J’ai vu le docteur hier, prozac, Lexomil et somnifère, rien n’y fait je ne peux pas dormir, je suis en train de passer un cap, je ne sais pas lequel, mais je le sais. Je ne sais pas où cela va me mener, soit c’est bien, soit c’est mauvais pour moi ; mais je ne me sens pas bien et bien en même temps, c’est une sensation bizarre.
Au lieu de préparer mon dossier pour faire un bilan de compétences, j’écris mon histoire.
J’ai des problèmes au bureau, grave problème, on me détruit, on me fait subir du harcèlement moral, on me fait subir de la discrimination au niveau professionnelle, je me sens sali, redescendu au plus bas de l’échelle, tout ça pour pouvoir payer mon loyer, nourrir mes enfants, survivre. Je vous déteste. Mais je m’en fou, j’écris mon histoire.
Je me souviens quand ma mère se préparait pour aller chez mon Papa, je ne comprenais pas, elle l’avait tout fait pour qu’il quitte la maison, mais par contre il lui arrivait de partir après son travail, chez mon père ! Quand on est petite, on ne comprend pas et j’avais compris, en fait elle allait chez lui pour coucher avec lui. Je le sais parce qu’elle prenait son bain, je devais lui frotter le dos, en même temps, elle se rasait partout. Un jour, moi aussi j’ai décidé de faire comme elle, je n’aimais pas mon corps, vous vous rappelez quand ma mère m’avait fait honte, parce que je me suis montrée nu, et bien depuis ce jour je me détestais, j’ai fait comme elle, cela faisait mal, mais j’étais redevenue petite fille. Le pire, c’est quand j’ai perdu du sang la première fois, panique, j’avais cru que je m’étais blessée à force de me raser, en plus la première fois j’étais à l’école, je me souviens avoir pleuré, pleurer. J’avais peur, peur de me faire disputer, je ne savais pas. Une des maitresses, ma maitresse Mme PLACET, qu’elle femme formidable, elle habitait à la rue des rabats, je l’avais suivi un soir, dommage elle n’avait pas d’enfant, comme j’aurais voulu être sa fille, elle me faisait des câlins, elle avait compris que j’étais en train de devenir une femme, elle m’a emmenée à l’infirmerie de l’école primaire Jules Ferry à Antony, à cette époque filles et garçons on était séparé,
En rentrant à la maison, j’ai couru pour l’annoncer à ma mère, j’ai eu une gifle, je n’avais pas compris pourquoi elle l’avait fait ça, en fait elle avait honte envers les maitresses. Elle m’a dit que c’était honteux, que personne ne devait savoir, cela ne se dit pas. Depuis ce jour, j’avais honte, honte de devenir adulte. Je ne vous dis pas quand je me rasais et que je perdais du sang, cela me brulait beaucoup, mais le pire c’est que je n’avais rien pour mettre dans ma culotte, je n’avais pas de serviette comme ma maitresse m’avait donnée, je ne savais pas comment faire, il ne fallait surtout pas que ma mère le sache, alors je prenais tous ce que je trouvais, ce qui pouvais faire office de serviette, des gants de toilette, des serviettes que je coupais, il fallait que cela dure jusqu’au soir. Toute la journée, je me sentais sale, je n’osais pas aller faire pipi, cela me brulait trop, en plus cela puait le sang séché, c’était dégueulasse.
Quelle épreuve pour une enfant.
Et doucement, je devenais une femme, une belle femme, j’en jouais d’ailleurs, un sourire par ci, un sourire par là. Une gifle, du piment ce n’était pas grave, j’avais pris l’habitude. C’était normal. Un jour ma mère m’avait tapée je ne sais plus pourquoi, et elle m’a dit ton père c’est avec moi qu’il va faire l’amour, je ne me rappelle plus pourquoi, elle m’avait dit cela, je me souviens lui avoir dit « mais maman un papa ça ne couche pas avec sa fille, pourquoi tu me dis cela » et j’ai pleuré parce que je trouvais que c’était méchant, mon papa je l’aimais comme une fille aime son père, pas comme maman.
