Contrat de fidélité

Les promesses faites à partir d’un élan amoureux qui ne parvient pas à s’exprimer complètement conduisent habituellement à l’échec parce qu’elles manquent de réalisme et de pertinence. En plus d’être inutiles pour atteindre les buts qu’elles poursuivent, ces promesses ont des effets pervers dévastateurs en invitant à l’inhibition, en suscitant l’angoisse, puis en poussant au mensonge et à la tromperie au moment où on ne parvient plus à les respecter.

En fait, ces promesses reposent la plupart du temps sur un autre mythe amoureux, celui du grand amour. Elles encadrent cette illusion par les mesquineries d’un contrat mal formulé qui mise avant tout sur le déni et l’inhibition. Le fait que les lois civiles, les tribunaux et les religions viennent appuyer cette imposture ne contribue en rien à la découverte d’une solution plus saine reposant sur le respect mutuel dans un partenariat égalitaire axé sur l’épanouissement de ses membres.

On pourrait penser à un “contrat de fidélité” comme on pense à un contrat de mariage. Il s’agirait essentiellement de profiter du moment où on veut vraiment investir dans la relation et en préserver l’intégrité à long terme pour préciser soigneusement les façons dont on compte y parvenir et les engagement qu’on entend prendre à cet égard. Lorsque la situation deviendrait moins facile, on pourrait alors plus facilement revenir à cet engagement pour guider nos choix ou pour décider qu’il est temps de négocier une nouvelle entente.

Pour que ce moyen soit efficace, il serait important que les deux partenaires soient réellement d’accord avec chacun des termes de l’entente. Ils devraient pour cela avoir le courage de vérifier vraiment leurs réactions à ces promesses et d’essayer au mieux de faire preuve de réalisme en supposant dès le départ que la “lune de miel” ne durera pas éternellement. Il faudrait tenir compte, en particulier, des infidélités “normales” dont il sera question dans la deuxième partie de cet article, celles qui sont inhérentes aux étapes de la vie adulte.

Si cette réflexion était faite avec lucidité, avec honnêteté et avec réalisme, elle permettrait aux partenaires d’établir les termes d’une entente claire capable de soutenir le développement du couple sur une longue période. Dans ces conditions, il s’agirait d’un outil puissant méritant d’être formulé par écrit afin qu’il soit possible d’y revenir pour le consulter ou le renégocier.

Pour que le contrat soit complet, il faudrait aussi qu’il définisse les conditions applicables lorsqu’un des partenaires souhaite une révision de l’entente. Le contrat devra certainement être renégocié un jour ou l’autre pour tenir compte de nouvelles situations imprévisibles au départ; il est possible d’encadrer ce réajustement crucial. Le fait de prévoir cette nécessité à l’avance et de préciser la façon dont il faudra procéder constituerait un gage de réalisme précieux.

Enfin, comme pour tous les contrats entre partenaires égaux, les clauses pénales devraient être explicites. Il s’agit de s’entendre sur les conséquences concrètes qu’aurait une rupture de la promesse. Plutôt que de laisser une personne blessée en décider arbitrairement et impulsivement à partir des émotions intenses qui l’envahissent, cette façon de procéder a l’avantage de pouvoir appliquer des sanctions justes sur lesquelles les deux personnes concernées ont réussi à s’entendre dans un effort de lucidité et d’équité.

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