DISPUTES DANS LE COUPLE : EST-CE UTILE ET SAIN ?
La dispute est-elle saine dans un couple ? Pensez-vous que c’est bon de s’affrontrer pour mieux se réconcilier sur l’oreiller ? Les altercations font-elles grandir le couple ou le font-elles couler ? Est-ce normal de crier pour communiquer, de prononcer des paroles blessantes, voire humiliantes, ou, pire de s’insulter ? Et que dire lorsque vous en arrivez aux coups… ? Finalement, la dispute parle-t-elle d’amour ou de déséquilibre ?
Tout d’abord, démontons le mécanisme de la dispute : que ce soit au niveau du couple ou dans d’autres sphères, l’origine d’un conflit est forcément un inconfort livré plus ou moins adroitement, tout dépendant du niveau d’agacement ressenti. De la petite réflexion sur un ton anodin (mais pas innocent !) au déferlement de reproches, il s’agit d’un malaise ou d’une souffrance que vous avez souhaité manifester. Évidemment, l’idéal sera toujours de parler d’un ton calme, bien que vous soyez inquiet de la façon dont l’autre va le prendre. Ca fait des heures, voire des jours ou des mois que vous réfléchissez à la façon d’exprimer ce qui ne vous convient pas et plus le temps passe, plus votre frustration augmente et quand vous finissez par le dire, ça ne sort pas forcément comme vous le vouliez. D’autant que votre partenaire aura peut-être lâcher la dernière goutte faisant déborder le vase. Voilà bien le secret : avouer ce qui ne va pas avant que la coupe soit pleine. Encore faut-il oser… Qu’est-ce qui vous en empêche ? La peur de fâcher l’autre et de le perdre. Et si vous lui faisiez confiance ? Pourquoi ne serait-il pas capable d’accueillir votre inconfort et de répondre simplement « Pardon, je ne me rendais pas compte. Merci de me l’avoir dit« …
Vous avez tellement besoin d’être rassuré, de sentir que l’autre est bien présent, qu’il barbote dans la même « réalité d’amour » que vous, d’ailleurs vous aime-t-il/elle autant que vous l’aimez ? Terrifié de perdre la relation (et non la personne !), vous avez l’impression d’être assis sur un baril de poudre qui pourrait exploser d’une minute à l’autre. Votre peur panique d’être rejeté vous pousse non seulement à tout faire pour que l’autre soit bien et vous en attribue les lauriers, mais également à vous plier à ses moindres désirs, pensant l’acheter. Je vous rappelle, au passage, que l’amour ne s’achète pas, il se donne et de façon inconditionnelle : vous donnez de l’amour sans condition et non en échange de quelque chose. Dans ce cas de figure, comment lui avouer que vous désapprouvez certains de ses comportements ? Vous ne savez pas comment l’autre va réagir, si c’est la première fois, mais vous craignez le pire. Et quand vous avez déjà essayé de souligner un inconfort et que vous avez obtenu une réaction négative, vous voilà effrayé de vous manifester.
Quelle plus belle façon de dominer l’autre que se mettre à crier dès qu’une réflexion ou un reproche vous est fait ? Vos colères légendaires contrôlent votre entourage qui marche sur des oeufs pour ne pas déclencher les cataclysmes dont vous avez le secret. Personne ne peut plus rien vous dire, tout le monde endure et s’adapte à vos comportements. Et, consciemment ou inconsciemment, vous prenez l’habitude de vous fâcher et les autres de se soumettre : on ne change pas une équipe qui gagne ! Cela s’appelle du chantage affectif et/ou émotif : contrôler son partenaire qui sait que si quelque chose ne fait pas votre affaire, vous allez vous mettre en colère. Je me souviens de Jules, le père de ma fille, qui faisait de l’asthme chaque fois que je tentais de lui parler de divorce, m’accusant de provoquer ses crises. Donc, je fermais mon clapet, me sentant coupable d’altérer sa santé. Souvent, le ton que vous prendrez pour expliquer ce qui ne va pas reposera sur le degré de peur à vous manifester et le temps que vous aurez attendu pour dire la vérité : quelque chose ne va pas, il faut en parler. Mais plus vous aurez enduré la situation qui vous dérange, plus vous vous serez fait des films d’horreur en imaginant que l’autre va se fâcher et, pire, que vous allez le perdre, plus votre ton montera. Parce que le jour où vous « crachez le morceau » ce sera parce que vous êtes au bout du rouleau et pas forcément diplomate. Et l’autre, qui n’aura probablement rien vu venir, se retrouvera face à un tsunami de reproches et prendra dans la figure toute la frustration que vous aurez accumulée pendant tout ce temps.
