« Je voudrais être un maître à ne pas penser.
Je voudrais enseigner le silence.
Et l’étonnement.
La joie de découvrir tous les jours pour la première fois le bonheur ravi du simple fait de vivre.
De respirer. De toucher. De voir.
De voir d’autres hommes heureux du même bonheur étonné.
C’est la voie que je propose. Elle est simple et naïve.
Il faut m’en excuser.
Pourtant, c’est çà la VIE »
Vlady STEVANOVITCH, Maitre de Chi, Fondateur de l’Ecole de la Voie Intérieure, l’ART du CHI
….
Penser ? Ne pas penser ? … Je me souviens d’un psychanalyste qui voulait que j’apprenne à « penser » . Je ne comprenais pas. Je croyais que le « Singe Fou » qui me servait de mental et donnait la réplique au fidèle du Docteur Freud savait « penser »… Je me souviens de mes professeurs de philosophie qui m’interloquaient en questionnant le « je » en « moi ». Qui est ce « Je » qui parle de moi ? Qui parle en moi? Le « je » de ma tête, de mes tripes, de mes entrailles, de mes ancêtres, de mon éducation, de demain qui n’existe pas, d’hier qui n’est plus, de maintenant qui s’égare?…
Penser ? Peser, soupeser, maîtriser, arguer, retenir, réfléchir ?… Au secours…
Quand j’ai découvert l’Ecole de la Voie Intérieure, je n‘étais que « singe fou » en ébullition permanente, dialogues et auto dialogues en boucle. «Je pense donc j’existe ?». Je tentais -par la pensée- de saisir, d’ordonner, de rêver, d’agir, de jouir. Bref de vivre !
Ce sont des mots du reste qui m’ont retenue. «Laissez faire le mouvement. Ayez une intention mais laisser faire!». Reste qu’aucun professeur ne voulut commenter mes premiers mouvements d’automate handicapée de vie autrement qu’avec un sourire. Pas de bla bla sur le « lâcher prise », pas d’ésotériques digressions, pas de Yin et de Yang, de Tao, de Ciel et de Terre réunis. Aucune chinoiserie. Non, pour seules «pensées », on m’a servi quelques mots concrets; axe, repères, bassin, centre, ancrage, tantien, faire et refaire…
Un peu plus tard, on m ‘a assise sans me contraindre à un Lotus parfait. Un dos droit suffira, un axe, un centre. L’exploration a commencé. A l’intérieur, dedans. La baroudeuse que j’étais n’avait aucun repère. J’étais perdue. Mais avais-je choix de remonter en surface?
J’avais si mal à l’époque. J’avais cherché longtemps, tellement, autrement. J’avais tellement “pensé”. Alors j’ai tenter de balbutier. Petit à petit, j’ai commencé à jouer le jeu du «je» perdu. Avec le corps, les talons, le ventre, les mains, le bassin pour nouvel alphabet. Avec la terre, la lumière, le souffle palpable du monde, les arbres, le vent pour nouvelles conjugaisons…
Et l’improbable, l’indicible, est arrivé.
Un jour, dans l’interstice de non pensées jailli un jour de grand soleil d’hiver limpide de Provence, j’ai eu le sentiment de me mettre au monde. De m’accoucher un peu. Soudain, à l’issue de plongées abyssales en monde intérieur inconnu – des sons chargés de CHI en guise de bouteille d’oxygène- JE SUIS NEE! Sans cri, larmes ou sang. Eperdue de vibrations. Esquissant un improbable sourire. Et soudain, en devenant fluide, liquide, volatile, j’ai entraperçu l‘évidence : invisible vie dense. En n’étant plus rien, et donc peut-être tout, je jubilais d’être même incapable de penser que je ne pensais plus …
Bonheur. Joie. Indicible, exorbitant, incomparable, innommable.
Im-pensable !
Je suis toujours toute petite encore. Près de 10 ans après, je ne sais toujours pas ni vraiment marcher ni bien parler dans cette langue étrangère et muette. Pourtant, je surprends de plus en plus souvent ce sourire intérieur envahir quelque chose que l’on pourrait nommer mon «être ». Ici, là, sans raison. Je sais le reconnaitre aussi, ailleurs, chez d’autres qui sont passé du coté de la Vie, la vraie.
Je suis toute petite. Pourtant, je devine de rares promesses pour grandir encore. Et longtemps. Comme bien des enfants, je n’ai quasiment appris que l’inutile. Avec entre autres, penser(!), écrire et parler. Personne ne m’avait appris à écouter. Ecouter, sentir la Vie, la vibration, l’énergie, l’unité, la Source. Impensable. Indicible. Seul un « Maître à ne pas penser » pouvait me rendre moins sourde. Moins frigide de l’âme. Seul « un Maître à ne pas penser » pouvait me surprendre du bonheur étonné d’être vivante, tout simplement…
Son nom? Vlady Stévanovitch. Son école? Celle de la Voie Intérieure. Une école de Tai Chi pas comme les autres. Une école d’écoute. De présence. De silence. D’exploration.
Im-pensable.
Me pardonnera-t-il tous ces mots lui qui ne cessait de répéter que seule compte la pratique. Celle d’un Chi juste, d’un Tai Chi juste. Des années et de années de pratique.
Me pardonnera-t-il tous ces mots lui qui, comme d’autres Sages, savait bien qu’une conférence sur l’eau ne désaltére jamais un homme assoiffé?….
OK Vlady. Je vais me taire à nouveau. Aller pratiquer.
L’Ecole existe. Le faire savoir. C’est tout.
Ouvrages : « La voie du Tai Ji quan, et l’art du Chi », et « La voie de l’Energie », parus aux Editions DANGLES, par Vlady Stévanovitch