Changer de job: pas si simple

Les salariés n’ont pas été épargnés ces deux dernières années. Départs individuels ou plans sociaux bien accompagnés, le résultat est le même : la rupture est un choc, un vrai traumatisme, le début d’un grand vide. Une  » période de transition « , comme la qualifient pudiquement les experts, qu’il s’agit de mettre à profit pour rebondir au plus vite. Traverser la période de la recherche d’un nouvel emploi, c’est d’abord un défi… envers soi-même.

 » Le chômage est difficile à vivre, mais il est incroyablement reconstructeur. C’est une période qui permet de travailler sur soi-même, de retrouver ses proches, ses passions, et de faire de nouveaux choix « , estime François Meuleman, formateur et consultant RH. Un temps particulier que les recruteurs n’hésitent pas à examiner, car il fait dorénavant partie du bagage d’un professionnel, surtout s’il est long.

 » Qu’un candidat soit à la recherche d’un emploi depuis près d’un an n’est pas un problème en soi. Mais la première question sera toujours : qu’a-t-il fait pendant ce temps-là ? On voudra une réponse, peu importe laquelle : qu’il y ait eu une activité, un projet de création d’entreprise… Même si celui-ci n’a pas abouti, je conseille d’en faire une ligne de CV. L’essentiel est de pouvoir l’expliquer « , indique le consultant.

 

1. Reprendre le contrôle

 » Souvent, la première étape est de persuader le demandeur d’emploi de se relancer : même ceux qui cherchent de l’emploi depuis un mois, deux mois ou six mois doivent tout reprendre à zéro « .

La recherche d’emploi ne se conçoit pas sans une organisation : une organisation quasi militaire. Tout demandeur d’emploi a besoin d’une approche réfléchie, d’un véritable plan d’attaque. Celui-ci se conçoit comme un plan marketing, comme une véritable feuille de route pour l’emploi.  » Avant tout, il faut s’obliger à réfléchir sur son trajet de vie, non seulement pour connaître ses atouts, ses forces, mais aussi pour cerner ses objectifs « .

Les objectifs sont multiples : les besoins financiers, la stabilité de l’emploi, l’atmosphère et les conditions de travail, et le  » confort moral  » visé par la satisfaction du travail réalisé. La réussite personnelle est-elle une fin ou un moyen ? La voie royale vers une vie meilleure n’est-elle pas de rechercher l’accord avec nous-mêmes ?  » C’est le but du bilan de compétences. Il faut s’obliger à se demander dans quel secteur on souhaite travailler, à quel poste, sous quel statut. Vous devez savoir deux choses : premièrement, où vous vous trouvez, et ensuite, bien sûr, où vous voulez aller « , suggère François Meuleman.

C’est l’analyse des réalités du monde de l’emploi qui se chargera de fermer les portes : la santé des entreprises, leur développement actuel et leur besoin de main-d’œuvre.  » Avant de postuler, il faut analyser sa cible, se documenter sur le secteur, l’entreprise visée, ses réussites, ses faiblesses, ses besoins. Et ne pas hésiter à se reconvertir. Trop de demandeurs d’emploi s’engluent dans des recherches infructueuses parce que le secteur qu’ils visent est saturé « , souligne le formateur.

2. Reconstruire son identité

Se construire un objectif dans le cadre professionnel ne va pas forcément de soi : c’est un milieu qui s’est bâti bien avant vous, auquel vous devez d’abord vous adapter. Un individu qui travaille acquiert une conduite adaptée au milieu professionnel. Et, en réalité, cela englobe bien plus de choses qu’un simple comportement.

 » Avant d’entrer dans un nouvel emploi, il faut se désintoxiquer de son ancienne entreprise, de sa culture, de ses normes. Il faut s’interroger sur sa façon de travailler, ses valeurs et ses utopies sociales « , explique François Meuleman. Et d’insister :  » Est-on déguisé en soi-même ? Souvent, les gens se rendent comptent que l’identité de l’entreprise a investi non seulement leur manière de travailler, mais aussi de parler à leurs enfants ou les a conduits à faire un tri dans leurs relations sociales. Cela prend des semaines, parfois des mois pour s’en défaire. »

La rectification d’idées acquises est plus pénible que l’apprentissage vierge. L’adaptation d’une pensée ou d’un modèle déjà formé implique plus d’énergie et est plus déstabilisante que le simple apprentissage du nouveau. En effet, plus le système de croyances est idéologique et abstrait, plus la dépendance à ces croyances est forte pour un individu qui les a acceptées, et plus il est difficile pour lui d’en changer.

3. Incarner son prochain emploi

 » C’est un vrai travail de re-branding : se remettre à zéro permet de se rapprocher plus facilement d’employeurs partageant les identités et les valeurs qui vous correspondent.  » Difficile de s’y résoudre quand on a 40 ou 50 ans et l’habitude d’une structure, d’une manière de procéder. Mais le conseiller plaide pour une ouverture des demandeurs d’emploi sur le monde extérieur :  » Il ne faut pas s’isoler, se dire que l’on ne sait pas faire autre chose que ce que l’on fait depuis des années. On peut également s’orienter vers les agences d’intérim, pour voir, peut-être dans un temps court, ce que l’on est capable de faire.  »

Il faut pouvoir assumer le regard porté par l’autre. Le recruteur n’a pas la possibilité de  » découvrir votre fabuleux moi intérieur  » en l’espace d’un entretien ou deux. Vos qualités, vos compétences et votre expérience doivent  » s’afficher « .

 » Il faut se donner le temps d’incarner mentalement, mais aussi physiquement son futur emploi. Le postulant doit s’accepter à la fois comme produit et comme vendeur « , plaide François Meuleman. Et de conclure :  » Admettre cette dualité et la préparer avec méthodologie, c’est déjà rentrer dans une logique de travail et non plus de chômeur. Bien organisé, l’entre-deux jobs fait du chômeur un réel professionnel en recherche d’emploi. « 

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