Mettez-vous deux minutes à la place de celui ou celle qui pensait filer le parfait amour et qui se voit mis au pilori, jugé et condamné, sur un ton agressif. Quelle réaction pensez-vous qu’il/elle aura ? Ce n’est pas la meilleure introduction pour ouvrir la discussion. Surpris(e), il y a de fortes chances qu’il se rebiffe ou qu’elle crie plus fort que vous. Or, je vous rappelle que l’objectif, dans un couple, est de trouver votre zone de confort et non de savoir qui a tort ou raison… Dans la première stratégie, la zone de confort, il est évident que l’un a manifesté un inconfort (qui n’a pas eu le temps de devenir une frustration !) et que l’autre l’entendra. Se mettant dans les chaussures l’un de l’autre, vous trouverez la solution. C’est gagnant/gagnant. Mais quand il s’agit de savoir qui a raison, donc qui dominera l’autre, comment voulez-vous que les choses finissent bien ? Une fois attaqué, votre partenaire va soit contrattaquer, soit se « coucher ». Et je parle en terme de poker (se coucher : abandonner), pas en terme de sexe. Bien que ce soit souvent là que vous finissez après vous être abreuvés d’insultes et battus à coups de mots qui vous auront déchirés… Et que dire quand le geste se joint à la parole et que ça finit en bataille rangée ?
Est-ce vraiment normal d’avoir la relation la plus intime qui soit avec la personne qui vient d’essayer de vous écraser, vous a insulté et a tout fait pour vous blesser, verbalement ou/et physiquement ? Vous pensez que le sexe est bon après ça, tout simplement parce que les deux ont besoin d’être rassurés comme deux enfants qui viennent de se faire disputer violemment. Vous avez besoin d’être certain que l’autre est bien là, malgré tout ce que vous lui avez dit ou malgré tout ce qu’il vous a balancé comme méchancetés. Le sexe vous fait croire que l’autre est encore à vous… Dans un couple équilibré, quand il y a eu une altercation, il faut au moins laisser le temps à la poussière de redescendre avant de se jeter dans les bras l’un de l’autre et avoir une relation sexuelle. L’amour est fondé sur le respect et quand il y a eu accrochage, il faut d’abord s’y retrouver, s’expliquer calmement et attendre que la colère et la frustration laissent place à la compréhension. Je ne dis pas que les couples équilibrés ne se disputent jamais. Il y a une multitude de raisons de s’accrocher, mais je dis qu’ils ne se sautent pas dessus ensuite, compulsivement, pour « baiser ». Il faut que chacun retrouve son calme et sa raison et se rebranche sur l’amour qu’ils partagent. Il faut aussi le temps de digérer ce qu’il s’est passé. Parce qu’une dispute, c’est une piqûre, un coup de canif ou une immense déchirure dans le contrat sentimental (névrotique ?) qui vous lie. Si c’est resté au stade de la piqûre, vous vous en remettrez rapidement et elle aura été bénéfique pour que les deux se réenlignent. Mais la déchirure, elle, est un rouleau compresseur qui vous écrasera un peu plus chaque fois, jusqu’à détruire votre confiance et votre estime…
Se disputer, c’est une façon maladroite de régler un inconfort dont on vient de faire un conflit. Pour se rendre au conflit, il faut être deux. Car, celui auquel on fait des reproches en haussant le ton peut aussi comprendre que c’est la manifestation d’une souffrance, grande ou petite, et la désamorcer en accueillant l’autre gentiment et en le rassurant sur le fait que vous allez en discuter et trouver une solution. Souvenez-vous que celui qui s’exprime peut le faire maladroitement parce qu’il a peur de votre réaction, surtout si, la dernière fois que c’est arrivé, vous vous êtes fâché. Le voilà encore plus stressé de s’exprimer et vous pouvez tout de même admirer son courage, car il s’est lancé à nouveau, pour se respecter, risquant de votre part une nouvelle mauvaise réaction. Une dispute, quand elle contribue à ce que vous trouviez votre zone de confort, peut tourner en avantage, à condition de ne pas s’insulter ou se frapper, bien sûr ! Le ton peut monter, les arguments, pas forcément fondés, peuvent dépasser votre pensée, mais il faut rester dans le respect. C’est juste la maladresse des mots employés qui provoquera un orage qui fera tomber la pluie bienfaitrice sur un sol que le soleil aura desséché. Quand l’accrochage se transforme en typhon, les dégâts sont plus difficile, voire impossible, à réparer…
L’orage fera grandir le couple, quand le typhon le détruira progressivement. Quant au fait de se réconcilier sur l’oreiller, tout dépendra du temps que vous mettrez à vous remettre d’aplomb et à intégrer les nouvelles informations que l’autre vous aura livrées. Une fois la zone de confort retrouvée, vous pourrez célébrer l’amour que vous vous portez. Mais quand le lit sert uniquement de réparation dans la fracture que vous venez de provoquer au sein du couple, le sexe n’est plus une façon de célébrer votre amour, mais de vous rassurer : les enfants intérieurs qui se sont affrontés ont besoin de savoir qu’ils peuvent continuer à s’accrocher l’un à l’autre, dans cet océan déchaîné qu’est la névrose… Quant à la violence conjugale, c’est un engrenage dont il faut retirer le doigt le plus rapidement possible, avant de vous inscrire dans un cercle vicieux qui va vous broyer et dont personne ne ressortira vainqueur.
Faites l’amour, pas la guerre !
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