En dehors des décès, de quoi ne réussissez-vous pas à faire le deuil dans votre vie privée ? Quels sont les espoirs que vous avez vu exploser en plein vol ? Vous vous reconnaîtrez certainement dans l’une ou dans deux ou encore trois des situations que je vais évoquer et vous comprendrez peut-être ce qui vous empêche d’avancer. Conduire une voiture en regardant en arrière est impossible. Impossible aussi de tracter une caravane (roulotte en Québécois) bien trop lourde pour votre véhicule. Si vous n’êtes pas en mesure de faire face à votre passé, comment pourriez-vous faire face à votre présent et à votre avenir ? Décortiquons ces trois deuils afin que vous trouviez la stratégie pour vous en libérer.
Pour commencer, il faut comprendre qu’il s’agit de « fantasmes ». Et ça n’a rien de sexuel. Ces fantasmes reposent sur le résultat que vous auriez dû avoir, mais, n’ayant pas les bons ingrédients, tout a explosé. Commençons par le fantasme des bons parents, puis celui du couple et, pour finir, celui de la famille unie : papa/maman et les enfants.
LE DEUIL DES BONS PARENTS
Normalement, avoir de bons parents ne devrait pas être un fantasme, mais une réalité. Nourrissant l’enfant de reconnaissance, d’affection et de protection, celui-ci baigne dans un environnement parental propice à son développement : sa confiance et son estime grandissent avec lui, encadré par l’expérience de ses parents. Levez la main, ceux et celles qui ont eu ce « service » de la part de leurs deux parents. Et même si l’un d’eux était le « bon flic » (un parent aimant) et l’autre le « mauvais flic » (un parent humiliant), le bon flic ne peut pas contrebalancer le mauvais. Le cerveau va imprimer la souffrance, plus que le bonheur. Ayant deux parents ou un seul, vous attendrez toute votre vie qu’ils vous disent « je t’aime » et vous complimentent. Mais ils en sont incapables, totalement dysfonctionnels, soudés dans leurs chaussures d’enfant intérieur, bien incapable de s’élever eux-mêmes. Comme ils sont bien réels et portent le « titre » de parents, bien qu’ils n’en aient pas la fonction, vous fantasmer qu’un beau jour, ils vont vous aimer et vous le manifester : vous attendez un miracle. Vous êtes adulte maintenant et c’est à vous de prendre le relais et de vous donner ce qu’ils n’ont ni pu, ni su vous apporter : vous n’avez plus BESOIN d’eux pour vivre. Il est temps de réaliser que c’est la réalité et de l’accepter. Vos parents sont handicapés par leurs mauvaises programmations et ils ne répondront pas à vos attentes. Attendriez-vous un train qui ne passera jamais ? Détachez-vous de cet espoir qui n’a plus aucune utilité puisque vous êtes adulte et puisque vous êtes tout à fait capable de fonctionner par vous-même. Si vos parents sont toxiques et prennent plaisir à vous enfoncer chaque fois que vous les croisez, pensez-vous que ce soit une bonne idée de continuer à les côtoyer ? Ils sont un miroir déformant qui vous reflète une image fausse et erronée de vous-même, il est temps de ne plus « acheter » ce reflet. Vous êtes quelqu’un de bien et vous le savez, n’attendez pas de vos parents qu’ils le valident : ils ne le feront jamais. Et quand vous cesserez de leur courir après pour quelques miettes de reconnaissance, quand vous ferez le deuil de la relation qui n’a jamais existé entre eux et vous, alors, peut-être, dans 1 % des cas, ils vous reconnaîtront, à leur façon. Sinon, quittez le quai, car le train ne passera jamais…
LE DEUIL DU COUPLE
Parti(e) handicapé dans la vie avec des parents plus ou moins défaillants, vous placez tous vos espoirs sur la vie de couple. Si mes parents ne m’ont pas aimé, quelqu’un d’autre le fera. Et vous voilà en chasse d’un(e) partenaire de vie. Soit vous quittez papa/maman pour vivre avec celui ou celle que vous avez rencontré, entre 16 et 20 ans ou plus. Soit vous décidez de butiner, ayant toujours une proie sur votre liste de chasse. Dans le premier cas, vous pensez assurément avoir rencontré l’homme ou la femme de votre vie et que vous vivrez longtemps en couple en ayant des enfants. Dans le deuxième cas, vous faites une sorte de « casting », persuadé que le jour où vous rencontrerez la bonne personne vous le saurez. Connaissant votre partenaire depuis vos plus jeunes années ou tombant dessus en batifolant, vous formez un couple que vous croyez solide. Sorte de refuge pour compenser ce que vos parents n’ont pas pu vous apporter, vous vous croyez en sécurité… Et ça finit par exploser. « Adieu, veau, vache, cochon, couvée ! » comme l’écrivait Jean de La Fontaine, dans « Pierrette et le pot au lait » : tout part en fumée et vos espoirs sont anéantis. Encore un fantasme construit sur de mauvaises bases : vous vous