La Banque Reyl, victime collatérale de l’affaire Cahuzac

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La banque genevoise Reyl a été condamnée le 8 décembre dernier à une amende de 1,875 million d’euros pour dissimulation de fraude fiscale dans le procès de Jérôme Cahuzac. Une condamnation inédite qui provoque incompréhension et émoi en Suisse.

La banque Reyl s’est parfaitement conformée à la législation suisse –qui régit son activité- dans sa gestion du compte bancaire de Jérôme et Patricia Cahuzac. C’est ce qu’a indiqué en introduction de son verdict le tribunal correctionnel de Paris.

Les contrôles a priori ont bien été effectués par les services de compliance de la banque. Jérôme Cahuzac n’était pas engagé en politique quand il a ouvert son compte ; son nom ne figurait pas alors dans les listes de personnalités politiquement exposées (PEP) qui font l’objet de contrôles accrus de la part des banques.

Par ailleurs, l’origine des fonds déposés par le couple Cahuzac dans l’établissement suisse n’était pas suspecte et provenait directement de son activité professionnelle de chirurgien  esthétique.

La condamnation de la banque Reyl repose en fait sur une hypocrisie. Le juge Peimane Ghaleh-Marzban a estimé que la banque ne pouvait pas ignorer que l’ancien ministre socialiste et son ex-épouse se dispensaient d’informer les services fiscaux français de leurs avoirs en Suisse.

Hypocrisie parce que l’on exonère ainsi le fraudeur fiscal de sa responsabilité. Jusqu’à preuve du contraire, c’est bien Jérôme Cahuzac qui a choisi de se rendre à Genève pour y ouvrir un compte bancaire non déclaré. Hypocrisie aussi dans la mesure où le groupe Reyl s’est plié aux exigences réglementaires et légales qui régissent son activité en Suisse.

A ce rythme-là, on pourrait un jour imaginer Renault ou Citroën se voir condamner en Suisse pour une infraction routière commise par un conducteur helvète. Ou comment renverser le principe même de responsabilité. Et faire porter le chapeau aux banques, dont on sait que la côte de popularité n’est pas au beau fixe depuis la crise des subprimes.

Mais pour être honnête, il faut avant tout lire la décision du tribunal correctionnel de Paris dans sa dimension symbolique. Comme un coup de balai, longtemps attendu par l’opinion publique française, visant à nettoyer les écuries d’Augias et à mettre un terme aux pratiques nébuleuses de l’évasion fiscale internationale.

Une décision qui s’inscrit dans le contexte hors-norme du procès d’un ancien ministre de gauche, nommé pour durcir la lutte contre l’évasion fiscale, et qui a menti sans vergogne pendant des semaines à la France entière. Mais l’émotion est rarement bonne conseillère en matière judiciaire.

Si le combat contre la fraude fiscale est légitime, la cible choisie par les juges n’en est pas pour autant pertinente.

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