Organisation interne
par Christian Latour
Comme vous le savez sans aucun doute, certains restaurants dans le monde proposent désormais à leurs clients, à la place d’une carte traditionnelle, une carte numérique présentée sur tablette iPad.
Les avantages de ce genre de cartes dites « intelligentes » sont indéniables (chaque plat peut être montré au client en photo ou en vidéo, le client peut en touchant le plat à l’écran découvrir la recette et ses ingrédients, en touchant l’ingrédient, il peut accéder à une description, il peut aussi obtenir avec chaque plat des suggestions de boissons, il peut vérifier par la suite les commentaires laissés par d’autres clients, après avoir fait son choix il peut envoyer directement sa commande sans avoir besoin de passer par un serveur, et, etc., etc.)
Cet outil extraordinaire est maintenant disponible au Québec. Toutefois, s’agit-il de la meilleure alternative pour votre entreprise ? Et surtout, votre entreprise est-elle prête pour une carte numérique ?
Mon but n’est certainement pas de répondre à ces questions pour vous. De toute façon, je ne suis pas en mesure de le faire. Chaque entreprise, à cause d’un ensemble de caractéristiques qui n’appartiennent qu’à elle, est un cas d’espèce qui mérite sa propre réflexion/évaluation. Je vais par contre vous donner des informations qui vont vous permettre d’amorcer votre réflexion…
MATIÈRE À RÉFLEXION
Au Québec, vous le savez, il y a trop de restaurants [1] et pas assez de clients [2]. En conséquence, l’achalandage des meilleurs restos se construit nécessairement au détriment des restos existants. Pour réussir, vous devez donc forcément faire mieux que vos concurrents ! Et pour faire mieux que vos concurrents, vous devez constamment améliorer votre offre. Pour y arriver, vous devez évidemment savoir ce qui intéresse les clients. Or, selon les résultats des études réalisées au cours des dernières années, les préférences des clients en matière de restauration s’expriment à travers les composantes suivantes :
1. La qualité et l’originalité de votre offre nourriture et boisson ;
2. Les qualités et les compétences particulières de votre personnel ;
3. Les services complémentaires offerts dans votre établissement ;
4. Les caractéristiques et l’emplacement de votre restaurant ;
5. Les spécificités de votre support physique (local, matériel, équipement, ameublement, décor) ;
6. Le profil et les caractéristiques des clients qui fréquentent votre établissement ;
7. L’efficacité et l’originalité de vos efforts de communication et de commercialisation ;
8. La renommée de votre établissement ;
9. La réputation de votre chef ;
10. La renommée des personnes qui travaillent dans votre entreprise (propriétaires, directeurs, sommelier, maître-brasseur, etc.) ;
11. L’ambiance de votre établissement.
L’efficacité et l’originalité de vos efforts de communication et de commercialisation
Il ne faut pas l’oublier, vos cartes et vos menus sont premièrement des outils de communication et de commercialisation extrêmement importants et extrêmement visibles. On dit même qu’ils sont les « vitrines » de vos établissements . L’amélioration de vos cartes et menus est donc, parmi une multitude de possibilités, une des améliorations sur laquelle vous pouvez vous concentrer pour bonifier votre offre.
Par contre avant de décider si oui ou non vous devez investir du temps, de l’énergie et de l’argent, pour passer d’une carte imprimée à une carte numérique iPad, je vous invite d’abord à revoir l’ensemble des fonctions utilitaires que l’on attribue aux cartes et menus.
Commençons donc par le début. Comme vous le savez, le premier et le plus essentiel, de vos devoirs de restaurateur est d’offrir à vos clients des produits et des services qui les satisfassent totalement, tout en gagnant plus d’argent que vous n’en dépensez. Votre offre comprend par définition plusieurs composantes et une de ces composantes est votre offre nourriture et boisson.
