Quelle recette miracle peut nous permettre d’accéder au moment présent ? Je m’y suis entraînée quand j’étais dans les pires situations de ma vie pour fuir la terreur que j’empêchais de m’envahir. Il est vrai qu’habituellement, c’est la terreur qui vous empêche d’être dans ce fameux moment présent. Permettez-moi de vous expliquer ma stratégie pour y accéder, bien plus simple à comprendre que tout ce que pourra vous expliquer Eckhart Tolle que je n’ai jamais réussi à lire tellement, à mes yeux, c’est tarabiscoté et alambiqué.
Vous avez probablement déjà entendu ceci : « Quand je considère mon passé, je suis dépressif et quand j’envisage mon futur, je suis anxieux. Résultat : je ne suis jamais dans le moment présent ». Ça vous parle ? Vous avez l’impression d’être un lapin au milieu d’une meute de loups, prêt à être dévoré par tout ce qui va vous arriver, vous appuyant sur un passé peu glorieux ayant démontré que vous n’avez aucune aptitude à vous en sortir. Dites-moi donc comment le lapin pourrait savourer le moment présent ? D’autant que le pire, que vous imaginez dans votre tête, n’existe pas la plupart du temps : vous mettez votre corps en état de choc en faisant croire à votre cerveau que vous vivez une agression par votre simple imagination. Votre cerveau, je vous le rappelle, ne distingue pas ce que vous créez de la réalité, il prend tout pour argent comptant et réagit en conséquence des images dont vous le nourrissez. La métaphore que j’utilise tout le temps pour symboliser le moment présent en « dramatisant » est celle du fou qui saute du 17e étage d’un immeuble et dit, en passant devant le 16e : « Jusque-là, ça va ». Eh bien, c’est ainsi que j’ai vécu pendant les périodes troublées financièrement, dans mon ancienne vie, voyant les menaces de me couper le téléphone et l’électricité s’accumuler : pour éviter de me plonger dans la peur, je me ramenais au moment présent, exercice que je faisais tous les soirs avant de m’endormir. Voici comment je me rassurais, parlant de ma fille et de moi-même, ce qui me permettait de trouver le sommeil facilement : « Nous sommes en bonne santé, nous avons le ventre plein, un toit sur la tête, nous dormons dans des draps propres et les huissiers ne sont pas encore venus taper à la porte, donc, TOUT VA BIEN ! » Tous les soirs, je passais devant le 16e étage…
Plutôt qu’inventer des situations terribles, que diriez-vous de simplement regarder autour de vous, quelle que soit la situation difficile que vous viviez (en dehors d’un enfant ayant développé une maladie qui le condamne ou encore un proche dans la même situation), au moment où vous me lisez, considérez que vous êtes en sécurité, dans un environnement que vous connaissez et si vous faites le tour de tout ce qui est positif dans votre vie, vous voilà soudain dans un espace qui vous fait du bien. Je suis certaine qu’il y a une multitude de source d’anxiété que vous pourriez éliminer, surtout en coupant le robinet des pensées négatives illusoires. En remarquant où vous êtes et tout ce qui va bien, vous pouvez basculer du côté du bien-être et y rester le temps que vous le souhaiterez. Quand j’étais pensionnaire chez les religieuses, à 11 ans, le cafard me prenait dès le dimanche midi, car je savais que le lundi matin, je retournais en pension. J’ai appris à le stopper, car je n’aimais pas cette sensation et pour se faire, je me disais : « Regarde, il te reste encore tout l’après-midi et toute la nuit ! ». J’appelle cela la technique du cloisonnement : au lieu de penser à mon départ le lendemain matin, je préférais me concentrer, heure par heure, sur le plaisir d’être encore à la maison. Figurez-vous que je mettais mon réveil à sonner à trois heures du matin (si, si !) pour avoir le plaisir de me dire qu’il me restait encore trois heures à dormir dans mon lit, à la maison, avant de partir : je voulais en profiter jusqu’au bout !
Vous comprenez maintenant pourquoi le moment présent était devenu une stratégie pour éviter de tomber dans la souffrance et le désespoir. Aujourd’hui, je n’ai plus rien à fuir, car la vie est un véritable plaisir et comme rien ne me tracasse, si je vais dans le passé, c’est pour évoquer des moments amusants ou aller y chercher de l’expérience dénuée d’émotions négatives. Et comme je me projette dans un futur radieux, je suis souvent dans l’instant présent, écoutant pousser mes cheveux ou regardant croître mon gazon. Je ne suis plus un lapin terrifié par une meute de loup, puisqu’étant devenu loup « dominant » qui ne dévore pas les lapins effrayés. Je souris aussi quand je suis en vacances dans un pays chaud et que j’entends des vacanciers énoncer sur un ton dévasté : « Il ne nous reste que deux jours de vacances ! ». Quand j’en ai l’opportunité, sans être envahissante, je leur fais remarquer qu’il leur reste ENCORE deux jours et que la bonne idée est d’en profiter jusqu’au moment de remonter dans le bus qui les conduit vers l’aéroport.
Le moment présent, tout le monde peut y accéder en faisant ce simple exercice de remarquer qu’au moment où vous me lisez, vous êtes en sécurité et que vous avez certainement de belles choses dans votre vie : dans cet espace/temps, vous pouvez goûter à la sérénité, votre corps est tranquille, votre esprit aussi (le hamster est figé) et vous pouvez observer la magie de la vie et de la nature : TOUT VA BIEN ! Libérez-vous aussi de votre montre (pure invention de l’être humain moderne) pour éviter d’associer le moment présent à un quelconque temps : celui-ci n’existe pas. Et le bien le plus précieux, c’est d’avoir le temps de ne pas compter les minutes qui ne peuvent sanctionner l’instant présent : jouir d’être en vie et en prendre conscience.