De plus en plus de managers se font « prescrire » du coaching lors d’un changement de poste, notamment pour la prise de fonctions jugées délicates. Il ne s’agit pas d’une thérapie, mais d’abord d’une marque de reconnaissance dont les cadres sont friands de la part de leur hiérarchie. Ensuite d’un outil de management censé apporter sérénité et maturité professionnelles. Le coaching rassure les cadres, de plus en plus demandeurs d’un soutien personnalisé, sans qu’il soit toujours possible d’en mesurer l’efficacité immédiate.
Le coaching, un outil qui a su se rendre indispensable
[ 02/09/08 Les Echos ]
Manager depuis plusieurs années au sein de la direction courrier du groupe La Poste dans la région lyonnaise, Daniel Dubost se voit proposer il y a deux ans un nouveau poste de responsabilité à fort périmètre : 9 établissements et 800 collaborateurs à gérer. Ravi de la promotion mais conscient de la difficulté de ce nouveau défi, il accepte, sans hésiter, la prestation de coaching – une « première » pour lui – que lui propose sa hiérarchie. Pendant six mois, à raison de deux heures tous les 15 jours, Daniel Dubost va ainsi disséquer avec un coach choisi par ses soins (d’après une liste fournie par la DRH) les fondamentaux de sa pratique managériale. « C’était un signe fort de reconnaissance de la part de ma hiérarchie, mais cette expérience a surtout été une véritable révélation. A la fois une prise de recul mais aussi de hauteur par rapport à mon management au quotidien. J’ai pris conscience de la nécessité de mieux gérer mes émotions, de ne pas surréagir aux événements qui ponctuent mon quotidien, de ne pas vouloir à tout prix tout maîtriser. Aujourd’hui, j’en récolte les bienfaits. Je me sens plus à l’aise dans mon management, mes équipes aussi… »
« Les faire grandir »
Importé des Etats-Unis au cours des années 1990, surfant sur la vague du développement personnel, le coaching fait aujourd’hui partie intégrante de la palette des aides apportées aux managers. Phénomène de mode à ses débuts, la pratique témoigne aujourd’hui d’un changement fondamental de culture. Mondialisation oblige, on ne demande plus exclusivement aux managers de reproduire des schémas conventionnels mais bel et bien de faire preuve de créativité, d’ouverture et d’adaptabilité. « Le coaching n’a pas la prétention de se substituer à la formation et au conseil, analyse le coach Frédéric Adida, président de l’institut Assaté. Nous avons pour mission principale d’optimiser les compétences des managers et de valoriser leurs ressources personnelles. En quelque sorte, de les faire grandir professionnellement. » Soucieuses de renforcer le professionnalisme de leurs collaborateurs, la plupart des grandes entreprises privées (mais aussi de plus en plus publiques) plébiscitent donc le coaching individuel qu’elles réservent toutefois à leur encadrement supérieur ou à leurs hauts potentiels en raison notamment de son coût (8.000 à 10.000 euros en moyenne).
Vice-président ressources humaines d’une des divisions de Thales, Armand Sohet « commande » des coachings afin, souligne-t-il, « de diminuer les risques d’échec et de mettre en avant le potentiel des collaborateurs. Cette démarche s’inscrit également dans une politique de fidélisation et de gestion des talents. »
Coachs et DRH reconnaissent que, face à la complexité de leur métier et à la pression de leur environnement, les managers expriment bien souvent le besoin de recevoir une aide régulière pour trouver des réponses opérationnelles aux questions qu’ils se posent. Exemples : comment trouver le bon positionnement entre autorité, animation et négociation pour mobiliser et entraîner des collaborateurs ? Comment distinguer ce qui ressort du stratégique, du pilotage et de l’opérationnel et donc se donner des priorités et mieux gérer son temps ? « L’expérience montre que les systèmes RH, aussi développés soient-ils, n’apportent pas toutes les réponses qu’un salarié attend lors d’une prise de poste », reconnaît Armand Sohet.
