Il y a plusieurs années, j’étais au palais de justice de Québec City pour témoigner pour un de mes clients en coaching, quand le procureur de la couronne, connaissant mes activités professionnelles et mes best-sellers (surtout « Le syndrome de Tarzan » (Béliveau éditeur), me lança : « La majorité des salles du palais de justice sont remplies de dépendants affectifs ! ». Et j’étais bien d’accord avec lui… Quel est le lien entre dépendance affective et délinquance ? Nous allons le découvrir ensemble.
Tout part des valeurs que vos parents vous auront inculquées ou non. Si on vous a enseigné, dès votre plus jeune âge que voler, mentir, escroquer, manquer de respect aux autres, leur faire du mal d’une quelconque façon, mal se comporter, voire tuer, c’est mal, cette empreinte est indélébile : de 0 à 15 ans, ce que vous allez vivre et ce que l’on va vous répéter et vous montrer restera gravé dans vos comportements. A l’inverse, un enfant qui aura grandi dans la rue ou dans un orphelinat inadéquat aura appris la survie, dans cette jungle qui l’aura formé à faire n’importe quoi pour rester en vie : voler, escroquer, se prostituer, se battre, peut-être même tuer, faire tous les sales coups possibles puisqu’il n’y a pas de sales coups dans sa tête. Personne ne lui aura enseigné à distinguer le bien du mal, ce qui se fait de ce qui ne se fait pas : tout et n’importe quoi pour combler les besoins primaires que ses parents auraient dû assumer. Grandissant pratiquement comme un animal auquel on n’a donné aucun cadre, n’étant pas au contact d’adultes qui lui montrent le respect de soi et des autres, aucune règle ne collera sur lui puisqu’il n’en aura pas la notion.
Imaginez que vos parents n’aient pas pris le temps de vous enseigner à manger dans une assiette avec une petite cuillère pour débuter, puis avec une fourchette et un couteau : je ne vous inviterais pas chez moi, car vous piocheriez directement dans la casserole et avec les doigts ! Bien sûr, il est possible, quel que soit votre âge, de vous enseigner à bien vous tenir à table. Mais pour ce qui est de distinguer le bien du mal, le défi est bien plus grand à relever… Les belles valeurs sont de bonnes programmations qui nous suivent toute notre vie, ainsi que l’éducation qu’on aura reçue. En plus de ces valeurs, il est important de donner à un enfant reconnaissance, affection, protection pour développer sa confiance et son estime qu’il est sensé continuer à « muscler » tout au long des expériences de sa vie. Si les parents, dans son enfance, étaient dépressifs ou/et alcooliques et donc totalement défaillants, à part le maltraiter et le jeter à la rue à l’âge de 15 ans, ils n’auront pas fait grand-chose pour inculquer à leur rejeton les règles de la vie en société, le respect de soi et le respect des autres. Et comme ils ne le nourrissaient pas ou peu, il aura appris à leur voler de l’argent pour manger, voire en voler ailleurs, avant que ses géniteurs ne le donnent au dealer de drogue ou au débit d’alcool. Ses réflexes reposeront donc sur la survie à tout prix et il sera conditionné, programmé à prendre ce dont il a besoin, sans respect de rien.
Ces mauvaises programmations s’ajoutant au manque de confiance et d’estime difficile de se diriger seul dans la vie, sans aucun encadrement, aucun conseil, aucun guide pour vous éduquer. Cet enfant (fille ou garçon) deviendra un adulte qui risque de connaître l’alcool, la drogue, la prostitution, les mauvais coups parce que tombé entre les mains de « mauvais garçons » et, finalement, la prison. Il sera récidiviste, car dès sa sortie, il n’aura d’autres réflexes pour trouver de l’argent que refaire la même chose qui le conduit à chaque fois « en dedans » : il ne sait pas faire autrement et ne l’envisage même pas. Certaines personnes se retrouvent enfermées, bien qu’ayant eu de bons parents, par appât du gain et de l’argent facile, sans réfléchir aux conséquences de leurs actes avant d’être arrêtées. Peut-être ont-ils été des « enfants roi » … Ils ont eu de belles valeurs inculquées, mais dominant leurs géniteurs, voire même les méprisants, ces valeurs auront été piétinées au bénéfice d’un gros montant d’argent qui aurait pu rentrer sans travailler. Cependant, une fois emprisonnés, ils comprennent vite que ce n’est pas leur environnement, ont leur leçon et feront tout pour ne jamais y retourner. Qui les pousse dans la mauvaise direction au moment où ils prennent la mauvaise décision ? L’enfant intérieur ! Ce « p’tit maudit » de terroriste qui leur souffle de prendre un raccourci plutôt que travailler et gagner de l’argent. Et plus il est présent, plus cela signifie que les parents ne l’étaient pas et plus vous deviendrez délinquant. En résumé, si on vous a inculqué des valeurs dans votre enfance, même si vous dérapez, vous ne le ferez qu’une fois, car déterminé à ne plus jamais retourner en prison. Mais si rien n’a été inculqué à part la survie à tout prix, ce sera très compliqué de trouver des moyens légaux de gagner votre vie.
