Licence globale : la fausse problématique de la répartition des fonds

Les plateformes musicales qui proposent le streaming peuvent mesurer avec une exacte précision le taux d’écoute de chaque morceau parmi une base de plusieurs millions de titres. Il conviendrait d’associer à ces services la possibilité de télécharger un quota de plusieurs centaines de morceaux chaque mois pour rendre marginal la pratique du téléchargement hors plateforme légale. Cela permettrait de quantifier avec justesse le nombre de téléchargement de chaque morceau. Par ce combiné, il y a là les moyens de rémunérer les ayant-droits de la façon la plus juste et la plus équitable qui soit.

Mais la farouche opposition à une licence globale est d’abord lié à une doctrine économique. Le modèle économique d’une licence globale s’apparente à un modèle communiste (collectivisation des œuvres numériques, collectivisation de la propriété intellectuelle), c’est pour cette raison que les partisans de l’économie de marché monte au créneau. Ils ne veulent pas d’une soviétisation de la culture. Mais le Marxisme n’était peut-être pas une théorie applicable au siècle passé…

Actuellement, nous assistons à une évolution de certains modèles économiques, avec par exemple dans le domaine des télécommunications, la disparition de la téléphonie classique facturée à la consommation au profit de la téléphonie illimitée par internet.

Autrefois, plus vous êtiez riches et plus vous pouviez user du téléphone à souhait sans trop vous soucier du montant de votre facture. Cependant la richesse ne correspond pas forcément au besoin de téléphoner, tout comme à l’envie d’écouter de la musique.

Imaginons ce que sera notre univers technologique d’ici quelques années seulement : la fibre optique pour tous, avec des débits de plusieurs dizaines de gigabits, des clés USB de 1 To, des baladeurs de plusieurs To, l’internet mobile à 150 Mbps/s, etc…. Votre opérateur FAI vous proposera pour quelques euros supplémentaires un forfait Internet Mobile 100Mbps/s tout illimité 24h/24, 7j/7 avec appels illimités vers tous les opérateurs fixes et mobiles.  Le chiffre d’affaire de la téléphonie mobile va fortement baisser sous le double effet de la concurrence et des évolutions technologiques. Le budget que chacun allouera à son abonnement téléphonique sera bien moins élevé qu’aujourd’hui. Demain les forfaits illimités vont s’étendre à un grand ensemble de contenus numériques. Nous entrons dans une nouvelle ère de consommation de masse.

Une licence globale doit permettre le financement de la création en la maintenant à un certain niveau dans notre pays, tout en évitant que certains s’enrichissent aux dépends de ceux qui ne pourraient pas produire leurs œuvres ou de ceux qui ne seraient pas rénumérés à minima pour leur travail accompli en tant que créateur.

Dans le modèle du libre marché, si vous augmentez un peu le prix d’un produit et qu’il continue toujours à se vendre autant, vous allez augmenter le chiffre d’affaire des industriels qui le fabriquent. Si vous continuez encore à augmenter le prix très légèrement, vous pouvez entrainer une légère baisse de la consommation tout en maintenant le chiffre d’affaire à un niveau élevé. Si vous augmenter encore plus le prix, vous allez entrainer une forte baisse de la consommation accompagnée d’une baisse du chiffre d’affaire. Pour les marchands de musique, la licence globale rapporterait bien moins que le prix maximum de l’œuvre numérique que le marché aurait déterminé. Ils veulent pouvoir faire payer aux consommateurs le prix fort pour pouvoir récupérer le plus de fonds possible.

Je ne crois pas que c’est en faisant prospérer ce secteur comme ils le voudraient, qu’on va accroitre proportionnellement le nombre d’artistes de talent, pas plus que le nombre d’œuvres de qualité produites. Ce qui me semble davantage évident, c’est que tout cet argent récolté en plus favorisera l’enrichissement d’un certain nombre d’acteurs au détriment du portefeuille du consommateur et au mépris de nos libertés fondamentales.

Actuellement, les lobbyes de l’industrie musicale ont une attitude guerrière qui préconise la prohibition (incrimination du peer to peer, vente à prix abusifs) et cherche à légitimer le racket (taxation des FAI).

L’opposition à la licence globale ne se justifie pas par une impossibilité à répartir les fonds équitablement mais plutôt par le désir de soutirer le plus d’argent possible au peuple.