Les voleurs de temps – 4 – Les attentes chronophages

J’ai assisté à une scène qui m’a laissé pantois, un beau jour de printemps que je gaspillais à faire la file dans un bureau de poste. Une très longue file, dans un lieu que je déteste, car il est irrémédiablement lié à cette attente stupide et improductive.

Je rongeais mon frein, persuadé que de toute façon il n’existait aucune échappatoire à ce calvaire institutionnel. C’est alors qu’entra en scène (le bureau de poste) un homme (notre héros) visiblement très pressé. À peine arrivé, il jaugea la file, de son regard implacable, et après avoir calculé je ne sais quoi en une demi-seconde, il marcha d’un air décidé vers le jeune qui attendait son tour en tête de file. Il lui adressa un sourire franc, chaleureux, puis lui demanda sans hésiter :

— Bonjour. 50 euros pour échanger nos places dans cette file ! OK ?

— C’est une blague ? lui répondit le jeune, bouche bée.

Pour toute réponse, l’homme sortit de sa poche un beau billet de 50, tout neuf et le tendit avec nonchalance devant le gaillard interloqué, qui ne le resta pas très longtemps. Après un dixième de seconde d’hésitation, il saisit le billet comme dans une soudaine crainte que son vis-à-vis change d’avis.

— Allez-y, je devais seulement acheter 10 timbres, je referai la file, pas de problème.

Il y eut bien un léger mouvement de contestation dans la foule, vite étouffée par l’intervention du préposé qui lâcha sa formule magique : « Au suivant ». Et comme l’homme qui ne voulait pas perdre de temps n’en perdit pas au guichet, ce fut très vite au tour du suivant suivant.

En passant devant le jeune gars en fin de file, l’homme s’arrêta et lui tendit une feuille de 20 timbres.

— Cadeau. Comme ça, pas besoin de refaire la file. Nous avons tout gagné, vous et moi. Et personne n’a rien perdu dans l’affaire. Encore merci et au revoir.

Il n’attendit pas de réponse, tourna les talons et sortit du bureau. Il n’avait pas de temps à perdre.

J’ai beaucoup réfléchi à cette anecdote et si elle m’a d’abord surpris, puis amusé, j’ai ensuite compris la profonde justesse de la démarche. La cohorte de clients dans la file n’a en rien été lésée. Un premier de file prend la place d’un autre, chacun des autres conserve sa place et ne perd pas plus de temps. 

Le jeune gars était tout content de gagner 50 euros pour céder sa place et n’a pas perdu son temps puisqu’il ressort quand même avec ses timbres (2 fois plus, et… gratos) sans refaire toute la file. 

Quant au guichetier, il aura économisé de la salive en prononçant un « Au suivant » de moins. Tout bénéfice :-)

Et notre homme pressé ? Bravo ! Sans léser personne, il a montré qu’on pouvait lutter contre le mauvais sort et ne pas laisser l’infernale machine administrative lui voler son précieux temps. Le calcul est vite fait : si son tarif horaire est de, par exemple, 100 euros de l’heure, éviter une file d’une demi-heure minimum vaut bien les 50 euros payés. Et indépendamment du prix, plutôt que d’attendre dans une file, un responsable d’équipe n’est-il pas plus utile auprès de ses hommes, un médecin auprès de ses patients, un avocat à défendre une victime, un travailleur à faire son travail ?

A retenir :

Au-delà de ce cas extrême qui pourrait paraître choquant en raison de considérations égalitaires et sociales, n’est-il pas judicieux, dans une entreprise, de déléguer les tâches à faible valeur ajoutée aux personnes les moins compétentes afin de permettre aux détenteurs des compétences de consacrer leur précieux temps de manière productive… pour toute l’entreprise ?

Le côté fabuleux de cette démarche, c’est que bien souvent il est possible de gagner énormément de temps sans en faire perdre beaucoup aux autres. Au lieu de faire la file à la poste pour les recommandés ou pour acheter des timbres, demandez à votre facteur de s’en charger. Il n’est pas contraint à faire un détour ni à faire la file, il connaît bien le sujet et pour une minute qu’il vous consacrera, vous gagnerez facilement une petite heure. Un gain immense qui vaut bien le petit pourboire que vous lui accorderez de temps en temps.

De manière générale, ne gaspillez pas votre temps à attendre. Évitez les files au magasin quand vous pouvez commander par correspondance ; les files à la poste, il y a le facteur ; les files chez le médecin, pour un léger supplément, faites-le venir chez vous ; à la banque ? Mais utilisez les services en ligne, bon sang !

Vous vous dites que cela a un coût ? Bien sûr. Mais généralement le prix à payer est symbolique, surtout en regard de la valeur inestimable de votre temps. Pensez-y, votre vie n’est pas éternelle. À combien estimez-vous une heure de votre temps ? Et ce temps, si limité, voulez-vous le passer debout à attendre entre tant d’autres quidams désabusés, ou bien dans les bras de votre amour, à jouer avec vos enfants, à faire votre safari de rêve ou à pratiquer votre hobby ?

Moi, j’ai choisi. Attendre dans la file ? Non ! La file peut toujours m’attendre :-)

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Résumé : 

La meilleure méthode pour gagner du temps, c’est de ne pas en perdre. Nous sommes pourtant souvent confrontés à des obligations particulièrement chronophages. 

Partie 4 : Comment éviter ces situations pertes de temps ?

Pour plus d’info sur la gestion du temps et les voleurs de temps :
http://www.gagner-du-temps.eu