Changer, c’est voir autrement
Changer de travail, changer de maison, de partenaire, de pays demande courage, persévérance et beaucoup de force de caractère. Le changement peut faire peur, causer de l’insécurité, des questionnements : Le futur sera-t-il meilleur que le présent ? Changer est parfois indéniablement nécessaire. Cependant, dans 80% des cas, porter un regard différent sur la situation peut nous contenter. Cessons donc de voir l’herbe plus verte chez le voisin, de nous culpabiliser avec des il faudrait ou j’aurais dû, de nous morfondre avec des quand les enfants seront grands comme si d’un autre dépendait notre liberté ou notre bonheur.
Sommes-nous conscient d’être quotidiennement bombardés d’injonctions qui nous amènent à percevoir un décalage entre ce que nous vivons (la réalité) et un monde idéalisé. Le bonheur serait-il la plus grande supercherie de notre siècle ? Le mariage, les enfants, les loisirs, la maison, la vie saine, l’écologie, la réussite sociale, professionnelle, la spiritualité. Tous ces modèles nous enjoignent à performer 24h/24. Avec nos employés, patrons, collègues, amis, enfants et partenaires amoureux. La tyrannie de l’excellence serait, à l’excès, la résultante des sociétés dans lesquelles nous évoluons générant sentiment d’infériorité, d’impuissance, frustrations, colères ou dépressions. Problèmes que nous allons colmater en consommant drogues, calmants, fringues, jeux, sexe ou toute autre forme d’addiction ou de dépendance affective.
Voici le décor posé. Celui dans lequel vit Jérôme (*prénom fictif), 43 ans, marié, deux enfants de 8 et 10 ans, jolie maison, un bon poste d’attaché commercial dans la lunetterie, au moment où il vient me voir avec cette demande : ma femme vient de m’annoncer qu’elle ne m’aime plus, je sens qu’elle se distancie de moi. J’ai peur de tout perdre. Qu’est-ce que je peux faire ?
Il aimerait changer de travail, mais il n’ose pas. Le marché est tendu et il a un crédit sur la maison. Il se reproche de ne pas avoir écouté son intuition quand il a choisi sa carrière. Il voulait être journaliste. Il a choisi le commerce, plus rentable à l’époque.
Sa demande est double. Trouver un travail dans lequel il puisse vraiment s’épanouir et retrouver une intimité avec son épouse. En effet, les échanges corporels se sont raréfiés au fil du temps, au point que Jérôme, s’est trouvé une maîtresse au travail. Il rentre souvent tard chez lui, juste le temps de dîner, voir le téléjournal et dire bonne nuit à ses enfants. L’épouse lui reproche son manque de disponibilité. Elle gère la maison, les enfants, les paiements et n’a plus pris le temps d’entretenir sa féminité. Sa garde-robe est passée de mode. Elle ne se maquille qu’en de très rares occasions. Jérôme voit en elle la mère de ses enfants, plus la femme qu’il a connue à 25 ans.
Dès le premier entretien, il aborde la notion d’insécurité, de manque de confiance en lui, qui l’empêche d’entreprendre de nouvelles démarches et qui l’a mené à se laisser porter par les événements, plutôt que d’agir.
Qu’y a-t-il à changer ?
Lorsqu’il est question de changement, nous envisageons souvent les choses sous l’angle matériel. Changer nos conditions de vie, le contexte, les partenaires. Quand bien même ces ruptures mobilisent en nous des ressources, elles sont génératrices de stress. Il est des changements moins visibles qui peuvent modifier une vie en profondeur. Une existence qui sonne enfin juste avec nos valeurs, nos croyances, plus proche de nos besoins, de nos envies.
Ces périodes de mutation intérieure sont sources de joie et de libération. Elles n’en demandent pas moins de bravoure et d’authenticité. Faire tomber les masques et les identifications que nous nous sommes construits durant des années pour coller à l’idée de la personnalité que nous croyons devoir être, pour nous conformer à un moule, un comportement normé par la société, une injonction parentale, une exigence démesurée, est une vraie mise à nue.
Changer son regard sur les peurs
Jérôme va apprendre à se désencombrer de ses peurs. Nous les identifions, les nommons, les relativisons pour finalement les dissoudre. Puisque la peur n’est qu’une idée à propos d’une chose comprend très vite Jérôme. Cette idée (par exemple, je risque de lui déplaire) est une simple pensée qui se projette sur un futur hypothétique (elle n’aime pas) et qui enclenche une série de pensées en cascades, entraînant une avalanche d’émotions : Elle n’aime pas – elle ne me trouve pas assez bien – elle va me critiquer – je vais me sentir ridiculisé et rejeté – je ressens de la honte, le sentiment de rejet – j’ai une boule au ventre – je me sens pétrifié – je ne bouge plus – je n’essaie même pas – je m’en veux d’être craintif – je me trouve nul – mon estime de moi est au plus bas – il est trop tard maintenant pour l’appeler – c’est absurde – j’aurais pas dû attendre – pourquoi je l’ai pas fait, etc… à l’infini.
Un cercle vicieux qui tourne en boucle dans le mental absorbe beaucoup d’énergie et inhibe l’action.
