GUY TURCOTTE tue ses deux enfants et tente de s’ôter la vie : pourquoi ?
Pour la grande majorité des gens, tuer ses propres enfants, son conjoint, avec ou sans son consentement, et se suicider est un acte insensé et monstrueux. Mais comment des êtres humains en arrivent-ils à de tels gestes de violence ?
Dans le cas de Guy Turcotte, en me fondant sur ce que j’ai lu dans les journaux, je comprends qu’il est en séparation, qu’il a appris une nouvelle qui l’a bouleversé et qu’il essayait d’acheter une maison. Une rupture, c’est la chose la plus difficile à vivre pour quelqu’un qui fondait sa vie sur l’autre : la conjointe remplissait vraisemblablement un vide immense que Guy Turcotte n’a pas su remplir autrement, une fois la séparation décidée. Ce vide vous plonge dans un horrible gouffre sans fond, à ce point que la violence du geste sera à la hauteur de la souffrance ressentie. Au moment où le père tue ses enfants, il se trompe d’objectif : il ne veut pas tuer ses enfants, il veut faire souffrir sa conjointe autant qu’il souffre lui-même. Quand j’ai failli poignarder mon mari (cf « Le syndrome de Tarzan » (Béliveau éditeur)), mon intention n’était pas de tuer un être humain, mais de neutraliser la souffrance que me faisaient endurer cet homme : en le tuant, je ne souffrirais plus car il ne pourrait plus me faire souffrir. En tuant ses enfants, il infligeait peut-être une punition à son ex-conjointe, à la hauteur de sa faute : elle le laissait probablement dans un vide affreux et elle allait ressentir ce qu’il ressentait.
Ce ne sont pas des excuses, ce sont des explications. Heureusement que vous êtes nombreux à ne pas comprendre ce geste, car il reste exceptionnel. Mettez-vous dans les chaussures de cet homme : sa conjointe le quitte, il apprend une nouvelle qui le bouleverse, il essaie d’acheter une maison mais peut-être rencontre-t-il des obstacles financiers et tout s’écroule : son couple explose, ils ne vivent plus en famille, la vitrine vole en éclat. Le paraître est souvent important aux yeux de la majorité des gens : le divorce sépare tout en deux et diminue les revenus et le train de vie, ainsi que l’image que les autres peuvent avoir de vous. Qui n’a pas cédé à ce principe du paraître et du confort matériel ? Imaginez que tout vous échappe, que vous n’avez plus le contrôle sur la vie que vous aviez construite, qu’elle s’effiloche sous vos yeux, que le mal de vivre vous serre dans un étau, sans relâche. La douleur est tellement intolérable que vous ne voulez peut-être pas que vos enfants vivent la même chose. C’est le cas du couple Laliberté : ils ont voulu soustraire leurs enfants aux souffrances qu’ils vivaient eux-mêmes et éviter de laisser les petits sans parents, dans ce monde impitoyable.
Une personne qui tente de se suicider ne veut pas mourir : elle veut arrêter de souffrir. Faites-vous la différence ? Au moment où elle pose ce geste, elle ne voit pas d’autres solutions. C’est un acte de folie passagère, que peu refont s’ils en réchappent. D’ailleurs la plupart des pères qui ont tué leur famille se sont suicidés plus tard, horrifiés par leur geste, qui paraissait opportun dans un pique de souffrance et qui devient un geste d’une barbarie sans nom, une fois la folie passée. Comment prévenir ces actes de désespérés ? Lors d’une séparation, la conjointe peut évaluer si la souffrance que ressent le père est démesurée, s’il en vient à des menaces ou des actes de violence. Un comportement excessif dans les paroles et les gestes est le signe d’un déséquilibre affectif, autant qu’un grand accablement. C’est la démesure qui peut vous alerter. Personne ne sait qui est capable de tuer : je n’aurais jamais cru que j’étais capable d’en arriver là moi-même. Le mieux est de conseiller à l’ex-conjoint de consulter un professionnel qui va l’aider à traverser la séparation et à surmonter la souffrance. Un coaching est approprié car il aidera la personne à développer sa confiance et son estime et à remplir le vide intérieur.
Pendant qu’il comble son vide, le père voit sa violence diminuer car sa sensation de rejet et d’abandon disparaît progressivement. Le calme revient peu à peu et il découvre qu’il existe d’autres solutions que la vengeance ou se soustraire, avec ses enfants à un monde impitoyable. Il reprendre tranquillement les rênes de sa vie au lieu d’avoir la sensation d’être dans une coquille de noix, sur un océan déchaîné, sans savoir quand la tempête d’arrêtera, ni si elle va s’arrêter. Ne laissez jamais la douleur et l’anxiété s’installer car elles vont vous submerger et dès qu’une goutte d’eau fera déborder le vase, la violence prendra le contrôle et risquera de vous pousser vers l’irréparable. Consultez dès que vous vous sentez dépassé.
Guy Turcotte était dynamique et estimé de ses patients, pourtant sa souffrance a été à la hauteur de son geste.