Cartable, sac à dos et trousse rentrée sans histoires

Deux nouvelles histoires de Rentrée réussie. Qui prouvent que souvenirs d’enfance et souvenirs d’école sont souvent intimement liés.

Sophie. J’adorais ma grand-mère (que j’appelais Mémé). Pour mon entrée en CP, elle avait voulu me faire un cadeau inoubliable. J’avais déjà toutes mes affaires de maternelle, qui pouvait encore largement faire l’affaire pendant au moins un an. Mais elle disait qu’aller à la Grande Ecole méritait quelque chose de spécial. Je sais qu’elle a longtemps cherché. Et plus la Rentrée approchait et plus je me demandais ce qu’elle allait bien pouvoir trouver. J’en étais presque venue à penser qu’elle avait oublié ou qu’elle avait renoncé. C’était bien mal la connaître. Dans la première semaine de septembre (à l’époque, la Rentrée avait lieu le 15 septembre), je la vis arriver avec un gros paquet cadeau dans les bras. A son sourire, j’ai immédiatement su qu’elle avait trouvé très exactement ce qu’elle avait en tête quand elle parlait de quelque de « spécial ». J’ai pris le paquet, je l’ai posé sur une table basse pour l’ouvrir tranquillement. Je tenais vraiment à faire durer le moment le plus longtemps possible parce que j’étais sûre que ce serait un moment inoubliable. La preuve, près de 30 ans plus tard, je m’en souviens encore comme si c’était hier. En voyant les bretelles à travers le papier cadeau, j’ai compris que c’était un sac à dos enfant et, déjà, je l’aimais de tout mon cœur. Je le découvrais de plus en plus au fur et à mesure que j’éventrais le papier. Je l’ai sorti « de dos » de son emballage de fête et c’est quand je l’ai retourné que le choc a été entier. Finement brodé sur le devant, j’ai lu mon prénom, Sophie, et pour la première fois de ma vie, je me suis dis que c’était le plus joli prénom au monde. Je crois même que j’ai pleuré. Des pleurs d’émotion et de joie mélangées en serrant très fort ce sac à dos entre mes bras. J’ai regardé ma mémé. Ses yeux brillaient. D’excitation et de d’émotion partagées. Mais également de fierté d’avoir touché juste en m’offrant un cadeau inestimable. Avec ce sac à dos et sa trousse scolaire également personnalisées à mon prénom, j’étais armée pour entrer en CP pleine de joie et d’une confiance en l’avenir qui ne m’ont jamais quittée. Comme quoi l’amour d’une grand-mère pour sa petite-fille a su lui faire aimer l’école et la vie qui va avec.

Pascal. La tradition dans ma famille voulait que toutes les tatas et tous les tontons (ma mère vient d’une famille que l’on dit nombreuse : pas moins de 9 frères et sœurs !) offrent les affaires de rentrée des classes à l’orée du CP. Rituellement, tout ce beau monde se retrouvait le dernier week-end d’août chez le petit neveu ou la petite nièce dont c’était le tour de découvrir les joies de la Grande Ecole. Il faut de tout pour faire un monde : comme dans toutes les familles, il y avait les classiques, les traditionnels… et les originaux. Cette année-là, ce fut donc moi l’heureux élu et ce fameux dernier week-end d’août, je vis débarquer tout mon petit monde les bras chargés de cadeaux. Même si je n’étais pas bien grand, j’avais déjà eu l’occasion d’assister au moins deux fois déjà à la « cérémonie ». Et, déjà, j’avais développé cette mémoire qui m’accompagne sans faillir depuis lors (et ça tombe bien, parce que je suis avocat !). Je savais qui étaient les classiques, les traditionnels et les originaux. Et j’avais décidé d’y aller crescendo, d’ouvrir mes cadeaux dans cet ordre précis. Et je ne m’étais pas trompé ! Tata Jeannette et Tonton Paul avaient choisi des cahiers et des crayons de couleurs. Exactement les mêmes que l’année précédente (à croire qu’ils en avaient un stock qu’ils écoulaient étés après étés) ! Tata Françoise et Tata Pascale s’étaient, elles, cotisées pour le cadeau « high tech » : une calculatrice multifonctions largement « surdimensionnée » pour le CP mais quand on aime, on ne compte pas (et on ne réfléchit pas toujours non plus…). Les cadeaux s’amoncelaient sur la table. Aux cahiers et à la calculatrice étaient venus s’adjoindre stylo-plume, boîte de couleurs et ses pinceaux, compas divers et variés, gommes, stylos, encore des crayons de couleurs, des buvards, une équerre, deux ou trois règles… J’avais gardé les cadeaux de mes deux tontons « orignaux » pour la fin. Je les avais surveillés du coin de l’œil tout au long de l’ouverture des autres présents et j’avais bien noté comme un imperceptible mépris (le mot est fort, mais je crois qu’il correspond assez bien à la réalité) au fur et à mesure qu’ils découvraient comme moi les objets « utilitaires » qui maintenant jonchaient la table. Les deux derniers cadeaux, donc. Un petit. Et un gros. J’ouvrais le petit le premier. C’était une trousse scolaire. Elégante et bien proportionnée certes mais qui n’avait rien de véritablement « original ». Un peu déçue, je l’envoyai rejoindre les autres objets sans regarder mon Tonton Jacques de peur de lui faire de la peine et je m’attaquai à mon dernier cadeau, la pièce de roi. Avant même de l’ouvrir, à son poids et à sa consistance, j’ai su que c’était un cartable. Je le fis apparaître très vite et mon cœur battit à tout rompre quand je vis mon prénom soigneusement marqué sur le devant. Quasi inconsciemment, je fis la relation entre le style du cartable enfant et celui de la trousse. Je repris donc la trousse entre me mains, la regardai attentivement et c’est là que je compris mon erreur. Non, ce n’était pas une trousse normale mais belle et bien une trousse on ne peut plus originale puisqu’elle aussi était personnalisée à mon prénom. Je levais les yeux vers eux et, dans les leurs, la fierté avait remplacé le mépris. Et ce sont eux que j’ai remerciés et embrassés les premiers. Mes deux tontons originaux s’étaient-ils donné le mot ? Je ne leur ai pas demandé sur le moment, trop heureux pour y penser. Et maintenant, peu m’importe. Je sais seulement que j’ai gardé ce cartable et cette trousse de longues années et que, depuis, aucun cadeau jamais n’a eu la même intensité.