Je n’allais plus au marché le dimanche, je restais à la maison, je faisais le ménage, la lessive, la lessive dehors, on avait un gros bidon, immense, papa avait fait installer une grande citerne, quand il pleuvait on récupérait l’eau, pas bête mon papa déjà à l’époque.
Je prenais deux bassines une avec du savon, les gros savons de Marseille, et une pour rincer le linge, pied nus sur du ciment été comme hiver. Je frottais le linge sept enfants imaginez le linge. Mais c’est un détail. Un beau jour un de mes frère c’est approché de moi et il m’a touché la poitrine, j’ai été surprise, mais je n’ai rien dit à partir de ce jour, chaque fois que ma mère s’en allait, mon frère se mettait à me tripoter, mais je ne savais pas pourquoi, je ne savais pas si je devais le dire à ma mère, j’avais peur, peur de ce qu’elle pourrait me dire, elle m’aurait prise pour une menteuse, j’avais honte, honte de ce que mon frère me faisait, ensuite il allait prendre sa douche, mais jusqu’où sommes-nous allés je ne le sais pas, je ne le saurais jamais. Le plus terrible, c’est que je ne me rappelle pas lequel de mes frères, K’elafo ou bé touche. J’ai toujours eu un doute, c’était K’elafo comme je le détestais, je voulais le tuer. J’avais un secret que seul mon frère et moi partagions. Quand ma mère me disait je vais sortir, je la suppliais de m’emmener. Elle ne voulait pas, elle me disait que j’étais moche et qu’elle était plus belle que moi, je lui répondais mais « maman, tu es belle, je suis ta fille, je te ressemble, pourquoi tu me dis que je suis moche » Elle me comparait à elle, j’attirais les regards, je lui faisais de l’ombre, ma mère comme je regrettais que tu penses cela. Tu n’arrêtais pas de me dire ce mot, ce mot méchant « tu es une putain » pourquoi me dire ce mot tu le disais tout le temps, alors quand on sortait ensemble, je baissais les yeux, je commençais à me fermer sur moi, je ne voulais pas que tu m’insultes j’étais ta fille. Une putain, et si elle avait raison, je me laissais tripoter par mon frère, pourquoi je le laissais faire, c’est vrai j’étais devenu une putain à mes yeux, et peut-être que ma mère s’en était aperçue. Et elle savait, puisque c’était ma mère.
On grandissait tous, je passe des années, je sais plus si j’avais vécu des choses aussi atroces. Un jour, je me rappelle tu avais fait venir ta sœur Dahlia, non c’est une fleur, c’est joli un dahlias (sourire) elle était trop moche, elle ressemblait à Fernandel en femme. Depuis sa venue j’avais perdu ma mère, elle m’avait remplacée par sa sœur, je n’allais plus au marché, faire des courses, je n’étais que la servante de ces deux sœurs. Je la trouvais moche, elle avait pris ma maman, même si elle était méchante, c’était ma mère, je l’aimais, et je faisais tout pour qu’elle puisse m’aimer un jour, comme ma sœur Saliha.
Ma mère nous avait raconté qu’un jour ma tante (non) disons d’Adi c’est moche et cela lui va bien. Un jour, mon père était passé à la maison, ma mère était partie travaillée, seule avec d’Adi, l’autre n’avait pas de culotte et mon père l’aurait violée, c’est glop, non, étais-ce une invention ou vrai. A ce moment-là je les détestais tous. C’était dégueulasse. Cela me rappelais ce que l’un de mes frères me faisait.
Ma mère avait trouvé un studio pour protéger sa sœur, elle lui avait trouvé un travail, parce que ma mère connaissait beaucoup de monde. Tout le monde l’aimait bien ma mère. Si seulement vous saviez ce qu’elle me faisait mais c’était notre secret, personne ne savait qu’elle me battait, me souillait, qu’elle m’avait volée mon enfance. L’apparence, c’était ce qui l’obsédait. Que les gens disent d’elle qu’elle avait du mérite d’élever sept enfants, une bonne mère, mais si vous saviez pauvres gens c’était moi, moi la servante, la bonne, la maman de mes frères et sœurs je méritais les compliments, ce n’étais pas grâce à elle que mes frères et sœur étaient propres, c’était mes petites mains qui frottaient le linge, j’avais des mains de vieilles abimées par le froid, toujours les mains mouillées. C’était pour moi les compliments, elle ne le disait pas.