J’ai été invitée à donner une conférence à des hommes incarcérés à la prison de Bordeaux, à Montréal, dans le cadre d’une campagne contre le suicide. Certains prisonniers mettent fin à leurs jours, quand leur conjointe décide de rompre avec eux, les privant de motivation à endurer leur situation. J’avais dans ma salle une quinzaine d’hommes le matin (des prévenus) et une quinzaine d’hommes l’après-midi (des détenus). Je leur expliquais que l’enfant intérieur pousse dans de mauvais comportements pour différentes raisons, par mauvaises programmations (mais que le juge ne comprendrait pas cette explication !), et qu’on pouvait arriver en prison pour toutes sortes de raisons : conduite en état d’ébriété, vol, meurtre, infliger des blessures à autrui, escroquerie, drogue, etc. Et que s’ils étaient là pour la première fois et qu’ils avaient néanmoins de belles valeurs, ils n’y reviendraient jamais. Dans le fond de la salle, les plus anciens qui me regardaient d’un œil distrait, au début de la conférence, commencèrent à m’écouter avec plus d’intérêt. Quand celle-ci fut terminée, deux jeunes hommes vinrent me raconter que c’était « leur première fois » et que plus jamais ils n’y reviendraient, ayant compris que ce n’était pas leur voie. Quant aux plus âgés, probablement récidivistes, à part me remercier pour ce qu’ils avaient appris, je ne suis pas certaine que les « mauvais plis » auront été effacés. Bien que l’un d’entre eux, fort sympathique, m’aborda : « Eh, toi, tu connais Mesrine* ? ». Ce à quoi je répondis, avec humour : « Pas personnellement, mais j’en ai entendu parler ». Il me raconta fièrement qu’il s’était évadé d’une prison au Québec avec Jacques Mesrine* dans les années 70. Je lui lançai, alors, en riant : « Et vous êtes encore là ?! ». Il sourit, puis m’annonça que dès qu’il serait libéré, il ferait le chemin de Compostelle. « Excellente idée ! », lui répondis-je, pour l’encourager, souhaitant que ça le remettrait sur le « droit chemin ».
Puis, il y a ce que la loi appelle « le crime passionnel » perpétré par des personnes violentes, la plupart du temps, mais également par d’autres qui ne le sont pas et le sont devenues à cause de la maltraitance et/ou de la souffrance. Comme moi. La violence du geste est toujours à la hauteur de la douleur ressentie. Et certaines douleurs infligées de façon répétitives pendant de nombreuses années peuvent faire « disjoncter ». Si vous frappez un chien tous les jours, il y a de fortes chances qu’un matin, il vous saute à la gorge ou alors se laissera tuer. J’étais du style à sauter à gorge, quand la souffrance devenait insupportable (Cf. « Le syndrome de Tarzan » Béliveau éditeur). Ce qui n’est en aucun cas une excuse, mais une explication. Et plus le vide ressenti à l’intérieur est immense, plus le piège dans lequel vous tombez est profond et plus vous risquez de devenir violent ou de vous laisser maltraiter, jusqu’à vous suicider ou tuer. Tuer l’amant de sa conjointe ou tuer la conjointe qui veut partir relève de la dépendance affective produisant la dépendance émotive : il est inenvisageable qu’un rival puisse détourner ce qui revient de droit au meurtrier, ni qu’elle part loin de lui puisqu’elle est sa bouteille d’oxygène. Quant aux meurtres entre truands, vous comprendrez qu’ils relèvent du même raisonnement : une enfance épouvantable qui conduit à vouloir faire partie d’un groupe, d’une « famille » et le sentiment d’appartenance tellement souhaité est comblé dans une secte ou dans les différentes mafias, pour combler le vide immense qui les habite.
Vous comprenez maintenant pourquoi la dépendance affective (manque de confiance et d’estime) pousse dans de mauvais comportements souvent dominateurs (comme les crimes contre l’humanité) qui peuvent vous jeter en prison, pour toutes sortes de raisons.
*Jacques Mesrine, né le 28 décembre 1936 à Clichy et mort le 2 novembre 1979 à Paris, tué par la police en pleine rue, était un grand criminel français très connu à cette époque, ayant opéré principalement en France, au Québec, en Espagne, en Suisse, en Italie et en Belgique.