IL Y A D’ABORD EU LES MENUS… ET APRÈS LES CARTES
Depuis que le commerce de la gastronomie restauratrice existe, les offres nourritures et boissons des établissements sont communiquées aux clients par l’entremise des menus et cartes. À l’origine (vers 1765 et avant), alors que les offres des établissements étaient plutôt restreintes, la communication entre les établissements et les clients s’est d’abord effectuée par l’entremise des menus affichés et par la suite par l’entremise des menus encadrés que l’on transportait d’un client à l’autre. Par la suite, quand les offres sont devenues plus élaborées (vers 1782 et après), la communication, entre les établissements et les clients, s’est effectuée par l’entremise d’une carte. Avec l’arrivée des tables individuelles, on a assisté à la multiplication des cartes c.-à-d. non plus une carte par établissement, mais plutôt une carte pour chaque table.
CE QUE VOUS DEVEZ PREMIÈREMENT RETENIR…
Les cartes et les menus sont 2 outils qui sont à la fois différents et complémentaires.
D’ABORD LA CARTE…
Traditionnellement, la carte d’un établissement est le « document » que l’on consulte et qui énumère tous les mets (nourritures et boissons) offerts par l’établissement. Elle est présentée aux clients afin qu’ils y fassent leur choix. Les cartes étaient à l’origine manuscrites. Elles sont maintenant la plupart du temps imprimées. Elles deviendront probablement de plus en plus numériques. Elles proposent souvent un ou plusieurs menus, des suggestions, des plats du jour, saisonniers ou régionaux. C’est dans la carte que l’on répertorie selon l’ordre des services, entrées froides, entrées chaudes, viandes, poissons, garnitures, desserts, boisson d’accompagnement, etc. Les desserts et les boissons sont souvent présentés dans des cartes spéciales (carte des desserts, carte des boissons, etc.). La carte est devenue un outil de travail extrêmement important pour les restaurateurs, surtout depuis 1782, et plus encore à partir de 1789.
À PARTIR D’UNE CARTE COMPLÈTE, ON COMPOSE DES MENUS FORFAITAIRES…
Le menu (du jour, du soir, pour enfant, etc.) est, une proposition de repas, composé d’un certain nombre de plats inscrits sur la carte de l’établissement. Il s’agit en fait d’une offre partielle extraite de la carte qui elle par définition représente l’offre totale de l’établissement. Par extension, on appelle également menu « le support » sur lequel un menu est inscrit. On utilise le mot menu depuis 1718 [3]. Il est par contre devenu un outil de travail important surtout depuis 1765. La coutume d’établir une liste des mets servis est toutefois, selon les historiens, beaucoup plus ancienne. Comme les cartes, les menus étaient à l’origine manuscrits. Ils sont maintenant la plupart du temps imprimés. Ils deviendront probablement au cours des prochaines années de plus en plus numériques.
Les cartes et menus sont des « supports » de présentation, fixes ou mobiles, sur lesquels (dans lesquels) on enregistre, l’offre de l’entreprise afin de pouvoir la communiquer aux clients. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps cette offre était présentée en mots, en chiffres et en images. Comme on a pu le voir dans notre introduction depuis l’avènement du numérique on peut maintenant ajouter du son et des images vidéo.
Les cartes et menus jouent principalement un rôle d’interface entre les personnes de l’entreprise et les personnes qui viennent de l’extérieur de l’entreprise en l’occurrence les clients. Elles doivent au même titre que les autres composantes de votre mix marketing contribuer à l’expérience que vivront vos clients dans vos établissements. Elles doivent être (contenu et contenant) tout à fait en harmonie avec l’ensemble de votre concept.
LES FONCTIONS UTILITAIRES (COMMUNICATION ET COMMERCIALISATION) QUE L’ON ATTRIBUE AUX CARTES ET MENUS…
1. Elles sont des « supports » informationnels au service du client… le but informer le client.
2. Elles sont des « vitrines » au service de l’entreprise… le but promouvoir l’entreprise auprès de ses différents publics (à l’interne et à l’externe).