Un jour, une fête à la mairie, une remise de médaille pour elle et bien d’autres personnes, la médaille du mérite, de la bonne mère de famille. Vous pensez bien que je lui ai volée cette médaille elle était à moi, je l’ai toujours dans un tiroir. Ce n’était pas pour elle, menteuse, j’ai été leur maman. Une enfant qui se prenait pour une maman.
J’allais oublier, une fois sa sœur installée, il m’arrivait d’aller dormir chez elle, dans son studio, je détestais les fois où j’allais dormir chez elle, un grand lit, je dormais dans le même lit qu’elle, je me rappelle elle avait des verrues, sur une des jambes ça me dégoutais. Quand on dormait ensemble elle me tripotait la poitrine, je sais plus mais c’était horrible. Là encore je ne sais pas ce qui se passait, jusqu’où sommes-nous allées. Que m’a-t-elle fait ? Mais je sais que toute ma vie jusqu’à aujourd’hui je la déteste, elle doit-être vieille, et très moche, ou alors est-elle morte je ne le sais pas. Mais je sais qu’elle m’a volée ma maman, et qu’elle avait abusé de moi. L’avait-elle fait à mes autres sœurs. Eh bien oui, elles me l’on dit, qu’elle merde, j’ai rien fait, j’ai laissé faire, surtout ma petite sœur, pardon, pardon de ne pas t’avoir défendue je pensais être la seule.
Je ne vous ai pas parlé de ma petite sœur, j’y reviendrais plus tard, c’était mon bébé, ma fille, mais plus tard en 1975, nous n’en sommes pas encore là. A toute petite sœur. Cela me rappelle une chanson.
Après sa sœur, ce fut ces frères qui venaient à la maison, elle s’occupait que de sa famille, elle leur donnait notre argent, que notre père nous laissait pour manger, s’habiller, ce n’était pas normal, je rageais de les voir profiter de notre argent. Surtout moi, quand elle allait faire des achats avec sa sœur chez Tati, les sacs roses. Tati c’est marrant, tu existes toujours, je me souviens avoir eu honte que ma mère nous habillait chez Tati, le magasin des pauvres, à l’époque c’est fou comme je me souviens. Mais à chaque fois quand elle revenait, on allait tous dans la salle à manger, et elle déballait les vêtements, elle faisait la distribution, mais c’était bizarre, moi il y avait jamais ma taille, je la croyais, j’étais trop triste de voir que je n’avais rien, toujours de vieux vêtements récupérés à droite à gauche, jamais un vêtement neuf. Mais je la croyais. Jusqu’au jour où je suis allée avec elle chez Tati, il y avait ma taille, mais elle ne voulait pas me faire de cadeau, comme à mes frères et sœur. Elle me disait je n’ai plus d’argent, la prochaine fois. Naïve j’y croyais la prochaine fois…
Je vais sauter des années, j’y reviendrais surement.
Ma grande sœur Saliha comme tu étais belle, rayonnante, tu avais changé une belle femme, malgré ta souffrance, tu avais l’air d’avoir trouvé la paix. Je me souviens d’un jour, ou tu étais venu à la maison, les bras chargés de cadeaux et gâteaux, tu étais belle ma sœur, j’étais trop contente de te voir, je me disais un jour je serais comme toi. J’avais le droit de croire qu’un jour moi aussi je serais heureuse. Tu es venu, nous annoncer que tu allais te marier avec Michel, que tu étais devenu catholique, normal tu avais été élevé chez les Sœurs, tu avais trouvé la paix. Que Dieu te garde ma sœur, moi aussi je commençais à parler à Dieu, je lui demandais de me faire la même chose que toi, qu’il m’aime, comme il t’aime.