Dès la troisième séance, nous abordons la façon dont s’exprime Jérôme. Comment il pose sa voix, son langage corporel et les stratégies qu’il utilise pour obtenir ce qu’il veut (la plupart du temps sans résultat probant).
Jérôme va découvrir comment il peut varier sa posture vocale, la faire descendre dans son bas ventre, là où se logent les désirs et la puissance d’action. Comment il peut ralentir son débit verbal quand il aborde un sujet qui le gêne et choisir un ton chaleureux et confiant.
Ses premiers succès sont visibles et mesurables. Il décroche de nouveaux clients, obtient la reconnaissance de son chef, se fait mieux respecter de ses enfants. Son épouse est sensible à cette modification, mais reste dans l’observation.
Quels changements se sont opérés ?
Jérôme en évacuant ses peurs gère mieux ses émotions. En restaurant son estime de lui, il anticipe moins les réactions des autres, ne cherche plus à contrôler son entourage par des moyens détournés (manipulation, chantage émotionnel). En prenant conscience de ses besoins, il formule plus clairement ses demandes et devient de plus en plus autonome. Une maturité affective s’installe, Jérôme « grandit ». Son regard est plus franc, il dégage plus de charisme et gagne en assurance.
Sa maîtresse a quitté l’entreprise. Il a décidé de ne pas poursuivre cette relation extraconjugale et d’enterrer cette escapade.
Jérôme est bien décidé à donner un nouveau souffle à son couple. Pour cela, il me demande un accompagnement tantrique pour découvrir l’art du toucher et de la caresse.
Il n’est pas à l’aise avec le contact physique. Sa mère d’origine allemande était peu encline au contact corporel.
Jérôme s’est forgé une sexualité basée sur la croyance qu’un homme doit donner du plaisir à la femme par des caresses et des préliminaires et être toujours « prêt ». Par le massage tantra, il va découvrir qu’il peut recevoir sans chercher à donner en retour.
Nous démantelons tout un système de croyances erronées à propos des relations hommes-femmes. Héritage familial et culturel dont Jérôme va symboliquement se défaire en rédigeant une lettre à brûler. Ce rituel lui permet de purifier le lien qu’il avait avec sa mère.
Sa vision de l’amour était biaisée et il s’était peu à peu désinvesti de son rôle de père.
Changements au sein du couple
Jérôme a choisi l’humour et la surprise pour retrouver une place juste dans sa famille et particulièrement auprès de son épouse. Il lui a offert une semaine de thalasso pendant laquelle il s’est occupé seul des enfants. Il a convié une baby-sitter pour sortir une fois par semaine en couple. Une soirée est désormais consacrée au hobby de son épouse (la salsa) et une autre dont il profite avec ses amis ou au club d’aviron.
Madame est plus souriante que d’habitude, mais garde de profondes traces d’amertume des années de solitudes à élever ses enfants dans l’abnégation d’elle-même.
Jérôme termine l’initiation au massage tantra en ayant intégré la notion d’ancrage. Alors qu’il pensait devoir travailler sa féminité, sa sensibilité, il a compris comment réaffirmer sa masculinité et la mettre non pas au service de l’assouvissement de son appétit sexuel, mais pour créer un espace de sécurité bienveillant pour accueillir la femme qu’est son épouse.
Il lui faudra quelques séances pour développer sa sensualité (libérer et canaliser son énergie sexuelle) et la mettre au service du cœur. Jérôme a pris l’habitude d’écrire chaque jour un message d’amour à sa femme. Un sms, un message sur son répondeur, une lettre sur un beau papier, des mots choisis qui semblent toucher la corde sensible de Madame. Elle se laisse peu à peu apprivoiser.
Après trois mois et demi, Jérôme se dit satisfait de cet accompagnement. Les changements qu’il a opérés n’ont pas bousculé totalement sa vie (comme il le redoutait), mais lui ont permis de remettre de l’ordre. A l’intérieur de sa tête, il y a plus de clarté, moins de déceptions et beaucoup moins d’angoisses. Sa vie est mieux organisée. Il a équilibré son temps professionnel, familial et privé. Il a développé une nouvelle complicité avec ses fils et se sent à sa place. Sa femme se dit prête quant à elle à entreprendre une thérapie pour guérir de « certaines blessures ». Il la sent encore vulnérable et pas complètement ouverte, mais elle apprécie les massages qu’il lui prodigue qui se terminent assez souvent par des chatouilles sous la couette.
Changer notre regard, nos croyances, nos préjugés. Modifier notre comportement, notre façon de penser pour être plus proche des ressentis et de l’action. Se réapproprier nos sens et goûter plus souvent aux plaisirs simples de la vie ne sont-ils pas déjà d’assez grands changements ?
Vous voulez vraiment changer votre vie ?
Anne-Catherine Pozza
Guide de l’amour
Anne-Catherine Pozza est coach et formatrice dans le domaine des relations amoureuses. Depuis 2004, à Genève, elle accompagne les transitions personnelles et professionnelles en aidant les personnes à développer leur capacité à écouter, s’exprimer et toucher. www.orchydia.ch