Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi notre alphabet contient autant de lettres ? Après tout, si l’on peut représenter n’importe quel nombre avec ni plus ni moins de 10 chiffres en système décimal, ou 8 en octal, ou encore 2 en binaire, pourquoi n’en irait-il pas de même pour les mots ? A l’aide de 26 signes différents, épeler des mots de tête a de quoi donner des maux de tête.
Imaginez-vous un alphabet de deux lettres et appelons-le alphabet binaire. Maintenant, il convient de les choisir judicieusement. Mettons que nous prenions, au hasard, alpha et oméga… Mouais, la Genèse et l’Apocalypse, voyez-vous ça: nous cherchions à écrire des mots, et nous retrouvons nos vieux démons.
Non, faisons plus simple: dans « alphabet », on retrouve « alpha » et « bêta ». Certains esprits chagrins rétorqueront que s’il faut enseigner un tel langage dans les écoles, nous formerons encore plus de bêtas. Après tout, ce n’est pas une si bonne idée, d’autant plus que le binaire n’est pas très facile à utiliser.
Changement de stratégie: l’alphabet est composé de voyelles et de consonnes. Nous pourrions décider d’utiliser un alphabet ne comportant qu’une seule voyelle, disons la lettre « e ». Eyent decede de preceder eense, nees devens censteter le deffecelte de cemprendre ene phrese peertent semple… ?!?!?! (1)
Non, décidément, aucune envie d’attraper des crampes buccales. Les voyelles se prononcent en changeant fortement la forme de la bouche et sont l’essence même de l’expression orale. Il vaudrait probablement mieux réduire le nombre de consonnes dont la caractéristique essentielle est de découper, rythmer, emballer les sons générés par les voyelles. Point de s, de ç ou de f pour éviter les persiflages, ni de p, ou de t pour éviter les… postillons. Le « h » pourrait bien convenir (et même provoquer une certaine accoutumance :-).
H’éhh houhhuoi houh ahonh ehheyé he hahhé hohhe ha, haih ha he hahhhe ha. hehhohhe he houh hehoih 5 huh 5… (2) – stop
Décidément, notre message reste lettre morte dès que l’on essaie d’en tuer quelques lettres. Peut-être qu’un texte ne peut avoir de sens qu’en présence d’une diversité suffisante de ses composantes. Et si le langage est le parfait reflet de nos pensées, la diversité culturelle ne serait-elle pas, dès lors, le seul moyen de donner un sens à l’humanité ?
(2) C’est pourquoi nous avons essayé de parler comme ça, mais ça ne marche pas. Personne ne nous reçoit 5 sur 5…