepour gérant de la société de Tejarat Aria Gostar iranien Navid Co n’est pas en reste. Cette société dont le siège est à Téhéran a obtenu des autorisations gouvernementales pour l’importation de sucre brut, des aliments pour animaux, de l’huile et… des matériaux métalliques !

Quels matériaux métalliques ? Cette dénomination laisse songeur.

Car le nom d’Hassan Afrashtehpour et de son frère Daoud a circulé dans de nombreux scandales en Iran, notamment dans celui de détournements de fonds de la banque Saderat, un établissement financier en lien avec la Halkbank. En septembre 2006, Hassan a été accusé d’avoir détourné 60 millions de dollars pour avoir importer des marchandises en Iran. Selon les médias locaux, il n’a été pas été jugé.

Selon des sources iraniennes, les frères Afrashtehpour auraient conclu un accord commercial avec le Gouvernement iranien pour les aider à contourner les sanctions de l’office of Foreign Asset Control (OFAC) du département du Trésor des États-Unis. Plus curieusement encore, la société Tejarat Aria Gostar Navid Co a été créée seulement six jours après que l’Union européenne ait adopté de nouvelles sanctions pour sanctionner le programme nucléaire iranien.

En attendant Hassan Afrashtehpour et son frère s’enrichissent et investissent tous azimuts, dans le pétrole en mer Caspienne et dans l’immobilier Turc. Si les relations diplomatiques restent tendues entre l’Iran et la Turquie à n’en pas douter les bonnes affaires continuent.

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