3. Elles sont des « outils » de travail au service du personnel… le but faciliter le travail du personnel.
4. Elles sont des « outils » de commercialisation au service de l’entreprise… le but optimiser les ventes par clients.
Compte tenu de vos besoins en matière de communication et commercialisation quel est le « support » le plus approprié pour recevoir votre carte ?
REGARDONS MAINTENANT LE PROCESSUS (GESTION), DANS LEQUEL S’INSÈRENT LES CARTES ET MENUS…
Tout commence avec la matière première qui est normalement gardée dans l’entrepôt de l’entreprise. Cette matière première est inscrite sur les listes d’inventaires. À partir des matières premières inscrites sur les listes d’inventaires, on construit les fiches recettes. Avec l’ensemble des fiches recettes, on construit le livre de recettes de l’entreprise. À partir des recettes contenues dans le livre de recettes, on compose la ou les cartes de l’entreprise. À partir de la ou des cartes, on prépare une série de menus (forfaitaires). Par la suite conformément à la stratégie de l’entreprise on recommence cet exercice périodiquement (normalement de 1 à 4 fois par année).
LA FONCTION UTILITAIRE (GESTION) QUE L’ON ATTRIBUE AUX CARTES ET MENUS…
5. Elles sont des « composantes » importantes dans le processus de « gestion globale » de l’entreprise… le but contribuer à la saine gestion de l’entreprise et à sa rentabilité.
Selon mon expérience, il y a plusieurs entreprises qui n’ont pas encore terminé la numérisation et l’intégration du processus (gestion) dans lequel s’insèrent cartes et menus.
La première chose à faire, si ce n’est pas déjà fait, avant de penser à une carte sur iPad, consiste premièrement à informatiser et à intégrer entièrement le processus (gestion) dans lequel s’insèrent cartes et menus. Après avoir créer l’ensemble des outils, listes d’inventaires, fiches recettes, livre de recettes, cartes et menus et numériser comme il se doit l’ensemble des informations qu’ils contiennent, et après avoir bien analysé les 5 fonctions utilitaires que l’on attribue aux cartes et aux menus qui en découlent, vous serez plus en mesure de choisir quel « support » sera le plus approprié pour votre carte ? Malgré le fait que nous sommes entrés, sans possibilité de retour en arrière, dans l’ère du numérique, nous constatons que la carte imprimée est encore le « support » le plus utilisé. Nonobstant ce qui est dit, lu et entendu sur le sujet, les nouvelles technologies sont encore adoptées plus rapidement par les clients que par les restaurateurs.
Ça risque par contre de changer au cours des prochaines années avec l’entrée des nouvelles générations dans le secteur. Les étudiants que nous instruisons aujourd’hui dans les écoles hôtelières maîtrisent de mieux en mieux les nouvelles technologies. La plupart vont bientôt sortir des écoles avec dans leur ordinateur des kits complets (liste d’inventaire, fiche recette, livre de recette, carte et menus, etc.) prêts à utiliser.
RÉSUMÉ DES 5 FONCTIONS UTILITAIRES QUE L’ON ATTRIBUE AUX CARTES ET MENUS…
CONCLUSION
Pour faire mieux que vos concurrents, vous devez constamment améliorer votre offre. Pour y arriver, vous devez chercher et trouver des idées d’amélioration. La mise en place d’une carte numérique est parmi les possibilités, un service que vous pouvez décider d’offrir à vos clients. Avant de procéder, vous devez toutefois vérifier si ce service est approprié pour votre entreprise. Et surtout, vous devez vous assurerez que (back-office) votre entreprise est prête pour ce genre de carte ?
Bonne réflexion…
[1] Selon l’ARQ en 2009, il y avait au Québec 19 279 établissements détenteurs d’un permis de restauration.
[2] Selon l’ARQ en 2009, on comptait un établissement avec permis par 406 habitants.
[3] Larousse gastronomique, Édition Larousse Bordas, 1997