D’ailleurs, je me suis réfugiée dans une église, une église qui sentait bon le bois, une odeur de paix, j’y allais souvent, ce qui me parait bizarre aujourd’hui, c’était que ma maitresse Madame PLACET n’habitait pas loin, c’est drôle, l’église c’était ma maison, il m’arrivait, je vous jure de m’allonger sur un des bancs et je pensais à Dieu. Je lui parlais de ma vie, je lui demandais pourquoi, j’étais si malheureuse, pourquoi ma mère ne m’aimait pas, pourquoi tous les gens aimaient ma mère. POURQUOI ?
Ma sœur s’appelle Geneviève aujourd’hui, à l’époque cela m’avait intriguée. Dieu, qui était-il, pourquoi n’ai-je jamais entendu parler de toi à la maison, qui étais-tu ? Pourquoi tu me laissais souffrir, moi, alors que tu avais donné la lumière à ma sœur. Ma sœur était un peu triste, parce que la famille de Michel, ne voulait pas de nous (les étrangers) au mariage.
Bizarre, je ne comprenais pas ce que cela voulait dire, jusqu’au jour, ou une voiture rouge s’était mise à ma hauteur et un homme qui je ne sais pas pourquoi m’avait insulté de sale bougnoul, que je mangeais le pain des français, c’était quoi ça, je l’interrogeais mais pourquoi vous me dites ces méchancetés, je ne suis pas un bougnoul, je ne savais même pas ce que voulait dire ce mot. Je ne sais plus qu’elle âge j’avais mais je crois quinze ans, seule ma sœur pourrait me le dire. Et, là tout a commencé.
J’ai commencé à me révolter, je ne laissais plus ma mère me mettre du piment, je me souviens lui avoir pris la main avec une rage et je lui ai dit NON ! Plus jamais tu ne me toucheras ou je te tue. J’ai commencé à sortir avec des copines, j’ai commencé à me maquiller en cachette, j’étais trop belle. Je cachais des vêtements dehors et avant d’aller au lycée rue Lafontaine à Sceaux, je me changeais, je m’habillais comme mes copines, ma mère n’y voyait rien, enfin je croyais. Jusqu’au jour où j’ai voulu rentré et me changer je ne trouvais plus les vêtements, catastrophe, elle m’avait surprise. Comment j’allais faire, j’avais ma cachette, mon maquillage, mes bouteilles, à les bouteilles. Mon Papa travaillait dans une usine, place d’Italie, rue auguste Blanqui, c’est trop fort je me souviens. Il nous ramenait des bouteilles de coca, limonade, de la bière, oui ma mère aimait la bière, d’ailleurs j’adore la bière, je reviens aux bouteilles. Avec mes frères on les prenait et on allait chez Spart une petite épicerie, qui nous prenait les bouteilles (on appelait consigne) avec l’argent je pouvais m’acheter des serviettes hygiéniques, des collants et bien sûr du maquillage, pas tout parce que je me souviens que ma grande sœur Geneviève me donnait ses vêtements, et ses fonds de maquillage, elle était trop gentille, grâce à elle je pouvais être à la mode trop cool ma sœur. J’en passais du temps à me faire belle, j’aimais bien quand les hommes me regardaient, j’étais aussi belle que ma mère, la rage pour elle. Elle ne pouvait plus rien faire, je n’acceptais plus, je m’étais enfin réveillée, alors je sortais, je rentrais tard au petit matin, je passais par une trappe, la trappe ou on mettait le charbon. Et je dormais.
Au petit matin, ma mère descendait dans la cave, elle me battait, m’insultait de son mot putain, j’étais une putain, et oui, maman, tu me l’avais tellement dit que je le suis devenue, mais attention ne vous y trompe pas, le mot c’est tout.
J’aimerais continuer à écrire, mais il est bientôt huit heures, je dois interrompre, c’est dommage.
Je suis censée être en vacances, alors je dois m’occuper de ma fille de onze ans, hier nous sommes allées au cinéma et nous avons fait quelques achats, rien avoir avec mon histoire je sais
Bonne journée à toi mon ami