ROBERT ERINGER : JE BOIS, DONC JE SUIS…

Robert Eringer convoque Oscar Wilde, Ernest Hemingway et Friedrich Nietzsche autour d’un verre de Fernet Branca !

Robert Eringer abandonne son site Internet pour ouvrir un café dans sa bonne ville de Santa-Barbara en Californie. Il se consacre désormais tout entier à sa passion : l’alcool. A l’âge du temps qui fuit, il se prend pour Faust et passe un pacte avec le diable pour retrouver les plaisirs terrestres et sa jeunesse – il commença sa carrière comme tenancier de bar à Londres-. Ses diables à lui s’appellent whisky, bière et gin sans tonic. Pour son âme, le pacte est sans risque, il l’a vendue depuis bien longtemps… Restent les Gamma-GT !

Pour ne pas passer pour un illustre abruti, un patron de bar provincial rempli de beaufs, caractéristiques de l’Amérique profonde, s’essayant au karaoké, Robert Eringer poétise. Il convoque les illustres auteurs comme si son penchant pour l’alcool faisait de lui l’égal d’un écrivain tel qu’Hemingway ou d’un philosophe aussi brillant que Nietzsche. Mais la culture de Robert Eringer s’arrête aux portes de son désert et lorsque l’eunuque de la pensée disserte sur les maîtres à penser le lecteur/buveur est pris de nausée devant le vide intersidéral.

Les fleurs du mal

Pour écrire sur les vertus de l’absinthe, Robert Eringer aurait pu citer Verlaine ou Baudelaire : « mes songes viennent en foule pour se désaltérer à ces gouffres amers »… Ou bien encore Rimbaud mais sans doute confond-il « Une saison en enfer » avec un film de Rambo… Pour son ode à ce breuvage, il a curieusement préféré cette phrase d’Oscar Wilde : « après un verre d’absinthe vous voyez les choses telles que vous aimeriez les voir. Après le second, vous les voyez comme elles ne sont pas. Finalement vous les voyez comme elles sont vraiment et c’est la plus horrible des choses au monde. » C’est probablement la seule citation qu’il ait trouvée sur un site sponsorisé par la ligue des Alcooliques Anonymes. De l’importance d’être constant…

Ainsi parlait Zarathoustra

Mais le sublime est atteint lorsque Robert Eringer s’essaye à Nietzsche. L’élévation de l’homme, la puissance créatrice, la morale, surtout la morale sont des notions inaccessibles à ce tenancier de bar plus adepte de la pensée coca-cola/budweiser que de l’étude des sentiments humains. Le buveur le plus célèbre de Santa Barbara expédie Nietzche en dix phrases, dix courtes phrases dans lesquelles il résume de manière tabloïde trash la vie du philosophe : bordel, syphilis, folie, haschisch, asile d’aliénés, médiocrité de l’homme. Voilà pour le côté sombre, quant au côté lumière ? Eringer ne l’a pas vu. « Plus nous nous élevons et plus nous paraissons petit à ceux qui ne savent pas voler.» écrivait Friedrich Nietzsche.

Le vieil homme et l’alcool…

Ernest Hemingway, lui, est baclé en sept phrases. La culture du lecteur/buveur s’enrichit en apprenant que l’écrivain n’a pas inventé le bloody Mary, qu’il préférait le martini sec et qu’il était plus à l’aise sur un tabouret de bar que partout ailleurs. Les deux guerres mondiales, celle d’Espagne, ne comptent pas…  En revanche, son séjour à Cuba est mentionné pour donner une information de la plus haute importance et cesser la désinformation autour d’un mythe : non, le mojito n’était pas la boisson préférée d’Ernest Hemingway.

Entre deux portraits d’écrivains, le tenancier de bar, se livre à un exercice qu’il maitrise beaucoup mieux : la célébration du Fernet Branca et des nains de jardins. Cette prolifération de gnomes à l’intérieur du bar n’a rien de surréaliste elle est à l’image de l’homme qui vénère le whisky pour une de ses principales vertus. En effet, selon lui : « boire de un à six verres de whisky dans  la semaine protège des risques de démence sénile. » Pour qui sonne le glas Eringer ?