« Besoin d’un effet miroir »
« Qu’on ne s’y trompe pas, pointe Yves Desjacques, DRH du groupe Casino. Dans le coaching, c’est tout sauf une thérapie qui est recherché. Le coaché a besoin d’un effet miroir, de conseils personnalisés pour savoir comment – mieux – gérer les trois piliers du manager que sont son équipe, son n+1 et ses pairs. Comment communiquer sur son action, ne pas jouer «perso», gérer le stress inévitable attaché à tout poste à responsabilités, partager les succès. Le coaching permet de gagner un temps considérable dans la juste appréhension d’un poste devenu plus complexe. » Parmi les demandes de coaching les plus fréquentes figure le passage du statut de collègue à celui de n+1. « Il faut gérer et éviter deux attitudes opposées mais tout aussi néfastes : «Nous avons toujours été amis et rien ne change» et «Soyez aimables désormais de me vouvoyer» », poursuit Yves Desjacques. A l’image de Paul, directeur logistique depuis un an au sein d’un grand groupe de distribution français après en avoir été le n° 2 pendant quatre ans. « Mon DRH m’a prescrit un coaching, car il estimait que cette promotion était de nature à me déstabiliser tant par rapport à mes anciens collègues que par rapport à mes nouveaux pairs, les autres directeurs. »
« Lorsqu’on accède à un statut managérial conséquent, les défis qui peuvent se présenter sont nombreux : décodage des modes de relation d’un comité exécutif, passage d’un mode manager à un mode leader… », reconnaît Armand Sohet. Aujourd’hui directeur marketing chez Pathé Promotion, Florian Genetet-Morel raconte qu’il y a quelques années, à la suite de son arrivée dans une ancienne structure pour encadrer une équipe plus étoffée que celle qu’il animait alors, il avait obtenu un coaching. « Mon problème principal reposait sur ma difficulté à prendre des décisions. Mon coach m’a décomplexé par rapport à cette problématique en m’apprenant, à travers des jeux de rôles et de mise en situation, qu’à tout prendre, il était plus pertinent de prendre une décision, fût-elle mauvaise, que de ne pas en prendre du tout. Il m’a aussi appris – même si cela semble aller de soi – que le meilleur style de management était celui qui vous est propre. »
Si bon nombre de coachs et de DRH estiment que le coaching doit s’inscrire dans le déroulement naturel d’un parcours professionnel, il n’est pas rare que des coachings d’urgence soient requis pour des collaborateurs en difficulté. Ainsi chez Regus (centre d’affaires, salles de réunion), Pierre-Olivier Landry, le DRH Emea (Europe, Moyen-Orient, Afrique) a-t-il fait appel, au cours de l’année, à deux coachs différents pour accompagner deux managers en mauvaise posture professionnelle. « L’un n’arrivait pas à faire face à ses nouvelles responsabilités. L’autre ne savait pas dire non à ses multiples sollicitations. Le coaching les a aidés à se repositionner, à structurer leur réflexion, à leur donner les clefs nécessaires pour poursuivre leur mission. »
Selon les coachs, et les coachés eux-mêmes, ce type d’accompagnement a pour principal mérite de « libérer la parole ». « Derrière une demande de coaching se dissimule toujours une autre demande, parfois inconsciente », explique le coach Thierry Chavel (Alter et Coach), co-auteur avec Frank Bournois et Alain Filleron de l’ouvrage « Le Grand Livre du coaching » (2008, Eyrolles). « Il s’agit bien souvent d’une désensibilisation à ses angoisses ou de la difficile acceptation de ses propres limites. Fondamentalement, nous devons nous attaquer à deux interrogations majeures des cadres, qui sont celles de tout être humain : les peurs et les désirs », pointe Pascale Reinhardt, vice-présidente de la Société française de coaching (SFC), qui regroupe 500 professionnels en France.
« Un sas de décompression »
Désormais intégrée dans le parcours managérial des collaborateurs à potentiel, la véritable évaluation des résultats du coaching demeure difficile : utilité, retour sur investissement, que se serait-il passé s’il n’avait pas eu lieu ? « Inviter les managers à se poser les questions les plus pertinentes sur leurs pratiques et la façon dont ils procèdent pour y parvenir doit être considéré comme un résultat positif en soi », estime Luc Jacquet, responsable de l’« Université de la transformation » (formation intra-entreprises sur mesure) chez Capgemini. « Nous accompagnons des collaborateurs en phase de changement sur une période donnée et ce jusqu’à l’atteinte des objectifs fixés en amont entre le coach et le client. En aucune manière il ne faut créer de dépendance », avertit Pascale Reinhardt. Même credo pour Gildas Delon, DRH de Marionnaud France, qui considère qu’on ne peut banaliser le coaching : « Cette prestation, aussi utile soit-elle, n’a rien d’une commodité. Cela doit rester du luxe, du sur-mesure… Le coaching doit être un sas de décompression, une respiration pour le cadre dans un contexte où l’on exige beaucoup de lui. » Une écoute avisée mais surtout individualisée, à l’heure où tant de relations dans l’entreprise sont marquées par une forte dépersonnalisation.