êtes jeté dans la gueule d’un loup/d’une louve plus blessant que ne le furent vos parents. C’est ainsi qu’ils vont ont traité et vous avez attiré quelqu’un qui vous traite de la même façon. Et la rupture vous plonge dans la déception, la souffrance, le vide qu’ont créé vos parents. Ce gouffre obscure, profond, où il fait froid et nuit tout le temps vient de vous engloutir. Pourtant, tout allait bien au début, puis ça s’est dégradé pour atteindre le point de rupture. L’ex a deux jambes pour venir vers vous, deux bras pour vous enlacer, une bouche pour vous dire « je t’aime » et vous embrasser… mais il/elle ne le fera plus jamais. Il faut alors faire le deuil du fantasme de ce couple dont les fondations reposaient sur le déséquilibre affectif. Mais peut-être que vous le découvrez en lisant cette chronique. « Le syndrome de Tarzan » (Béliveau éditeur) vous éclairera sur le sujet de la dépendance affective, car c’est bien de cela dont il s’agit. Ce couple n’était pas viable et la suite vous l’aura démontré. Et s’il vous faut en faire le deuil, la bonne nouvelle est que vous pouvez comprendre l’origine de l’échec en vous servant de cette expérience. Le livre cité plus haut vous rendra plus clairvoyant pour choisir la personne avec laquelle ça durera longtemps et dans le bonheur, cette fois-ci.
LE DEUIL DE LA FAMILLE UNIE : PAPA/MAMAN & LES ENFANTS
N’ayant pas été heureux avec vos géniteurs (le mot « parent » impliquant un engagement envers sa progéniture), vous avez peut-être développé l’ambition de construire une famille qui sera un foyer chaleureux pour vos enfants, décidant de faire l’inverse de ce qu’ont fait vos parents. Après le fantasme de l’amour qu’auraient dû vous donner papa/maman, vous avez enclenché sur le fantasme du couple, espérant que l’amour viendrait d’une autre personne qu’eux : un partenaire de vie avec lequel vous aurez des enfants. Et vous vous lancez dans l’aventure, tellement sûr de votre coup qu’un premier bébé apparaît voire d’autres qui suivront, même si vous sentez que quelque chose ne tourne pas rond dans votre relation. Et le couple vole en éclats, les enfants plongés dans la tempête. À moins que vous ne vous quittiez en bonne intelligence et formiez une équipe soudée pour continuer à élever les enfants. Néanmoins, vous devez faire le deuil de ce fantasme aussi : la famille heureuse et unie. Vos petits rejoindront le cercle des enfants de divorcés (contenant plus de membres que le cercle des enfants ayant toujours leurs deux parents unis), ce qui vous paraît insupportable, car vous ne pensiez pas leur faire ça. Anecdote : quand ma fille a commencé la maternelle, en 1998, je m’étais déjà défaite des chaînes d’un mariage avec un mari adultère et la directrice me fit ce commentaire : « Votre fille est équilibrée pour une enfant de divorcés ». Je le pris comme un beau compliment. Vous auriez tellement souhaité procurer un foyer stable à vos descendances, vous ne pouvez pas croire que vous allez faire « comme les autres » : vous séparer et vous « partager » les enfants. Pourtant, c’est la réalité qu’il faut accepter : fini papa/maman et les enfants dans la même maison, en vacances, en week-end, en journée. Vous voilà monoparental sans plus aucune possibilité, quand vos chères têtes blondes mettent votre patience à rude épreuve, de leur dire « va voir ton père/ta mère » pour vous en débarrasser. La famille n’existe plus et il va falloir vous y faire. Et peut-être avez-vous retardé l’échéance « à cause des gosses », mais la réalité vous a rattrapé : la famille a explosé. Vous séparer démontre à vos enfants que si vous n’êtes plus bien du tout avec votre partenaire, il est important de se respecter, de le respecter et de mettre un terme à une relation qui ne vous satisfait plus du tout. Et quand une femme désireuse d’avoir des enfants n’en a pas eu pour de multiples raisons, elle devra, elle, faire le deuil aussi de ceux qu’elle aurait pu avoir.
Le plus difficile, c’est bien de faire le deuil de fantasmes que vous avez tricotés, qui n’ont jamais existé et auxquels vous restez désespérément attaché, ce qui vous empêche d’avancer. Bienvenue dans le monde de la dépendance émotive ! En revanche, il est peut-être temps d’accepter que vos parents ont été défaillants, que votre vie affective a subi des échecs cuisants et que vous ne vivrez plus jamais avec le père/la mère de vos premiers enfants. Cependant, vous pouvez vous retrousser les manches pour (re)construire confiance et estime afin de vous donner la chance de rencontrer la personne avec laquelle vous saurez cultiver l’amour, le vrai, et peut-être avoir d’autres enfants ? Qui sait !
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