Si l’on devine aisément les raisons qui ont poussé le gouvernement japonais à stopper toute activité nucléaire suite au traumatisme de Fukushima de mars 2011, la volonté du Premier ministre nippon de relancer dans les plus brefs délais l’exploitation de la première énergie décarbonée du pays est également largement compréhensible au regard des récentes évolutions. Economie plombée par des importations en augmentation, dépendance croissante aux énergies fossiles et bilan carbone désastreux, le Japon paie aujourd’hui le prix d’un désengagement trop brutal de la filière nucléaire.
L’arrêt du nucléaire au Japon suite à la catastrophe de Fukushima a, depuis plus de trois ans maintenant, des conséquences néfastes sur l’économie nationale. Entraînant une augmentation significative des importations d’énergies fossiles pour alimenter les centrales thermiques au gaz et au charbon remises en marche suite à l’arrêt des 48 réacteurs du pays, ce changement contraint de politique énergétique pèse fortement sur la balance commerciale et prive les collectivités territoriales de ressources importantes.
Mais les conséquences sur le plan environnemental seraient bien pires encore. Le gouvernement de Shinzo Abe a en effet dévoilé la semaine dernière un taux d’émissions de CO2 record pour l’exercice 2013-2014 alors même que le Japon s’était engagé en 2010 à améliorer son bilan carbone. Une ambition qui prévoyait à cette époque le développement accru de l’énergie nucléaire.
Selon les analyses réalisées jusqu’en mars dernier et détaillées par le METI (Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie), les rejets de dioxyde de carbone liés à l’utilisation de ressources non renouvelables ont atteint 1.224 milliards de tonnes durant l’année d’avril 2013 à mars 2014, contre 1.208 milliards de tonnes durant les douze mois précédents. Ce qui correspondrait, selon les Echos, à une hausse de 15% par rapport au niveau de 1990, l’année de référence pour le calcul des objectifs de réduction d’émissions dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le changement climatique (Cnucc).
Des chiffres d’autant plus alarmants que les perspectives à court terme sont loin d’être rassurantes. En effet, si le gouvernement a depuis plusieurs mois exprimé publiquement sa volonté de relancer dès que possible tous les réacteurs nucléaires conformes aux nouvelles normes de sûreté définies par l’autorité de régulation nucléaire, ces procédures sont complexes, et nécessitent de plus l’accord des élus locaux.
Jusqu’à présent, seuls deux réacteurs de la centrale nucléaire de Sendai dans le sud-ouest du pays ont été validés et devraient redémarrer en 2015. Trop peu pour espérer réduire des émissions de gaz à effet de serre qui se maintiendront dans les années à venir si la relance nucléaire n’est pas envisagée à un rythme plus soutenu.
Un constat des plus préoccupants pour le Japon alors même que la Chine et les Etats-Unis viennent juste de s’engager officiellement dans la lutte contre le réchauffement climatique et que la communauté internationale exigera de la part des autorités nippones, des engagements et des objectifs contraignants en matière de réduction des émissions de CO2 dans le cadre du prochain sommet COP21 prévu à Paris fin 2015.
Crédits photo : Alfred Palmer